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Entretien avec Aïcha Diarra, auteure du livre “les marabout se sont trompés” : “Ce recueil nous plonge dans l’enfer de la polygamie et des choix de vie ratés”

La jeune écrivaine, Aicha Diarra, vient d’égayer le monde littéraire avec son dernier ouvrage intitulé “Les marabouts se sont trompés”, publié chez La Sahélienne. Composé de trois nouvelles : “La coépouse de maman”, “Les marabouts se sont trompés” et “La prédiction”, ce recueil aborde des thématiques variés telles que la polygamie, la mauvaise gouvernance, l’irresponsabilité des parents dans l’éducation de leurs enfants, les méfaits des stupéfiants, entre autres. Nous avons rencontré la jeune auteure pour échanger autour de son ouvrage.   

Aujourd’hui-Mali : Bonjour, comment vous présenter à nos lecteurs ?

Aïcha Diarra : Je me nomme Aicha Diarra, je suis écrivaine malienne et présidente de l’Association Voix du Mali qui œuvre depuis 2013 dans le domaine de la culture et des droits de l’Homme. En tant que footballeuse, je suis championne du monde des moins de 14 ans (Norway cup 2008). Récemment, j’ai fondé ma maison d’édition : Les Editions Gafe, une maison dédiée à la promotion de la plume féminine, celle des jeunes ainsi que celle de nos langues nationales.

Pouvez-vous nous présenter votre œuvre “Les marabouts se sont trompés” ?

C’est un recueil de nouvelles. Il est composé de trois récits qui nous plongent dans l’enfer de la polygamie et des choix de vie ratés. Les personnages, adultes comme jeunes, sont victimes de la violence et de la précarité. Ils perdent toute maîtrise sur la conduite de leur vie et leur désarroi les conduit de marabouts en devins, dans l’espoir de modifier le cours de leur destinée. La solution envisagée en fin de compte par les uns et les autres, pour échapper aux croyances rétrogrades, à l’échec de la famille, du système éducatif et de la gouvernance, passe par la révolte la plus extrême, plus souvent par la migration vers l’Europe, quel que soit le prix à payer. Ces récits sont empreints d’un réalisme cru, où la naïveté des protagonistes les jette dans les bras des marabouts et devins, dans une société en perte de repères.

Pourquoi le choix de ce titré “Les marabouts se sont trompés” ?

Sans même l’avoir lu, beaucoup de gens ont eu tendance à penser à la seule lecture du titre, que ce livre est une critique dévalorisante vis-à-vis des marabouts, alors que ce n’est pas le cas. Dans toutes les présentations que j’ai eu à faire sur ce livre, j’ai toujours attiré l’attention sur mon respect à l’égard des marabouts qui sont une couche très importante et très respectée de notre société, en raison de leur savoir-faire généralement tiré des préceptes du Coran ou de leur accompagnement multiforme sur le plan moral, psychologique, médical, spirituel, entre autres. Avant, ce métier s’exerçait de façon désintéressée et honnête et était le plus souvent héréditaire. C’était comme une université dont avaient accès les courageux et les vertueux.

Je dirai premièrement que les trois récits parlent tous de l’impact socio-culturel des marabouts et de l’emprise qu’ils ont sur nos prises de décisions et nos façons d’agir. Deuxièmement, parce qu’ils sont consultés par l’immense majorité des Maliens, riches et pauvres pour toute affaire (sociale, politique, économique, santé etc.). Au moindre souci, le marabout consulté est obligé de donner une interprétation ou une accusation contre telle ou telle personne de teint clair ou de teint noir, grande ou petite d’en être le responsable et généralement ces caractéristiques physiologiques, au Mali, se trouvent presque dans toutes les familles, surtout cela prend une autre ampleur quand c’est une consultante qui a une ou plusieurs coépouses.

