« Avant, les enfants étaient des victimes collatérales, maintenant, certains sont directement visés », constate Ombretta Pasotti, coordinatrice de l’ONG Emergency à l’hôpital pédiatrique de Bangui, qui reçoit les premières victimes de la crise centrafricaine, les enfants.
Allongé dans son lit et serré contre sa mère, le regard fixe, David, 13 ans, fait partie des 38 enfants qu’a accueilli l’hôpital au cours du seul mois de décembre. Il a pris une balle dans le bras, et comme tant d’autres il a reçu ici des soins d’urgence gratuits dans cette unité de chirurgie aux murs défraîchis.
« Ces enfants sont victimes de balles perdues, d’éclats… certains ont été blessés +par hasard+, mais nous avons ici des enfants qui se sont fait tirer dessus parce qu’ils étaient musulmans », explique Ombretta.
Depuis la prise de pouvoir en mars par l’ex-rébellion Séléka, de majorité musulmane, et la création de milices chrétiennes d’auto-défense qui s’en prennent majoritairement aux populations civiles musulmanes, les victimes sont nombreuses chaque jour à Bangui comme en province.
Dans l’un des lits, un gamin de moins de dix ans somnole. Il a un large pansement sur la tête, conséquence d’un coup de machette. L’un de ses voisins de chambre a lui été blessé par des éclats de grenade.
« Nous faisons de notre mieux, mais à cause de l’insécurité, il est difficile pour nous de travailler, sans compter le manque de matériel qui a du mal a nous parvenir, et surtout le manque de sang… », souligne la coordinatrice.
Un peu plus loin dans l’hôpital, une autre unité s’occupe elle aussi d’enfants, victimes à un degré différent du drame centrafricain. Dans la cour du service, des nombreuses mères cuisinent au feu de bois dans de lourdes marmites, font tremper du linge ou attendent, tout simplement.
« La situation n’a jamais été aussi grave »
Dans cette unité, qui s’occupe de nutrition, une centaine d’enfants sont traités, certains terriblement affaiblis.
Pendant un temps, cet hôpital, appuyé par plusieurs ONG avait réussi à « inverser la courbe », passant depuis deux ans de 15 à 5 % de mortalité. « Depuis la reprise des violences, nous sommes remontés à 13 % », constate Jean Chrysostome Gody, le directeur de l’établissement.
« Nous avons près de cent malades pour 54 lits, c’est un vrai problème, d’autant que certains enfants, même guéris, ne peuvent rentrer chez eux de peur des violences », explique pour sa part le docteur Touane, médecin nutritionniste.
C’est notamment le cas d’Alima Hamadou, dont l’enfant, pourtant arrivé dans le coma à l’hôpital, a pu être sauvé, mais ne peut plus rentrer au domicile familial. Avec ses quatre enfants, Alima est contrainte d’attendre une hypothétique accalmie pour quitter l’enceinte du complexe pédiatrique.
« La situation n’a jamais été aussi grave », souligne le Dr Touane, devant une tente de l’ONG Action contre la faim, montée dans la cour de l’hôpital pour faire face à l’afflux de patients.
Se voulant optimiste, le directeur essaie de remonter le moral de ses troupes: « Il faut s’accrocher, voir le bon côté des choses. Nous avons l’appui de nouveaux médecins, de l’Unicef et des ONG partenaires. C’est notre combat, et je veux espérer qu’un jour tout cela appartiendra au passé… »
Mais pour le moment, et depuis des semaines, un flot de patients arrive chaque jour et l’hôpital est débordé.