En Bolivie, le gouvernement a décrété l’urgence nationale, alors que les pluies torrentielles continuent d’affecter de nombreuses régions. La population s’alarme de crues toujours plus fréquentes et songe à déménager loin des rives et de leurs terres ancestrales.
La tâche est titanesque, et cela fait trois jours et trois nuits qu’ils s’y attellent. Ces riverains du fleuve Beni, à Rurrenabaque, ont déjà noyé 800 sacs de sable dans l’eau, le long de la berge, pour tenter de contenir la montée du fleuve.
Pour Ronald, c’est déjà trop tard. « Ici, il y avait ma maison : 12 mètres de long, sur 6 mètres de large », raconte-t-il, en montrant les eaux sombres et turbulentes, « et maintenant il n’y a plus rien, il ne reste que les poteaux. Cela faisait 29 ans que je vivais ici. L’eau a tout emporté. Je n’ai presque rien pu sauver.Tant d’années et tellement d’efforts, pour tout perdre du jour au lendemain ».
Abri de fortune
La maison de sa mère, voisine de la sienne, menace de s’écrouler. Depuis cinq jours, ils ont donc improvisé un abri de fortune dans la rue, sous une bâche en plastique, sous lequel ils s’entassent à 22 personnes, dans 8 mètres carrés. En pleine humidité, et à la merci des infections et des moustiques. Sa jeune sœur, Rocio, tient un bébé dans ses bras : « On a peur de vivre ici au bord du fleuve, car nous exposons nos vies et celles de nos familles. On a peur, car notre maison peut être emportée. Et après nous devons vivre des jours entiers comme ça dehors. »
Dans le centre-ville de Rurrenabaque, principale destination touristique de l’Amazonie bolivienne, l’eau du fleuve inonde les rues après avoir fait céder en plusieurs endroits l’avenue côtière.
Glissement de terrain
Sur une colline, un glissement de terrain a privé il y a dix jours la population d’accès à l’eau potable. « Les familles sont désespérées. Nous avons 3 000 personnes vivant dans des refuges, et il y a plus de 15 000 personnes dans la ville qui sont très inquiètes, car elles n’ont pas d’eau », explique Yerko Nunez, le maire de Rurrenabaque. « Les besoins prioritaires, c’est l’alimentation, les médicaments. Trouver un matelas et un endroit pour que les sinistrés puissent dormir. Nous avons reçu de l’aide du gouvernement, mais c’est très peu par rapport à toute la population que nous avons. »
Le dernier bilan officiel fait état de 38 morts, près de 47 000 familles sinistrées, et près de 10 000 hectares de récoltes détruits. Environ 300 000 têtes de bétail sont en danger, d’après la Fédération régionale des éleveurs du Beni. 9 000 sont déjà mortes, ce qui représente une perte de 4 millions d’euros.
A une heure de bateau de la ville, le village indigène de San Miguel de Bala est resté isolé sept jours. Constantine, qui vit à Rurrenabaque, a décidé d’apporter quelques vivres à sa famille restée dans le village.
Des pâtes, du riz, de l’huile et du sucre. « C’est très dangereux d’aller là-bas avec le fleuve qui est si haut, mais nous devons aider nos proches », dit Constantine. Il s’étonne de l’augmentation de la fréquence des inondations. « Ce type de crue n’arrivait auparavant que tous les 10 ou 15 ans. Mais cette fois, c’est arrivé après à peine trois ans. Ça signifie que notre nature est en train de changer. C’est peut-être parce qu’on la maltraite. »
La quasi-totalité des cultures perdue
Ici, le fleuve est entré dans le village. L’école est hors d’usage, alors que la rentrée devait avoir lieu cette semaine, et l’eau a atteint 1 mètre 50 de hauteur à l’intérieur des maisons.
Cochons et poules ont été emportés par le fleuve et la quasi-totalité des cultures est perdue. « Nous vivons de l’agriculture, nous semons du manioc, des bananes, du maïs. Ce sont des cultures qui ne résistent pas aux inondations », se lamente Reynaldo. « Elles ont pourri et on ne peut pas les utiliser pour nourrir nos animaux, ni pour vendre. C’est une perte totale. »
Mario, lui, se sent abandonné par le gouvernement. « Cela fait trois jours que le gros des inondations est passé et les autorités ne sont toujours pas venues nous voir. Elles ne sont pas venues voir si nous étions vivants ou morts. On va finir par devoir déménager plus haut et quitter notre village. »
De nouvelles pluies sont attendues dans les jours qui viennent en Bolivie, alors que la saison pluvieuse peut encore s’étendre jusqu’à fin mars.
source : rfi