L’homme n’aime pas trop parler, surtout pas comme les spécialistes de la propagande, mais quand il décide de parler, c’est pour être pertinent. En nous recevant ce jeudi 15 septembre 2016 chez lui à la maison à Niamana, Fahad Ah Almahmoud, le secrétaire général du Groupe d’autodéfense touareg imghad et alliés (Gatia) voulait faire passer un message : la dangereusement instrumentalisation des peulhs par les terroristes d’Ansar Eddine. Des terroristes recyclés en HCUA. Mais il n’a pas dit que çà.
« Il n’y a pas de différence entre les combattants d’Ansar Eddine et ceux du HCUA. Ils opèrent avec les mêmes moyens militaires, et tout le monde sait que Algabass Ag Intalla, qui en est fondateur, était le numéro 2 d’Ançar Eddine. HCUA, c’est juste une manière de se rendre fréquentable ».
Des peulhs instrumentalisés ? Notre interlocuteur est ferme là-dessus. « En fait, les terroristes d’Ansar Eddine et HCUA veulent faire la diversion. Ils ont ouvert des fronts au Centre pour délocaliser l’attention des autorités et les services de renseignement. Ce qui permettra du coup de faire oublier le Nord et leur permettra de mieux s’organiser ».
Le secrétaire général du Gatia est convaincu que les attaques perpétrées au Centre du pays dans les régions de Mopti et Ségou ne sont pas de l’Alliance nationale pour la sauvegarde de l’identité peulh et la restauration de la justice (Ansiprj) d’Oumar Aldjana. « C’est bien le fait d’Ansar Eddine et du HCUA. Ils font des attaques et les font revendiquer par les peulhs notamment Oumar Aldjana. C’est exactement ce que faisait le MNLA en 2012 : AQMI attaque, et le MNLA revendique. Sinon, l’Alliance nationale pour la sauvegarde de l’identité peulh et la restauration de la justice (Ansiprj) d’Oumar Aldjana et le Front de libération du Macina (FLN) d’Amadou Kouffa n’ont ni les hommes et ni les moyens pour ces genres d’opérations. Ils sont juste affiliés à Ansar Eddine-HCUA et sont là uniquement pour revendiquer au nom des peulhs. Les quelques combattants peulhs qui sont avec cette coalition terroriste d’Ifoghas, sont utilisés au 3e degré puisqu’ils n’ont pas assez de qualification. Ils servent surtout de chair à canon. On leur apprend à poser des mines. Ce que les gens ne savent pas aussi, ces attaques masquées du HCUA contre l’armée malienne lui permet de se ravitailler en armes, munitions et véhicules. Chaque fois qu’ils sont dans le besoin, ils organisent une attaque contre l’armée malienne. Tout le monde sait que c’est Famoussa Diarra qui a fait l’attaque de Nampala et le butin a été partagé devant la maison de Cheick Ag Aoussa à Kidal. Et aujourd’hui, la force de la CMA repose sur le HCUA, le MNLA ayant été absorbé ».
Voilà donc comment opère désormais un signataire de l’Accord en occurrence le HCUA. Il n’existe pas de frontières entre ce controversé signataire de l’Accord et son passé terroriste. Et c’est la raison pour laquelle même notre partenaire français a dénoncé en un moment cette collusion entre HCUA et terroristes d’Ansar Eddine. En tout cas, pour Fahad Ag Almahmoud, le mouvement peulh n’est qu’une couverture du HCUA et le danger de l’instrumentalisation des communautés, qui n’étaient jusque-là pas impliquées dans le conflit, est réel.
