Le meeting organisé le 10 février dernier par la communauté musulmane du Mali sous l’égide de l’imam Mahmoud Dicko avec le parrainage de Bouillé Haïdara, le Chérif de Nioro du Sahel, continue de susciter des débats. C’est la première fois, depuis l’arrivée du Président Ibrahim Boubacar Kéïta au pouvoir en septembre 2013, que les musulmans investissent le stade du 26 Mars. Pour voir une telle mobilisation, il faut revenir en août 2009 avec le soulèvement populaire contre le Code des personnes et de la famille.
On a beau spéculer ou gesticuler, ça crève les yeux que derrière cette forte mobilisation à l’appel des leaders religieux, il y a une colère populaire contre la gouvernance, un rejet de la mauvaise gouvernance, de la corruption, du vol organisé des deniers publics. Et surtout un rejet du mensonge, érigé en système de gouvernance sous nos cieux depuis belle lurette. La déception née de la gestion des affaires publiques, les frustrations et injustices engendrées par un système de prédation nationale, ont poussé de nombreux citoyens à trouver un refuge dans la religion.
C’est une évidence que les leaders religieux ont pris une place très importante dans la vie publique malienne. C’est aussi une évidence que la classe politique, toutes tendances confondues, a perdu toute crédibilité aux yeux d’une frange importante de la population. Comme en témoigne le faible taux de participation enregistré lors de la dernière élection présidentielle, contrairement à celle de 2013 qui avait été marquée par une forte mobilisation des électeurs.
Il faut avoir le courage de le reconnaître : c’est la faillite de l’élite politique et gouvernante qui a favorisé la montée en puissance des leaders religieux, devenus plus audibles auprès d’une opinion abusée par la médiocrité, la gabegie, la corruption, le favoritisme et le clientélisme des successeurs du général Moussa Traoré.
La vérité est là. Ceux qui ont utilisé les leaders religieux comme marchepied dans leurs combats politiques sont mal placés pour nous parler « d’islam politique ». Comment peut-on se prévaloir hier de l’étiquette de « candidat des musulmans » et traiter aujourd’hui ces mêmes musulmans d’opposants politiques ? Où est la cohérence ?
Il faut se rendre à l’évidence que les leaders religieux comptent et compteront encore. Ceux qui ont la charge de conduire les affaires publiques ne peuvent pas refuser de comprendre la situation réelle du pays, donc la colère d’une frange importante de la population. Toute volonté ou velléité de s’attaquer d’une manière ou d’une autre à cette couche de la société malienne, précipitera le pays dans l’anarchie totale. Gare à une « somalisation » du Mali ! Que Dieu nous protège !
Prions pour que soient allumés ou attisés d’autres foyers incandescents dans ce pays. Auquel cas, chacun devrait se chercher : opposition, majorité, dignitaires religieux, ‘’Boua’’, les ‘’tigres’’, ‘’hérisson’’… ou ‘’vaches’’ en errance ! Car, ce feu risquera de nous consumer tous. Jusque-là, les uns et les autres ne semblent mesurer l’extrême gravité de la situation. A Bamako, on fait la fête, les enfants partent à l’école, au même moment où des milliers d’enfants sont privés depuis des années de leur droit élémentaire dans plusieurs localités des régions de Kidal, Tombouctou, Gao, Mopti et Ségou.
A 200 km de la capitale, dans le cercle de Banamba, des milliers d’enfants ne vont pas à l’école. Des communautés vivant en parfaite harmonie depuis des millénaires s’entretuent tous les jours. Des soldats, les plus braves d’entre nous, sont tués de façon permanente sur le théâtre des opérations.
Ce n’est donc pas le mensonge qui nous sortira de l’abime. La magie du verbe a montré ses limites ! Ni la fuite en avant ! Encore moins, l’arrogance ! Vive l’union sacrée autour du Mali, le patrimoine commun !
‘’Allah ka hakillignouman di an ma ! K’a an doussoukoun sanougna !’’
Chiaka Doumbia
Source: lechallenger