Avec 43% de filles déscolarisées avant d’avoir un diplôme en 2016, le Mali ne dispose pas à ce jour de politique nationale de réinsertion socioprofessionnelle pour cette catégorie de la population.
« On m’a forcé à me marier », regretteDida Keïta. Cette jeune mère au foyer de 24 ans suit avec une vingtaine d’autres filles un apprentissage en maintenance informatique, initié par une l’Organisation non gouvernementale (ONG).
Elle affirme avoir été obligée de chercher un boulot pour aider son mari. « Je suis ici pour avoir une qualification», confie-t-elle.
Au Mali, s’il y a une politique nationale de scolarisation des filles depuis 2010, il n’en existe toujours pas pour leur réinsertion.
Le bulletin de statistique de l’Unicef et du Centre national de documentation et de l’information sur la femme et l’enfant de 2016 renseigne que sur 31 125 filles déscolarisées, seulement 3 364 sont réinsérées.
Maïga Kadidiatou Baby, coordinatrice de l’Association pour la promotion des filles déscolarisées au Mali (Aprofid), estime que la question de réinsertion n’a jamais été prise au sérieux par les autorités. Selon elle, le rapport de la Coalition Education pour Tous (EPT) au début des années 2000 a permis au Mali de se rendre compte de la gravité de la situation et à s’y intéresser. Sur les 43% de filles déscolarisées, seulement 11% sont parvenues à se faire réinsérer dans la vie socioprofessionnelle, indique la coordinatrice. Ce, avec l’appui et l’accompagnement de quelques ONG. Kadidiatou Baby regrette l’insuffisance de structures d’accompagnement des jeunes filles au Mali.
Kadiatou Baye, Présidente de l’Association pour la promotion des droits de la femme (APDF), témoigne : « j’ai échappé de justesse à la déscolarisation grâce à mes frères. Mais, elles sont nombreuses celles qui n’ont pas cette chance et malheureusement, elles ne sont pas accompagnées pour leur réinsertion ».
Au Mali, il existe des contraintes socioculturelles et religieuses qui freinent ce processus, selon Fatoumata Diarra, Conseillère technique chargée du genre au ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille. A l’en croire, une politique nationale en la matière est à l’étude. Selon la technicienne, le Centre national des ressources des éducations non formelles (CNR-ENF) dispose d’une cellule priorité femme et fille non scolarisées ou déscolarisées précoces.
La fonctionnaire explique: « la société malienne est basée sur des croyances socioculturelles qui ne favorisent pas l’évolution intellectuelle des jeunes filles. Nombreux sont les parents qui pensent que l’école est un facteur de déstabilisation de la fille en raison du contact que celle-ci y a avec les garçons ». Pour la réinsertion, le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle a, dit-elle, des politiques pour favoriser cette catégorie de personnes. Fatoumata Diarra exprime son optimisme avec le lancement d’un nouveau programme pour l’autonomisation de la jeune fille, dénommé ‘’Sweed’’.
Selon un rapport de l’Unicef publié en 2011, la désertion scolaire est le deuxième aspect de la discrimination dans l’éducation des filles. Il y ressort égalementqu’un grand nombre de filles interrompent leurs études sans obtenir de diplôme. Selon ledit rapport, cette situation s’explique par, entre autres raisons, le mariage précoce, le manque de temps, l’exode rurale et surtout le manque d’éducation sexuelle.
La déscolarisation des filles est une violation de plusieurs conventions internationales ratifiées par le Mali, notamment celle relative aux droits des enfants, adoptée par l’ONU en 1989.
Harber MAIGA
Source: AZALAÏ EXPRESS