L’avocat général a préconisé ce mercredi 29 janvier la cassation de deux avis favorables de la cour d’appel de Paris à l’extradition de deux Rwandais, Claude Muhayimana et Innocent Musabyimana, recherchés par Kigali pour leur implication présumée dans le génocide de 1994. Il a par ailleurs prôné le rejet d’un pourvoi que le parquet général de Douai avait formé contre l’avis – cette fois défavorable – de la cour d’appel concernant l’extradition d’un troisième Rwandais, Laurent Serubuga. La Cour de cassation, qui a mis sa décision en délibéré au 26 février, n’est pas tenue de suivre l’avis de l’avocat général.
Comme la défense, le parquet de la Cour de cassation estime impossibles ces extraditions, et ce en vertu de deux principes fondamentaux. Le premier est la non-rétroactivité de la loi, car le génocide est poursuivi au Rwanda en vertu d’une loi adoptée en 1996, soit deux ans après les faits.
Le second est l’assurance d’un procès équitable. Or Claude Muhayimana, l’un des trois Rwandais suspectés de génocide, craint d’être condamné avant même d’avoir posé le pied à Kigali. « Au Rwanda, il n’y a pas de justice. Moi, je suis innocent, je n’ai rien fait […] Le problème que le Rwanda a avec moi, c’est que j’étais le guide des militaires français en 1994. Il m’a demandé de signer les documents qui accusaient les militaires qui étaient dans la région de Kibuyé. J’ai refusé. C’est pour ça que j’ai quitté mon pays en 1995 », raconte-t-il.
Ce n’est pas pour autant que les faits resteront impunis, assure l’avocat général de la Cour de cassation. A ses yeux, la justice française peut juger ces trois hommes, comme s’apprête à le faire la cour d’assises de Paris avec Pascal Simbikangwa. Vingt ans après le génocide rwandais, ce sera le premier procès en France d’un génocidaire présumé.
Me Alain Gauthier, président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda
“Jusqu’à maintenant, la Cour de cassation présentait deux arguments. C’est-à-dire que si on les renvoie au Rwanda, ils n’auront pas un procès équitable et, deuxième argument, qui est un peu plus juridique, c’est que la loi organique qui punit le génocide au Rwanda étant postérieure au génocide lui-même, il ne peut pas y avoir d’antériorité. On ne peut pas juger un crime qui a été commis avant l’adoption d’une loi. Pour nous, ça ne tient pas trop la route, parce que comment voulez-vous qu’un régime qui met en place un génocide puisse penser en même temps adopter une loi qui punirait ces actes de génocides ? Ça n’a pas de sens. On aimerait bien qu’ils soient extradés.”