C’est un moment de télévision qui a mal vieilli. La haute stature de Marine Le Pen, bottes noires et long manteau de laine, domine le présentateur et une femme menue en pull et talons rouges. Ce 20 janvier 2015, la présidente du Front national (FN) est l’invitée d’honneur du talk-show politique italien « Dimartedi ». « Que pensez-vous de ces jeunes de la droite italienne ? », l’interroge le journaliste, montrant du doigt Giorgia Meloni. « Ils ont fait tomber un certain nombre de tabous, répond Marine Le Pen. C’est une preuve de courage (…) dans un courant de pensée unique. Ils méritent le respect et les encouragements », salue-t-elle, comme un professeur le ferait de ses élèves les plus prometteurs.

Ce jour-là, Giorgia Meloni publie sur son profil Facebook trois photos floues la montrant en compagnie de la dirigeante du Front national, et se félicite d’avoir atteint 200 000 « J’aime » sur le réseau social. Son parti, Fratelli d’Italia (FI, « Frères d’Italie »), a 2 ans d’âge et, avec moins de 4 % aux élections européennes de 2014, vient d’échouer à envoyer des députés à Strasbourg. Le FN, au même scrutin, est arrivé pour la première fois en tête d’une élection en France. Giorgia Meloni rend compte de chacune de ses rencontres, fréquentes, avec Marine Le Pen, et dit partager sa vision politique qui n’opposerait plus droite et gauche, mais « haut et bas ». La « troisième guerre mondiale » sera « économique », craint-elle, « entre les besoins et droits des personnes et les intérêts de l’oligarchie ». Presque du Le Pen dans le texte.

Sept ans plus tard, Giorgia Meloni a 2,3 millions d’admirateurs sur Facebook, s’apprête peut-être à devenir présidente du conseil et ne croise plus Marine Le Pen. En cas de victoire de Fratelli d’Italia aux élections générales, le 25 septembre, aucune rencontre n’est prévue à court terme entre les deux dirigeantes. Leur dernière entrevue publique remonte à 2016. L’année suivante, Mme Meloni avait appelé à voter pour son aînée à l’élection présidentielle ; pas en 2022. « Aucun candidat du second tour ne représente le camp des conservateurs dont je fais partie », avait-elle dit.

Canaux officieux

La prise de distance est feutrée mais incontestable. Le choix de Marine Le Pen de faire alliance avec le leader de la Ligue du Nord, Matteo Salvini, lors des élections européennes de 2014, encouragé par des relations amicales et de grandes similitudes politiques, a-t-il irrité Giorgia Meloni ? Alliés par pragmatisme électoral, Mme Meloni et M. Salvini ne s’apprécient guère et s’opposent en plusieurs points.

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Source: Le Monde