Les interprétations des marabouts sont souvent très mal digérées par le consultant (e) ou sont trop prises au sérieux sans la moindre analyse, au point que celles-ci créent une division au sein de la famille, suscitent le divorce, pourrissent le climat familial, suscitent des conflits interminables qui s’étendent aux enfants de la famille sur plusieurs générations, juste à cause d’une simple interprétation. Troisièmement, j’ai choisi de donner à ce livre le titre “Les marabouts se sont trompés”, parce que nous assistons à une explosion de marabouts et de charlatans qui viennent de tous les horizons, prétendent connaitre l’avenir, changer les destins, solutionner tous les problèmes et guérir toutes les maladies sans avoir la moindre connaissance scientifique de l’état biologique de l’être humain. Ils se font de l’argent sur la détresse humaine, en mentant de façon ignoble juste pour se remplir les poches.

Certaines personnes me demandent pourquoi au lieu des marabouts, je n’ai pas dit “Les charlatans se sont trompés” ? Je leur réponds que c’est parce que le terme marabout est assez populaire, non seulement dans la pratique, mais aussi dans l’usage du mot. Egalement pour des commodités de lecture et de l’attraction du titre.

Quel regard portez-vous sur la jeunesse et son adduction aux stupéfiants ?

L’adduction aux stupéfiants est un phénomène à la mode dans le milieu jeune qui, de plus en plus, s’étend dans le milieu scolaire. De plus en plus, les jeunes sont tentés par les stupéfiants, les causes peuvent varier en fonction de l’environnement et proviennent le plus souvent du chômage, de la tension familiale, de l’entourage ou l’influence des personnes négatives ou d’un groupe d’amis, la précarité, la dépression, la volonté d’affirmation de soi, l’échec scolaire et les rappeurs qui reflètent ces attitudes dans leurs chansons. C’est un sujet qui marque le premier récit du recueil de nouvelle “Les Marabouts se sont trompés”, à travers un jeune homme qui en est arrivé à se droguer à cause de la tension familiale (la polygamie). J’ai voulu attirer l’attention sur ce phénomène grandissant qui dans quelques années prendra d’autres ampleurs que notre société ne pourra pas maitriser. L’encadrement de l’enfant et son éducation sont à la base de tout : Réussite ou échec.

Que pensez-vous de la vulnérabilité de la femme dans la société ?

La vulnérabilité de la femme est un sujet assez complexe qui varie selon l’environnement. Dans certains milieux, c’est quelque chose de normal, accepté par la société, mais accepté surtout par les femmes elles-mêmes parce qu’ayant subi sur de longues années ce complexe d’infériorité et de soumission abusée depuis leur enfance arrivent à assimiler cet état d’esprit rien qu’en voyant leur mère passer par la même étape. C’est une question d’ordre socio-culturel. Au Mali précisément, nos lois (textes) culturels exigent le respect, la protection physique et morale ainsi que l’implication de la femme dans les affaires socio-politiques.

Comment Aicha est-elle devenue écrivaine ?

Mon père et ma mère sont ma plus grande chance. C’est grâce à mon père que je suis devenue écrivaine. Ils m’ont entourée de livres depuis le plus bas âge. J’ai commencé à imiter les poèmes des livres qu’ils m’achetaient. La lecture et l’écriture sont donc devenus une passion à mon insu, écrire comme tel ou tel autre, la passion de l’écriture, s’installaient dans mes objectifs de vie, devenir écrivaine était mon slogan, mes camarades de classes peuvent en témoigner. Depuis l’âge de 11 ans je griffonnais des poèmes par ci-par-là, sur un mur, une feuille que je trouvais par terre ou sur la dernière page de mon cahier, sur le tableau avant que le professeur ne rentre ou aux heures de récréation.

Quel sera votre dernier mot ?

J’adresse mes sincères remerciements à tous ceux et celles particulièrement les jeunes qui m’encouragent et me soutiennent presque tous les jours. J’invite à lire, lire et lire parce que les meilleurs ingrédients de tout ce qui nous passionne et de tout ce que l’on apprend sont déjà exposés et analysés dans les livres.

          Réalisé par Youssouf KONE

 

Source: Aujourd’hui-Mali

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