Mon cousin Keïta est singulier. Cette singularité, il l’assume et l’exprime en toute occasion. Si rien de ce qu’il fait ne m’étonne guère, il y a de ses manies qui irriguent ma réflexion. Au point que j’en suis à me demander si la sénilité ne commence pas à atteindre mon cousin adoré.

Il se dit bourgeois. C’est connu de tous. Il se comporte en conséquence. C’est un fait. Il aime montrer qu’il adore la langue de Molière. Il le démontre dans son expression, à travers tournures et autres figures de style, l’emploi du subjonctif…

En somme, il aime le registre très soutenu de la langue française. C’est un secret de polichinelle. C’est peut-être une question de passion, non forcément une somme de connaissances et compétences  acquises et certifiées par un diplôme digne de ce nom. Bon, ce n’est pas important.

Mon cousin fait tout ça pour montrer à quel point il est différent des autres. En soi, ce n’est pas mauvais. Car, toutes proportions gardées, cela induit une certaine quête de l’Excellence. Sauf que mon cousin n’a jamais, dans tout ce qu’il a fait jusqu’ici, mérité cette marque d’intelligence. Ce n’est donc pas ça.

Mon cousin a-t-il quelque chose à cacher aux Maliens ? Je ne saurais le dire. Ah, si ! Depuis un certain moment, il porte des lunettes noires. Partout où il passe. Du moins, quand il est exposé aux regards de ses compatriotes. À la télé, quand il apparaît, et quel que ce soit le lieu, il a toujours cette paire de lunettes vissées sur son nez, qui n’est d’ailleurs pas aquilon. Même quand il est à la grande mosquée de Bamako, en train de prier, il ne se débarrasse pas de ses lunettes noires. A-t-il peur du vent ou du soleil ? Ne veut-il pas voir notre misère ?

Une évidence : il ne porte pas ses lunettes noires pour se protéger du vent ou du soleil. Ah, je viens d’avoir la réponse : pour cacher ses yeux aux Maliens. Mais pourquoi ? J’abandonne la partie.

Issiaka SISSOKO   

Source: Le Reporter