Pilier du développement humain qui est un élément de comparaison entre les pays plus pertinent que la richesse ou les revenus par habitant, le système sanitaire d’un pays est souvent un bon révélateur de son niveau réel d’évolution. C’est par la qualité des soins proposés aux populations, la couverture du territoire en offre de soins appropriés mais aussi la capacité à financer ces soins par les populations, notamment les plus démunis, que l’on mesure le souci des leaders pour leurs peuples.
Et ce souci n’est pas proportionnel à la richesse du pays. Certaines nations, moins bien classées à l’échelle de la croissance économique ou du Produit intérieur brut (PIB), se révèlent mieux dotées quand on apprécie leurs systèmes de santé. C’est le cas des pays scandinaves en Europe ou même de la France qui ne sont pas les pays les plus riches au Monde. En Afrique, les pays les plus riches ne sont pas ceux dont le système sanitaire est le plus efficace. Ces derniers sont souvent mieux classés comparativement à leur rang économique, ce qui montre leur propension à mieux répartir les richesses et une aptitude de l’Etat à prioriser le secteur social au bénéfice des populations, notamment les plus faibles. Notre pays, à l’échelle du classement des systèmes sanitaires, a un rang qui est meilleur à son classement économique.
Nous nous en sortons mieux que certains pays pourtant plus riches que le Mali. Cependant, nous pouvons faire nettement mieux. Pour ce faire, il nous est impératif d’engager plus d’efforts dans certaines directions et renforcer certains niveaux de notre pyramide sanitaire, allant du centre de santé communautaire (CSCOM) à nos établissements hospitaliers universitaires et nos structures spécialisées. Si l’impact de la bonne santé est difficilement mesurable, nous devons savoir qu’il a des conséquences positives sur l’éducation, la formation, la production et les créations de richesse et donc sur l’amélioration des conditions de vie.
La pyramide sanitaire malienne est appréciable et sert de modèle pour beaucoup de pays. Elle assure une couverture moyenne de nos populations et se caractérise surtout par une participation des populations au financement de leur santé à travers le système communautaire issu de l’initiative de Bamako (1987) à l’origine des centres de santé communautaires, dont le nombre a dépassé 1300 sur l’ensemble du pays. A quelques exceptions près, les Maliens vivent en moyenne à moins de 20 km d’un centre de santé. Cela est encore vécu difficilement par beaucoup de nos compatriotes, mais le chemin parcouru en 30 ans est à saluer. Il faut travailler à renforcer la couverture médicale des populations, mais surtout améliorer les voies d’accès aux centres de santé, renforcer les pistes rurales entre nos villages.
Les formations sanitaires de base existantes doivent être renforcées en capacités de soins pour permettre d’atteindre le ratio d’au moins un médecin par CSCOM, ce qui nous oblige à recruter au moins 700 médecins actuellement. Cet effort minimal est à fournir sans délai afin d’améliorer l’équité entre les citoyens en termes d’accès à une offre de soins de qualité. En dehors des CSCOM, nous devons envisager d’introduire les médecins de campagne dans notre dispositif sanitaire.
Cette idée, chère à feu le Professeur Ogobara DOUMBO, consiste à affecter un médecin pour un certain nombre de villages relevant d’un CSCOM. Il agira dans la prévention, la surveillance nutritionnelle et épidémiologique, le respect des règles d’hygiène, les soins ne nécessitant pas l’évacuation vers le CSCOM et fera des rondes pour s’occuper de la prise en charge des populations. Il sera pris en charge par une pluralité d’acteurs (les bénéficiaires du village pour partie, le CSCOM et enfin l’Etat). On estime qu’avec ce dispositif, il y aurait des économies pour les populations et pour la collectivité permettant de supporter en partie le coût du médecin.
Au-dessus des CSCOM, notre pays dispose de plusieurs dizaines de centres de santé de référence (CSREF), en moyenne au moins un CSREF par cercle, certains cercles en disposant de deux. Ces structures disposent de plusieurs médecins et de quelques spécialistes (dentiste, chirurgien…) et ont un plateau technique appréciable. Ils s’orientent vers des hôpitaux de première référence comme on le voit, par exemple, dans les communes de Bamako, toutes dotées d’un CSREF.
Cependant, il faut renforcer leurs capacités en les dotant de plus d’équipements et de plusieurs spécialistes (chirurgie spécifique, traumatologie, dermatologie, neurologie…). On doit faire évoluer nos CSREF vers un niveau de formation sanitaire pouvant prendre en charge l’essentiel des besoins des populations de leur rayon d’intervention. On doit renforcer leurs capacités de gestion et leurs aptitudes à superviser l’ensemble des autres structures relevant de leur ressort. Chaque région du pays, à l’exception de Kidal et de celles en cours de création, dispose d’un hôpital régional. Cette structure sanitaire est le sommet de la pyramide dans la région et dispose d’un plateau plus renforcé que ceux des CSREF même si les hôpitaux régionaux manquent encore de nombreux équipements minimaux pour ce type d’établissements.
Leurs niveaux d’équipement ne sont pas uniformes et, surtout, ils manquent globalement de certains moyens pourtant indispensables comme le scanner, les laboratoires, les capacités d’analyse et de prise en charge de certaines urgences traumatiques…Les chantiers sont nombreux pour renforcer les hôpitaux régionaux. L’une des priorités étant de les faire évoluer vers la structure de Centre Hospitalier Universitaire (CHU) en adossant à chaque hôpital régional une faculté de médecine pour améliorer la formation des médecins qui renforceront le dispositif médical des régions. Au niveau central, il y a bien des enjeux comme celui du renforcement du plateau technique et de la qualité de soins de nos CHU limitant ainsi les évacuations sanitaires.
Il est cependant indispensable de prioriser nos structures sanitaires de terrain pour équilibrer progressivement le dispositif qui penche actuellement en faveur de Bamako, obligeant l’essentiel de nos compatriotes à venir se soigner dans la capitale plutôt que d’opter pour les centres qui leur sont proches. Au-delà du renforcement de nos structures sanitaires et de notre dispositif de terrain dans ce secteur, la question du financement de la santé se pose avec acuité aux Maliens.
Nous devons travailler sur cette question majeure. Il faut élargir le régime de l’assistance médicale aux plus démunis (RAMED) en y insérant plus de souplesse, de contrôle et plus de célérité dans la prise en charge. Nous devons généraliser l’assurance maladie à tous les segments de la population pouvant contribuer (secteur informel, professions libérales, artisans…) comme cela commence timidement. Il faut soutenir le système des mutuelles pour les prises en charge complémentaires.
Le pays doit tendre vers la mise en place d’un dispositif de couverture universelle (gratuité) pour certaines prestations de base comme le traitement contre le paludisme, la santé infantile, la mise à disposition de contraceptifs ou encore le suivi prénatal au bénéfice des femmes enceintes. Enfin la Gouvernance du secteur de la santé, comme tous les autres secteurs, constitue un enjeu majeur pour son équité et son efficacité au service de nos compatriotes.
Dans ce domaine comme ailleurs, aussi bien au niveau de l’Etat que des collectivités territoriales, mais aussi dans les structures sanitaires, la gouvernance doit rimer avec davantage de contrôle et de sanction, la généralisation de l’utilisation des Technologies de l’Information et de Communication, la formation continue et la mise en avant des meilleures pratiques…En les gérant mieux, nos moyens sanitaires modiques peuvent néanmoins produire de bons résultats !
Moussa MARA www.moussamara.com
Mali24