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Exportation exceptionnelle de bétail vers la Côte d’Ivoire et le Sénégal : Colonel Assimi Goïta sauve ses pairs d’un éventuel naufrage !

Ainsi s’est exclamé un journaliste sénégalais en apprenant que les douanes maliennes avaient pris des dispositions idoines pour l’exportation vers la Côte d’Ivoire et le Sénégal de plus de 11 000 têtes de bétail, à deux semaines près de la fête musulmane de la Tabaski. Les Sénégalais sont connus pour leur brio dans la manière de s’exprimer, mais notre confrère reprenait à sa façon, dans un contexte différent, l’expression désormais célèbre au Mali et vulgarisée en Afrique de « lâchage en plein vol » du Mali par la France lancée par le Premier ministre, Dr. ChoguelK. Maïga, à la tribune des Nations-Unies le 25 septembre 2021. Les Présidents Alassane Dramane Ouattara et Macky Sall étant deux chefs d’Etat de pays côtiers, le mot naufrage convient bien si tant est que leur situation au pouvoir devenait de plus en plus précaire en raison de l’embargo imposé au Mali depuis le début de l’année et dont les autres pays de la sous-région recevaient désormais les effets pervers en plein visage comme un boomerang. La boutade ne manque en tout cas pas de piquant.

 

Alors que Goodluck Jonathan, le Médiateur de la CEDEAO dans la crise malienne, n’avait pas encore quitté Bamako le vendredi, 24 juin, la Direction générale des douanes du Mali a instruit par message RAC à ses services et bureaux régionauxde Kayes, Kita, Mahina et Diboly (côté vers le Sénégal) et Bougouni, Sikasso, Kadiana et Zégoua (côté vers la Côte d’Ivoire) de faciliter, dans le respect scrupuleux des formalités du commerce extérieur, l’exportation vers chacun des deux pays frontaliers de 5.500 têtes d’ovins et de caprins et de 300 têtes de bovins. Cette opération suivie avec attention par les douanes maliennes, qui met ainsi 11.600 têtes de bétail à la disposition de ses voisins qui ne sont pas innocents dans l’embargo de la CEDEAO et de l’UEMOA, n’aurait pu être possible, cela se comprend aisément, sans la bienveillante autorisation de Bamako. Le pouvoir transitoire malien, même dans des conditions d’adversité extrême qui lui est imposée, prouve ainsi qu’il sait prendre de la hauteur chaque fois qu’il s’agit du bonheur des populations. Certes, les raisons économiques ont pris le dessus sur les considérations politiciennes, mais il faut avoir du cœur pour accepter transcender certaines injustices subies.

L’espace UEMOA est occupé par des économies intégrées, ce qui fait que les affres infligées à n’importe quel des pays sont forcément ressenties par les autres. Et plus celles-ci durent, plus les difficultés pour les populations deviennent insupportables, engendrant des conséquences graves, voire dangereuses, sur la vie sociale et politique et sociale. A quelque chose malheur est bon, dit-on, l’embargo décrété par la CEDEAO et l’UEMOA contre le Mali le 09 janvier 2022 a fini par révéler que ce n’était pas du tout la bonne décision, qui plus est qu’il est contreproductif pour toute la sous-région et néfaste pour la gouvernance, non pas dans le seul Mali, mais surtout dans ceux qui se sont montrés les plus acharnés dans l’application de la mesure inepte. Se mettant au-dessus des contingences malveillantes, le Mali vient de faire contre douleurs à lui infligées bon cœur. Il en tire, aujourd’hui et demain, des dividendes certaines. Les 11.600 têtes de bétail exportées vont rapporter d’importantes mannes financières, une aubaine pour les éleveurs et les exportateurs des bêtes de chair qui sont frappés dans leurs porte-monnaie depuis six mois.

