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En Algérie, la répression se poursuit

Enquête

Des dizaines de détenus du Hirak ont été remis en liberté provisoire début janvier. Mais plus d’une centaine d’activistes sont toujours incarcérés et les autorités continuent à arrêter les manifestants. Les responsables du Hirak espèrent un regain d’énergie du mouvement à l’approche de son premier anniversaire, le 22 février.

L’élection présidentielle du 12 décembre 2019 n’a guère desserré l’étau sécuritaire sur la population algérienne. « Nous étions contre cette élection de la continuité du système, et cela se vérifie, la répression continue », constate, amer, Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme, locomotive du Hirak, le mouvement de contestation, dès ses premiers jours en février 2019. En dépit des appels au dialogue du président – mal élu – Abdelmadjid Tebboune, « les autorités algériennes ont arrêté des dizaines de militants qui ont participé à des manifestations pacifiques », dénonce l’ONG Human Right Watch.

« Les mêmes réflexes sécuritaires sont à l’œuvre, relève Saïd Salhi. À Alger, les impressionnants dispositifs policiers quadrillent les rues, des barrages filtrent les entrées de la ville chaque jour de manifestation, les têtes d’affiche du Hirak sont arrêtées, souvent avant même les manifestations. »

Quant aux différentes mouvances qui traversent le mouvement, elles ont d’autant plus de mal à se structurer qu’il leur est systématiquement interdit de se réunir dans une grande salle, comme samedi 25 janvier, lorsqu’elles ont essuyé un refus de la part de la wilaya d’Alger (la préfecture de région).

L’avocat Amine Sidhoum voit tout de même dans la libération, début janvier, de 76 manifestants incarcérés par les tribunaux algériens le signe d’une possible inflexion, même si certains avaient purgé leur peine. Si des personnes ont parfois été acquittées, la plupart restent en liberté provisoire, en attente de leur jugement. « Qui donne des instructions à qui ? Est-ce le signe d’une politique d’apaisement ? », interroge-t-il.

« Un grand fossé entre le discours d’apaisement et la réalité des faits »

« Il s’agit surtout des personnes qui étaient poursuivies pour port du drapeau amazigh, cela ne concerne pas les cas plus lourds accusés d’atteinte à l’intégrité nationale ; il y a un grand fossé entre le discours d’apaisement et la réalité des faits », juge, pour sa part, Amina Haddad, du Comité national de libération des détenus (CNLD) qui s’est créé en août dernier alors que s’intensifiait la répression.

Selon le comité, 35 personnes incarcérées sont des détenus d’opinion antérieurs au Hirak (l’une d’entre elles est morte en prison en juin dernier, après y avoir contracté une infection lors de conditions de détention désastreuses), et une centaine de détenus du Hirak sont toujours derrière les verrous. « Le décompte est très difficile en raison du flux continu des arrestations et des extraordinaires disparités du traitement juridique des affaires dans le pays », commente Amina Haddad.

Une série de verdicts attendus en février

Plusieurs procès et rendus de verdicts, attendus en février, seront éclairants sur les dispositions du pouvoir à l’égard du mouvement alors que celui-ci mise sur une nouvelle énergie à l’approche de son premier anniversaire, le 22 février. « Les gens sont habités par la dualité espoir-crainte, par la foi en le mouvement et la crainte de la répression », estime Amina Haddad.

Mercredi 5 février, la justice décidera du sort de 33 manifestants d’Aïn Temouchent (à 80 km à l’ouest d’Oran) arrêtés le 13 décembre, au lendemain du scrutin présidentiel. Le procès de 20 des 76 manifestants remis en liberté se tiendra, lui, dimanche prochain, le 9 février. « Tout est imprévisible », reconnaît Amine Sidhoum. Si des personnes ont été acquittées, plusieurs lourdes condamnations ont récemment été prononcées. Le journaliste de la webradio Sarbacane Abdelkrim Zeghileche a ainsi écopé, le 21 janvier, de six mois ferme de prison, pour avoir émis sans autorisation et pour offense au chef de l’État. Il doit également être jugé pour « attroupement non armé », mercredi 5 février.

Le syndicaliste et défenseur des droits humains Kaddour Chouicha purge, lui, une année de prison. Il attend son procès en appel. Et le sort de plusieurs personnalités du mouvement, poursuivies pour atteinte à l’intégrité nationale, inquiète. Ceux, en particulier, de l’activiste Samir Benlarbi, du journaliste Fodil Boumala, de l’ancien secrétaire général du parti d’opposition Front des forces socialistes Karim Tabbou, voire du président du Rassemblement actions jeunesse, Abdelwahab Fersaoui. Autant de figures incarcérées depuis septembre ou octobre 2019.

la-croix.com

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