Rongées par l’inquiétude, des dizaines de personnes attendent face au tribunal du district sud du Caire, sous la surveillance d’un contingent de policiers et d’agents en civil, mardi 1er octobre. Parmi les centaines de prévenus conduits devant le procureur, à bord des fourgons pénitentiaires bleus stationnés sur l’avenue, ils espèrent retrouver un fils, un frère ou un ami disparu depuis le 20 septembre dans la répression des protestations contre le pouvoir. Au moins 3 120 personnes ont été arrêtées en marge des manifestations ou lors de fouilles préventives, dont 2 447 ont été présentées au procureur, selon le dernier bilan de la Commission égyptienne pour les droits et libertés.
Depuis que son frère Ibrahim (tous les prénoms ont été modifiés) a été arrêté dans la nuit du 20 au 21 septembre en marge d’une manifestation, Samir vient tous les jours. Un des avocats, qui fait les allers-retours entre le bureau du procureur et la foule amassée de l’autre côté de la rue, vient d’identifier son frère parmi les prévenus amenés ce jour au tribunal de Zenhom. Le jeune homme de 32 ans est soulagé, mais pessimiste. « L’avocat dit que le dossier est vide et qu’il sera vite libéré. Je n’y crois pas du tout. Ils vont faire comme d’habitude : les garder une dizaine de mois en détention provisoire pour effrayer les autres », dit-il.
Le soir où la contestation a gagné par surprise Le Caire et d’autres villes du pays, au coup de sifflet final d’un match de football très suivi, un important cortège s’est formé spontanément dans le quartier populaire d’Ard Al-Liwa, sur la rive ouest du Nil. Beaucoup de jeunes hommes du quartier et des bidonvilles voisins ont afflué. Ibrahim et cinq de ses voisins n’ont pas réussi à échapper aux forces de sécurité. Intermittent du spectacle, chauffeur de taxi, comptable, charpentier, vendeur de téléphones ou chômeur, tous ont moins de 30 ans. Ils appartiennent à une nouvelle génération contestataire mue par la détresse économique, et dont la colère est plus forte que la peur instillée par le pouvoir répressif du président Abdel-Fattah Al-Sissi depuis l’été 2013…Lire la suite sur lemonde.fr