L’endettement des paysans en milieu rural a pris des proportions inquiétantes. Il constitue un facteur qui aggrave la pauvreté. Puisque les taux d’intérêt très élevé ne laissent aucune marge aux paysans. Ceux-ci sont transformés en ouvriers agricoles sur leurs propres terres. C’est ce qui ressort d’une étude commanditée par la Coalition des alternatives africaines dettes et développement (CAD-Mali) et son partenaire Oxfam Novib. Elle a été présentée à la presse les 4 et 5 décembre derniers au musée national au cours d’un séminaire.
L’étude a été réalisée par Djet-agreer-consulting entre décembre 2012 et janvier 2013 dans les zones Office de la Haute vallée du Niger, (OHVN), de la Compagnie malienne de développement des textiles (CMDT) et à l’Office du Niger (ON). L’objectif général était de contribuer à la construction d’outils, de contrôle citoyen destinés à examiner et évaluer le processus d’endettement paysan afin de déterminer sa légitimité, sa légalité, sa transparence, sa qualité et son efficacité, sur la base des aspects légaux et financiers, des impacts sociaux, économiques et environnementaux.
Le rapport issu de cette étude montre que l’endettement à réduit considérablement le pouvoir d’achat des paysans en les rendant vulnérables. Selon le consultant Daouda Samaké, plusieurs facteurs expliquent cette situation. Il s’agit du désinvestissement public dans l’agriculture, les programmes d’ajustement structurel, la libéralisation du commerce et la modernisation de l’agriculture basée sur les stratégies d’accaparement des terres.
En ce qui concerne la modernisation de l’Agriculture, Daouda Samaké dira qu’elle est à la base du passage forcé d’une agriculture à forte intensité de main d’œuvre à un modèle fortement capitalisé avec l’utilisation des tracteurs, herbicides, pesticides et des OGM.
Cette situation, poursuit-il, a enfermé les paysans de la zone d’étude dans une dépendance en les rendant incapables de se nourrir. Toute chose qui a favorisé le départ massif des jeunes ruraux vers les zones d’orpaillage entrainant une véritable menace de famine, de chômage et d’appauvrissement.
Pour Daouda Samaké, les mécanismes mis en place par les structures comme l’ON, OHVN et la CMDT pour faciliter l’accès au crédit et aux intrants depuis plusieurs années n’ont pas permis aux services économiques de construire des solutions durables aux besoins de financement des agriculteurs.
L’endettement qui en découle avec un taux d’intérêt très élevé (jusqu’à 30%) pousse plusieurs paysans à vendre leur terre ou à se transformer en ouvrier agricole ou à choisir la route de l’exode ou même à se retrouver en prison. A ces facteurs, Moussa Sadio Traoré de CAD-Mali a ajouté l’inadéquation entre demande de crédit et offre de crédit, les aléas climatiques mal maîtrisés et non pris en charge par les institutions financières et la capacité d’épargne limitée des organisations paysannes villageoises.
Pour trouver une solution à ce phénomène, tous ont exhorté l’Etat et ses partenaires à améliorer le mécanisme d’endettement des paysans en augmentant le financement public de l’agriculture, en réduisant considérablement les taux d’intérêt et en encourageant les femmes et les jeunes à s’investir dans l’agriculture.
Moussa SIDIBE
SOURCE: L’Indépendant