 

L’aveu d’ADO en février dernier

 

Il faut noter que dans l’espace UEMOA, le Mali occupe la première place de producteur de cheptel et la deuxième dans l’espace CEDEAO, après le Nigeria. Déjà, en février dernier, un mois après l’embargo infligé au Mali, de retour de Bruxelles où il avait assisté au sommet Union Européenne-Union Africaine, le président ivoirien, Alassane Ouattara, s’était prononcé sur la cherté de la vie en Côte d’Ivoire. En bon ancien fonctionnaire de la banque mondiale, il avaitd’emblée attribué l’augmentation des prix sur les marchés ouest-africains pas à cause de l’inflation mondiale qu’il disait moins sévère en Côte d’Ivoire, avant d’ajouter l’effet de la sécheresse qui a impacté la production vivrière, créant une disparité entre l’offre et la demande. Mais il s’est vu contraint d’argumenter : « Vous savez, c’est un phénomène malheureusement mondial. Si on prend le taux d’inflation en Côte d’Ivoire, évidemment le taux d’inflation général est faible. Le problème de la vie chère résulte d’une déficience de l’offre. Je crois qu’il y a eu un peu de sécheresse ici, donc les productions vivrières ont baissé. », rusé raccourci, mais bien un aveu, pour justifier la flambée des prix de plusieurs denrées sur les marchés locaux. Quant à l’augmentation du coût du kilogramme de la viande, la raison n’est pas dans l’inflation encore moins dans la sécheresse. Alassane Ouattara le dit sans pourtant l’affirmer, c’est l’une des conséquences de l’embargo de la Communauté économiques des Etats de l’Afrique de l’ouest sur le Mali. « En matière de protéine, vous savez également que les problèmes avec certains pays voisins ont ralenti l’acheminement du bétail ». Près de 18 mois après, chacun ayant eu le temps de mesurer parfaitement chez soi l’ampleur des déconvenues aux plans économique et financier, la langue de bois ne sied plus, il convenait de revenir à la réalité, de remettre les pieds sur terre et envisager l’avenir non pas avec méchanceté, mais en tenant strictement compte du bonheur des populations.

L’exportation du bétail par le Mali vers le Sénégal et la Côte d’Ivoire, qui a commencé il y a deux jours, le 27 juin, et se terminera le 09 juillet, à moins de 24 heures de l’Aïd El Adha, comporte plusieurs leçons. La première et la plus immédiate est que, de facto, l’embargo n’a plus de raison d’être, il est devenu caduc. Deuxièmement, le Mali montre qu’il a raison d’avoir résisté stoïquement aux sanctions injustes contre lui, lesquelles ont été dictées, il n’y a pas l’ombre d’un doute, par l’extérieur par le mépris à sa souveraineté et pour mieux continuer à faire main basse sur ses ressources par des méthodes impérialistes. Troisièmement, le pays du Colonel Assimi Goïta a respecté la religion du plus grand nombre de citoyens vivant en Côte et au Sénégal, des musulmans pour qui, au-delà du besoin quotidien en protéines, doivent obéir aux préceptes coraniques dont un des plus grands est le sacrifice du mouton (ou d’un bovin) le jour de la Tabaski, rite incontournable connu sous le nom de « sacrifice abrahamique ».  Qu’à cela ne tienne, pays le plus central en Afrique de l’ouest, le Mali apparaît, du fait des émigrations, comme le foyer ouest-africain par excellence. En effet, il n’y a pas, on peut le jurer, de localités au Sénégal et en Côte où ne résident pas des Maliens et au Mali les populations de ces deux pays vivent comme chez eux, dans leur deuxième patrie.

Palais dans les fonds marins

Pour en revenir à l’expression de notre confrère sénégalais, en bon soldat, Colonel Assimi Goïta, par son geste humanitaire, sauve en effet ses pairs Ouattara et Sall d’un éventuel naufrage. En Côte d’Ivoire comme au Sénégal, les landerneaux politiques sont en effet de plus en plus agités, atteignant même un point culminant au pays de la ‘’Teranga’’ depuis deux semaines. Les tensions sociales se greffant aux remous politiques, il va sans dire que si les indispensables têtes de bétail arrivaient à manquer pour la grandiose fête musulmane, les vagues de l’Atlantique ne manqueront pas de monter irrésistiblement jusqu’à des palais pour les trimballer vers les fonds marins, naufrage mortel. L’exportation du bétail malien s’achevant le 09 juillet consacrera certainement la fin de l’embargo commencé le 09 janvier, sept mois après, jour pour jour. Le 03 juillet ne sera que le jour de la décision.

Salifou Cissé

Luc Sidibé  

Source : Le National

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