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Faits divers : Pris « les mains dans le sang »

B. réussissait très bien dans sa profession. Mais pas assez vite à son goût

Faits divers
« Plus haut vous monterez, plus dure sera la chute », prédisait une chanson bien connue. La vérité qu’elle énonce se vérifie malheureusement presque tous les jours et dans les domaines les plus banals de la vie. Et lorsqu’on reconstitue le fil de ces histoires qui finissent mal, l’on s’aperçoit que dans neuf cas sur dix, celui qui s’est exposé à une descente aux enfers avait les moyens de s’éviter une cruelle déchéance. Mais la tentation de brûler les étapes a été plus forte chez lui que la raison plus élémentaire. B. un jeune boucher qui officie à Sénou vient de connaître l’humiliation de se faire arrêter en plein marché, au milieu de ses collègues et des clients qui ne lui avaient pas ménagé leur estime. Les faits se sont déroulés il y a environ deux semaines et font encore parler d’eux dans la zone, où beaucoup restent stupéfaits de la manière dont le jeune homme s’est brûlé les ailes.
Car en fait rien ne prédestinait à une mésaventure si peu glorieuse le boucher d’une trentaine d’années. Ce dernier, ainsi que comme nous l’avions dit, jouissait d’une réputation de sérieux dans le milieu et auprès de sa clientèle. Cette bonne réputation, B. l’a acquise par un parcours quasiment exemplaire. Il avait commencé comme apprenti auprès d’un boucher du marché de Sénou. Son chef l’envoyait régulièrement chercher aux premières lueurs de l’aube les carcasses de viande au niveau de l’abattoir frigorifique. Le jeune débutant avait accepté sans rechigner pendant des années les taches les plus pénibles et avait attendu patiemment que son heure sonne. Son courage au travail avait attiré l’attention d’autres bouchers du marché et ceux-ci lui confiaient à l’occasion de petits travaux pour arrondir ses maigres revenus.
UN RÉGIME DE FAVEUR. Au bout d’un certain moment, B. estima avoir suffisamment appris dans le métier pour se mettre désormais à son propre compte. Les nombreuses connaissances qu’il s’était fait dans le milieu des bouchers professionnels du marché l’encouragèrent dans ce projet. Certaines firent même plus : elles lui prêtaient souvent de l’argent pour qu’il puisse faire abattre un animal pour son propre compte et écouler ainsi « sa » viande. Grâce toujours à l’appui de ses protecteurs, B. se trouva une place au marché du quartier, place à laquelle il plaça un grand étal.
Comme le jeune homme mettait toujours autant de cœur à l’ouvrage, les choses marchaient très bien pour lui dès ses débuts. Il arrivait à s’attirer une clientèle de plus en plus nombreuses et dont la fidélité lui permettait d’être à jour dans le remboursement des prêts que ses collègues lui avaient consenti. En outre, il avait bénéficié d’un appui dont il ne parlait pas beaucoup. Un homme avait pourtant joué en coulisses un rôle essentiel dans l’ascension du boucher, un certain M., commerçant de bétail de son état. Lorsqu’il avait décidé de prendre son indépendance par rapport à son patron, B. avait persuadé M. de lui accorder un régime de faveur dans la fourniture des bêtes à abattre. Le boucher avait souhaité que son partenaire lui accorde des conditions douces pour le paiement des bêtes prises à crédit. Chaque jour après le marché, B. versait à son créancier une somme proportionnelle aux recettes qu’il avait réalisées.
Le marchand avait consenti à cet arrangement pour une raison assez simple. B. et lui venaient du même village de la région de Ségou où leurs familles se connaissaient très bien. Le commerçant de bétail, installé à Bamako depuis plusieurs années, avait une expérience du milieu largement supérieure à celle son jeune frère et il estimait qu’il était de son devoir d’aîné de mettre le pied à l’étrier à son cadet. Ce fut pourquoi il accorda à B. ce régime exceptionnel qui soulageait le boucher de la pression du remboursement rapide des bêtes acquises. M. expliqua à ses intimes qu’il rendait d’autant plus volontiers ce service à son compatriote qu’il percevait en ce dernier un boucher d’avenir qui ne le décevrait pas.
DES SOUPÇONS JUSTIFIÉS. Mais M. ne s’était pas douté une seule seconde que le jeune homme dont il louait ainsi les qualités était en train de changer et pas dans le bon sens. Comment et pourquoi ce glissement s’est-il fait ? Aucune des personnes que nous avons rencontrées n’a pu nous expliquer clairement les raisons du changement de comportement de B. Mais ce qui est établi, c’est que sans rien dire à son protecteur, le boucher s’était rapproché d’un autre négociant de bétail, un dénommé T. Ce dernier, à la différence de M. qui ne vendait que des bovins, faisait aussi le commerce de petits ruminants.