Que doit faire l’Etat ? « Réparer rapidement les torts, injustices et bavures dont certaines familles ont pu être victimes de la part de l’armée malienne. Et cela ne concerne pas que les peulhs. Je souhaite que les autorités du pays se réveillent et prennent conscience du danger qui guette le Mali et la communauté peulh, laquelle risque d’être instrumentalisée par des terroristes internationaux. Et l’implication directe des responsables nationaux dans ce problème, est une analyse beaucoup plus futuriste que ce que nous entendons actuellement dans les médias. Je souhaite que le gouvernement mette fin à tout genre d’amalgame contre les communautés dans les zones de conflit et prenne des mesures pour donner satisfaction à toutes les populations dans les zones où se trouve l’armée malienne. Je demande aux officiers de l’armée de se comporter en républicains en s’attaquant aux ennemis du Mali, au lieu d’en créer encore au sein des populations ».
Par contre ce qui donne du rire jaune à notre interlocuteur, c’est quand on insinue que les peulhs peuvent prendre leur indépendance. « Il n’y a pas un territoire peulh au Mali ! Ce n’est pas comme les Bambara qui sont concentrés à Bamako, Ségou ; ou les Sarakolés qui sont à Kayes. Les peulhs sont dispersés à travers le pays. On les retrouve à Mopti, au Wassoulou, à Nioro du Sahel etc. Comment peut-on fonder un Etat dans cet état de fait ? ».
Alpha a tué l’Etat et la démocratie à Kidal
La situation à Kidal demeure préoccupante. Un calme précaire y règne actuellement et le secrétaire général du Gatia pense qu’il faut forcément trouver une solution à la cohabi-tension entre les Ifoghas et les imghads. Exercice auquel tente de se livrer l’Etat à travers le Haut représentant du président de la République dans la mise en œuvre de l’Accord. Mais ce problème Kidalois a un auteur aux yeux de Fahad : c’est l’ancien président de la République, Alpha Oumar Konaré. « C’est Alpha qui, pendant ses deux mandats, a attribué tous les pouvoirs aux Ifoghas à Kidal. Ceux-ci ont donc tué l’Etat et la démocratie à Kidal. Chose contraire à la révolution de mars 1991 et quand bien même Alpha était un président démocratiquement élu. Les Ifoghas après Kidal, ont tué l’Etat et la démocratie dans le reste du Nord, et contaminent maintenant le centre du pays, comme Mopti et Ségou. Bamako a tué l’Etat et la démocratie à Kidal, Kidal a tué l’Etat et la démocratie au Nord, et avance maintenant vers le Sud ».
C’est pourquoi, les déclarations d’un certain Ali Nouhoum Diallo par rapport au problème de la communauté peulh étonnent notre interlocuteur. Lui qui était président de l’Assemblée nationale, donc deuxième personnalité de la République, au temps Alpha. Pour le secrétaire général du Gatia, le calme est précaire à Kidal et la Minusma ne fait pas assez pour le consolider. « Nous sommes actuellement hors de la ville. La Minusma s’est interposée entre les deux parties. Les hommes de la CMA sont à Kidal ville et nos combattants se sont retirés de la ville. La Minusma nous empêche de venir les attaquer à Kidal, mais leur permet de sortir de Kidal pour venir nous attaquer. Ce fut le cas à Adjelal à 70 km de Kidal les 8 et 9 août dernier ».
Toutefois, Fahad Ag Almahmoud note une nette amélioration des rapports avec la Minusma depuis l’arrivée du Tchadien Mahamat Saleh Annadif. « Il y a une volonté de ce dernier d’être à équidistance avec tous les mouvements armés ».
Quid de Barkhane, la force française ? « Nous avons des problèmes avec des éléments de Barkhane dans la zone de Tabankort. Des éléments qui, à la limite, rackettent les populations. Ce qu’ils ne faisaient pas avant ».
Les rapports entre les autorités du pays et le Gatia sont-ils au beau fixe ? « Oui. Depuis un certain temps, le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, de même que le Premier ministre, Modibo Kéita, n’ont plus ce penchant pour la CMA. Ils sont en train de mettre les groupes armés au même pied d’égalité. Quand ce n’était pas le cas, nous l’avons dénoncé, et aujourd’hui les choses commencent à changer. La récente délégation de la CMA qui était venue à Bamako, n’a pas été reçue ni par le président de la République, ni par le Premier ministre».
La rédaction