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France-Nigéria: les raisons d’un rapprochement

François Hollande n’est resté qu’une journée au Nigéria. Mais, seul président occidental présent pour le centenaire de la naissance du pays le plus peuplé d’Afrique, il en a aussi été l’unique “invité d’honneur”. Une preuve éloquente du rapprochement des deux pays, explique le banquier d’affaires franco-béninois Lionel Zinsou.

François Hollande president français président nigérian Goodluck Jonathan

 

 

Deux visites de président français en cent ans. C’est peu dire que les relations entre la France et le Nigéria sont longtemps restées distendues. Pays anglophone situé en plein cœur de l’ancien “pré carré” français, le Nigéria était décrit par le “Monsieur Afrique” du Général de Gaulle, Jacques Foccart, comme un “pays démesuré”, qui faisait planer sur les présidents francophones de la région “une ombre inquiétante”.

“Un réchauffement significatif”

La visite de François Hollande, qui s’est achevée vendredi après la célébration du centenaire du pays, montre combien les lignes ont bougé. “C’est un signal très fort”, explique Lionel Zinsou. Le banquier d’affaires franco-béninois, du fonds PAI Partners, est un bon connaisseur de l’Afrique. Il est notamment l’un des co-signataires du “Rapport Védrine” sur les relations franco-africaines, remis en décembre dernier à Pierre Moscovici.

“On assiste à un réchauffement significatif des rapports entre la France et le Nigéria, avec une relation très forte entre les deux présidents et les deux ministres de Finances”. Membre de la délégation française, le banquier d’affaires assure avoir assisté à des échanges “très chaleureux”, qui ont permis de “dépasser certains préjugés sur le Nigéria”.

Le président français, “invité d’honneur” des cérémonies de célébration du centenaire, était aussi le seul président occidental présent. Une attention “très symbolique”, estime Lionel Zinsou.

Renvoi d’ascenseur

En forme de renvoi d’ascenseur ? En décembre dernier, le gouvernement français avait réservé, lors du sommet franco-africain à l’Elysée, un accueil très chaleureux à la charismatique ministre des Finances du Nigéria, Ngozi Okonjo-Iweala. Il faut dire que l’économie nigériane a quelques arguments à faire valoir.

“Il y a peu de pays aujourd’hui qui donnent cette impression de vitalité”, estime Lionel Zinsou. “Le Nigéria fait 7% de croissance depuis 8 ans, il est solvable, il a moins de 2% de déficit budgétaire et sa dette se chiffre à 20% du PIB. Il a les moyens de réaliser de grands investissements”. Le pays dispose par ailleurs de quelques 43 milliards de dollars de réserves de change.

Bientôt la première économie du continent ?

A la faveur d’une réévaluation de son PIB par le Fonds monétaire international, il va même probablement devenir la première économie du continent, devant l’Afrique du Sud. Des résultats qui en font aussi l’un des pays les plus optimistes quant à son avenir.

En décembre 2013, le cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers avait interrogé une trentaine de chefs d’entreprises nigérians dans le cadre de son “Africa Business Agenda”. 94% d’entre eux étaient optimistes sur la croissance de leur activité à court terme, 97% à long terme! Interrogé par le cabinet d’audit, le PDG du conglomérat nigérian Dangote, le milliardaire Aliko Dangote, n’y va pas par quatre chemins :

À dire vrai, le meilleur marché est aujourd’hui celui de l’Afrique subsaharienne. Je ne connais aucun pays où il soit possible de s’enrichir autant qu’au Nigéria, et je le dis à quiconque veut l’entendre. Cette région offre de formidables opportunités.

Forcément, ces opportunités aiguisent les appétits. Le Nigéria figure en bonne place dans la liste des 47 pays prioritaires à l’export de la ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq. “Ces nouveaux marchés sont prioritaires”, expliquait début février une source ministérielle, avec une orientation forte en direction des pays “non francophones”.

“Le Nigéria est sur une dynamique forte de croissance que sa démographie va rendre de plus en plus hégémonique sur le continent”, estime “l’afro-optimiste” Lionel Zinsou. D’où un besoin d’investissement. En septembre dernier, la ministre de l’Economie nigériane avait profité d’une interview avec le journal Le Monde pour sermonner les entreprises françaises :

Tout le monde investit des milliards ici. Sauf les Français, qui sont un peu lents, un peu timides. Qu’ils viennent voir quel esprit nouveau souffle chez nous. Car s’ils ne sont pas au Nigeria, ils ne sont pas en Afrique !

Nom de code : Serval

Pourquoi le Nigéria éprouve-t-il un tel attrait pour la France ? Pour Lionel Zinsou, l’élément déclencheur a un nom de code : Serval.

Si les relations franco-nigérianes s’étaient déjà améliorées à partir des années 1980, selon l’essai “Le Nigéria, un pouvoir en puissance” de Daniel Bach, Johny Egg et Jean Philippe, c’est l’intervention militaire – et sa réussite – au Mali à partir de janvier 2013 qui a “tout changé” :

Le djihadisme est un problème régional et notamment nigérian avec Boko Haram, très fort. Quand la Cédéao a cherché des appuis pour empêcher le Mali de devenir un Etat djihadiste, la France a été le seul pays à avoir répondu avec rapidité, vigueur, force. Cela a changé toutes les opinions dans la région.

L’insécurité reste en effet préoccupante au Nigéria. Dans sa fiche pays, la Coface note ainsi que “la situation sécuritaire demeure tendue dans le delta du Niger, zone de production de pétrole”. “Elle s’est également nettement détériorée dans le nord avec l’intensification des attentats perpétrés par Boko Haram. D’une manière générale, le chômage massif, la pauvreté et les inégaltés régionales alimentent la violence et l’instabilité sociale”.

La manne sécuritaire

La présence militaire de la France en Afrique est vecteur d’influence. “Ce qu’a fait la France avec l’opération Serval au Mali et ce que fait le Nigéria contre Boko Haram est complémentaire”, affirmait jeudi un diplomate à l’AFP, sous couvert d’anonymat. Paris entend “poursuivre et approfondir” le dialogue en matière de renseignement avec le Nigeria.

Cette insécurité nuit encore à l’image du Nigéria à l’étranger. Pour Lionel Zinsou, c’est une erreur d’appréciation. “Il y a des interrogations sur la sécurité avec le terrorisme, mais ça n’est pas de nature à empêcher un développement des échanges ou des investissements. Bien au contraire”.

Des marchés importants dans la sécurité

Il faut y voir l’opportunité de développer le secteur des “équipements de la sécurité”. Il pourra s’agir, au niveau des Etats comme des entreprises, de renforcer les “propositions aux pays de les protéger contre le terrorisme et de les aider à développer leurs moyens de protection, contre la piraterie par exemple”. Ça tombe bien, la France “soutiendra les actions” du Nigéria dans la lutte contre la piraterie dans le golfe de Guinée, a déclaré François Hollande au cours de sa visite. En jeu, des marchés “tout à fait importants”, assure Lionel Zinsou.

Cette vision optimiste n’est pas cantonnée au domaine sécuritaire, conclut-il. “Il y a cinq ou six ans, face à des ports embouteillés ou des pannes d’électricité, la réaction était de dire qu’il s’agissait d’un frein au développement. Aujourd’hui, on y voit au contraire autant d’opportunités de développer sa présence sur place!” Des opportunités au cœur desquelles la France entend bien faire fructifier ses bonnes relations politiques.

Source: La Tribune

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