B. l’avait approché en assurant qu’il voulait élargir la gamme des viandes offertes à ses clients. Mais les deux hommes n’avaient pas encore dépassé le stade des négociations quand une nuit T. se fit enlever quatre moutons dans son parc. Les enquêtes policières permirent de mettre la main sur les présumés voleurs. A la suite des interrogatoires, l’un des hommes arrêtés aurait lâché le nom de B. en assurant que c’était à ce dernier que l’un des moutons volés avait été vendu. La police a cherché à réunir des charges suffisantes pour coincer le jeune boucher. B., comme attendu, nia toute implication dans cette ténébreuses affaire, et sa culpabilité n’ayant pu être établie, il avait été mis hors de cause. Mais sans qu’il ne s’en doute, il était resté dans la ligne de mire des enquêteurs qui n’avaient pas trouvé très nettes les réponses qu’il avait données.
La suite des événements a démontré que les soupçons des policiers étaient largement justifiés. Le jeune boucher traitait affaires avec un rôtisseur. Ce dernier possédait une « dibiterie » où il ne vendait que des produits à base de viande de mouton. Des observateurs avaient remarqué que les deux hommes se fréquentaient assidûment et qu’il était bien possible que B. avait trouvé le moyen d’approvisionner à moindre frais son ami. Les soupçons continuaient donc à s’amonceler autour du jeune boucher. Formellement blanchi dans l’affaire du vol des ruminants, il n’était cependant pas à l’abri d’un rebondissement compromettant.
Très récemment encore, des témoins ont affirmé avoir aperçu une nuit B. avec deux moutons qu’il tenait par une corde attachée au cou des bêtes et qu’il était en train de trainer vers la dibiterie de son nouveau partenaire. Pourquoi une livraison nocturne si l’origine des animaux n’était pas suspecte, demandaient ces esprits méfiants. Les soupçons qui montaient autour de son jeune frère du village mettaient M. dans l’embarras. Il usa de toute son influence dans le milieu de la vente des bêtes pour protéger B. et lui restituer toute la confiance du milieu. Ses efforts commençaient à payer quand un événement vint détruire tout son plaidoyer.
PAS D’EXPLICATION. Tout commença de la manière la plus banale. Quelques jours avant la chute de B., des habitants du quartier étaient de passage au petit soir vers la route qui mène à l’aéroport Bamako-Sénou. Par hasard, ils tombèrent sur un petit coin sommairement aménagé non loin d’une maison abandonnée. L’endroit avait l’allure d’un véritable abattoir clandestin. Des restes de viande étaient encore éparpillés çà et là sur le sol. Des traces de sang séché couvraient tout l’espace et une horrible puanteur se dégageait de l’amas de viscères et d’excréments d’animaux fraîchement abattus.
Lorsqu’ils firent cette découverte cette découverte, les habitants se souvinrent de la rumeur qui avait fait le tour de la zone. Cette rumeur mettait en cause des « bouchers » qui procédaient à des abattages illicites loin des concessions dans un des secteurs de Sénou. Les services compétents en avaient été informés et avaient à leur tour saisi les limiers. Une souricière avait été discrètement tendue depuis un bon moment. Mais les informateurs n’avaient pu donner avec exactitude l’identité de ceux qui s’adonnaient à cette pratique. La découverte de l’aire d’abattage donna un coup d’accélérateur à l’enquête. Les policiers activèrent leur réseau d’informateurs opérant dans la zone. Durant plusieurs jours, les « pions » firent leur travail de recoupement au terme duquel des noms purent être mis sur les hommes qui avaient participé à l’abattage. Parmi les personnes identifiées avec certitude se trouvait B.
Les policiers choisirent d’aller cueillir ce dernier à son étal au marché. B. était en train de débiter une carcasse de bœuf dont il ne put expliquer la provenance. Les policiers du 10è arrondissement ne lui ont pas laissé le temps de prolonger ses propos confus et l’ont embarqué.
Il est certain que le jeune homme agissait à l’intérieur d’un réseau bien organisé. Pour preuve, les témoins ont rapporté que les carcasses qu’il vendait portaient les fameuses marques de l’encre bleue qui indiquaient que la viande était propre à la consommation. Une façon de rassurer les consommateurs et leur assurer que la marchandise avait subi un contrôle officiel des services vétérinaires. Les enquêtes doivent permettre de comprendre comment B. procédait et avec qui il était de mèche dans cette affaire apparemment juteuse. Ce qui est certain, c’est qu’il ne retrouvera pas de si tôt la profession qu’il exerçait et qu’il ne le fera certainement pas à Sénou. Ainsi se trouve brisée à trente ans la trajectoire d’un homme qui tous voyaient réussir dans le métier. Mais qui a choisi de forcer la chance au moment même où le mérite commençait à payer.
MH.TRAORÉ

source : Essor

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