Une délégation de haut niveau composée de cinq chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) est attendue ce jeudi 23 juillet 2020 à Bamako pour tenter de trouver une issue heureuse à la crise sociopolitique qui paralyse le Mali depuis plusieurs semaines. Il s’agit d’Alassane Dramane Ouattara de la Côte d’Ivoire, de Nana Akufo Addo du Ghana, de Mahamadou Issoufou du Niger, Mahamadu Buhari du Nigéria et de Maki Sall du Sénégal.
Cette délégation a été précédée d’autres missions de médiation de l’organisation communautaire, dont la dernière était conduite par l’ancien président nigérian, Goodluck Jonathan. Elle intervient dans un contexte marqué par une trêve de 12 jours décrétée par le M5-RFP dans le cadre de la désobéissance civile en raison de la fête de Tabaski.
Les 5 chefs d’Etat viennentà Bamako pour tenter de dissuader les leaders du M5-RFP quant à leur exigence extrême et tendre la perche au Président IBK, confronté à une contestation inédite depuis son arrivée au pouvoir en 2013. Ils ne viennent pas en médiateurs mais plutôt en défenseurs d’un des leurs en très grande difficulté face à une frange importante de son opinion.
Dansson article : «Au Mali, l’avenir incertain du président Ibrahim Boubacar Keïta», le quotidien français «Le Monde» souligne que «la plupart des voisins du Mali ainsi que ses partenaires occidentaux ne manquent pas une occasion de dénoncer le caractère velléitaire du président Ibrahim Boubacar Keïta, qui ‘’change d’avis plusieurs fois par jour’’, selon un officiel français ». «C’est à l’instant où il apparaît le plus en difficulté que ceux-ci lui ont tissé la meilleure protection», ajoute le journal.
Un diplomate africain cité par le confrère enrichit : « “IBK” n’a pas posé les actes qu’il aurait dû, mais nous essayons d’expliquer que son départ ne réglera rien. Si cela se produit, l’Etat malien va continuer de s’effondrer et personne ne viendra ramasser les morceaux».
Face aux multiples adhésions au M5-RFP, la Cedeao panique et sort son arme favori : le chantage sur fond de pression. Le président Goodluck Jonathan a fait fi de la neutralité qui sied à tout médiateur. Les propositions faites par la mission de GoodLuck Jonathan n’heurtent pas seulement le M5-RFP mais une composante essentielle de la société malienne. Les deux syndicats de la magistrature (Syndicat autonome de la magistrature et Syndicat libre de la magistrature) ainsi que les membres élus au Conseil Supérieur de la Magistrature se sont démarqués du communiqué final rendu par la Mission de médiation de la Cedeao.
La Présidente de la Cour constitutionnelle et les deux autres conseillers viennent d’attaquer le décret du président de la République portant abrogation de leur nomination. Ces propositions violent allégrement la Constitution que la Cedeao prétend pourtant défendre en mettant en avant son opposition à tout changement anticonstitutionnel du pouvoir. Se cramponnant aux propositions déjà faites par le président IBK, la Cedeao opère ainsi un banditisme juridique qui camoufle son incapacité à trancher en optant pour des solutions durables et courageuses de sortie de crise. Ce diktat de la Cedeao ne doit pas passer.
Poliment et fermement, l’Imam Mahmoud Dicko et le comité stratégique du M5-RFP doivent faire comprendre à la délégation des Chefs d’Etat de la Cedeao que le peuple est au-dessus de la Constitution. Et puis, faire démissionner un président de la République physiquement affaibli, dont l’incapacité à assumer ses charges ne souffre d’aucune ambigüité, n’a rien d’anticonstitutionnel.
Ils doivent aussi rappeler au président Alassane Dramane Ouattara la gymnastique qu’il a menée en 2012 avec Blaise Compaoré pour contraindre le général Amadou Toumani Touré à remettre sa démission aux ministre Djibril Bassolé du Burkina Faso et Adama Bigtogo de la Côte d’Ivoire.
Que la délégation des Chefs d’Etat de la Cedeao comprenne que le président IBK n’a plus la légitimité nécessaire pour gouverner le Mali. « Dites à la Cedeao que ce régime est à la fois illégal et illicite, qui a pris d’assaut un pouvoir à coup d’élections frauduleuses pour l’exercer par des institutions confiées à des Hommes liges répondant plus de l’auteur d’un décret que du décret», a souligné Me Mamadou Ismaïla Konaté, avocat et ancien ministre de la justice dans un tweet en date du 20 juillet 2020.
Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger