L’électricité en provenance du Maroc n’est plus la bienvenue en Espagne ! Le gouvernement espagnol s’est dit préoccupé de la concurrence déloyale livrée par cette énergie produite par des centrales à charbon, a rapporté le site espagnol elperiodicodelaenergia.com. Madrid a même saisi la Commission européenne pour évaluer l’impact de cet avantage concurrentiel des exportations marocaines d’électricité et pour demander de mettre en place un mécanisme permettant de protéger la libre concurrence et la préservation de l’environnement en Espagne.
Madrid a enregistré un solde énergétique négatif important depuis la fin de l’année dernière avec le Maroc. Il a atteint 443 Gwatt de- puis novembre 2018. Une hausse qui est due à la mise en fonction des
deux stations thermiques de Safi et de Jérada qui produisent de l’électricité à partir d’un charbon exonéré des droits d’émission du CO2. Pourtant, c’est la mise en application de ce droit qui renchérit le prix de l’électricité en Europe, en particulier au cours de la dernière année.
Il a aussi a permis aux pays africains de soumissionner à des prix défiant toute concurrence et de rivaliser ainsi avec les producteurs européens. Miguel Arias Cañete, commissaire européen chargé de l’action pour le climat et l’énergie de l’Union européenne, a déclaré que celle-ci enquêtait sur cette question et qu’elle est en train de préparer la réponse à donner au gouvernement espagnol qui n’est pas le seul à être préoccupé par cette situation. C’est le cas également de plusieurs pays européens et de pays candidats à l’entrée en UE qui disposent de frontières communes avec des pays tiers producteurs d’énergie non conforme aux normes européennes, a précisé le site espagnol.
Selon certains médias marocains, l’Espagne aurait déjà mis fin à ses importations d’électricité dans l’attente de la promulgation d’une loi visant à taxer celle qui est produite hors de l’UE et qui ne correspond pas aux normes environnementales en vigueur en Europe. Pour Mohammed Benjelloun, expert international en environnement et développement, le débat sur le risque de pollution de la centrale électrique au charbon de 2× 693 MW de Safi ne date pas d’aujourd’hui. En fait, dès la construction de cette centrale, nombreux sont les experts qui se sont interrogés sur le choix du charbon sachant que sa part en émissions de gaz à effet de serre n’a pas changé et qu’il émet deux fois plus de CO2 par KWH qu’une centrale à gaz.
Entre 2002 et 2025, les émissions de CO2 liées au charbon devraient augmenter de 60%. «La centrale à charbon de Safi et celle de Jérada produisent une électricité polluante vu que ce matériau n’est pas prétraité. Un prétraitement coûte cher et le prix du KW devient plus onéreux», nous a-t-il expliqué. Et de préciser : «Mais le grand problème demeure les cendres et le déversement de millions de mètres cubes de boue contenant des métaux lourds (arsenic, mercure, sélénium, plomb) et des impuretés radioactives (comme le radon) ». Des propos qui en disent long sur les annonces faites lors de la construction de la centrale de Safi qui a été présentée comme la première en Afrique à utiliser la technologie ultra-supercritique dont l’objectif est de réduire significativement le CO2 et de réduire les coûts du carburant en augmentant son efficacité de 10% par rapport aux centrales à charbon conventionnelles. Ladite centrale a même été considérée comme faisant partie du plan stratégique national destiné à répondre à la demande croissante d’électricité à bas prix, tout en protégeant l’environnement.
Que doit faire le Maroc maintenant ? «Chercher de nouveaux clients pour exporter sa production électrique comme le Portugal avec lequel nous avons de bonnes relations commerciales et économiques ou des pays plus proches de nous voisins comme la Mauritanie, le Mali ou l’Algérie. Il y a également une deuxième option qui consiste à orienter cette production vers le marché local en baissant le prix du KW», nous a déclaré Mohammed Benjelloun qui estime que cette deuxième solution reste peu probable puisque l’ONEE défend l’option des exportations du fait qu’il est en quasi-faillite et qu’il a un besoin pressant de ressources financières.
Notre expert nous a également précisé que ce dossier renvoie à une autre problématique. En l’occurrence celle relative au transfert de technologies et des rapports de force Nord-Sud. «Le Maroc n’a pas le choix. Il se contente souvent d’importer les technologies des pays développés et ne peut pas aller plus loin que cela. Il y a aussi les pressions qu’exercent sur lui les bailleurs de fonds et les pays donateurs», a-t-il conclu.
Libe.ma