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Emploi au Mali : Mieux penser la question

Estimé à 9,2% en 2018, le taux de chômage au Mali n’est que l’un des facteurs permettant d’appréhender la problématique de l’emploi. Sous emploi, inadéquation entre formation et emploi, fiabilité des statistiques ou inefficacité des structures chargées de lutter contre le chômage, les problèmes sont nombreux et complexes. Même si elles semblent au cœur des préoccupations des politiques, les solutions peinent à se réaliser. Véritable baromètre de la vie sociale, la question de l’emploi est « une bombe à retardement » qui mérite  des réponses adéquates et bien pensées.

 

« Le chômage et le sous emploi sont des variantes du marché de travail, qui est en pleine effervescence au Mali. Ce problème affecte particulièrement les femmes, les jeunes et, s’agissant du milieu institutionnel, le secteur informel, qui à lui seul abrite plus de 95% des actifs occupés, n’est pas en reste », notait l’Observatoire national de l’emploi et de la formation (ONEF) dans son rapport d’étude sur le « Profil du chômage et du sous emploi au Mali », paru en 2015.

Ce facteur informel, qui reste l’une des caractéristiques phares du marché de l’emploi, se traduit par la rareté des emplois « avec des contrats en bonne et due forme et des niveaux de salaires acceptables », ce qui induit donc une certaine précarité, explique le Dr Ousmane Mariko, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences économiques et de gestion (FSEG).

Mais l’emploi au Mali est aussi fondamentalement rural, en raison de la vocation agro pastorale du pays, ajoute le chercheur. Et un troisième facteur est le niveau d’instruction peu élevé ou inexistant de nombreux acteurs « en situation d’emploi ».

A contrario, cette dernière caractéristique implique donc que le phénomène du chômage touche en majorité ceux qui ont un niveau d’instruction élevé. Véritable problématique, l’employabilité des diplômés est un phénomène central de la question de l’emploi au Mali.

Faire diminuer le chômage

Ambition régulièrement caressée par les autorités, la baisse du taux de chômage est un objectif rarement atteint, parce que ne pouvant être le fait « d’une baguette magique », prévient le chercheur Mariko. En effet, même si elle n’est pas suffisante pour gérer globalement la problématique de l’emploi, cette baisse est un indicateur important du marché du travail et nécessite la mise en place de « dispositifs bien pensés ».

Cela suppose d’abord que l’on dispose de statistiques fiables. Les dispositifs seront donc fonction des informations collectées et les politiques seront  conçues sur leur base. On pourra ainsi mettre en place des programmes – projets en rapport avec ces politiques pour répondre aux besoins des publics cibles, les franges de la population les plus frappées par le chômage.

Lorsque les données statistiques indiquent par exemple que l’université met des milliers d’étudiants sur le marché sans perspectives d’embauche, « il s’agit d’un signal, d’un déclic dont les politiques doivent se saisir », précise le Dr Mariko.

Les programmes mis en place pourront ainsi, de façon spécifique, répondre aux problèmes d’emploi d’un groupe déterminé et ne s’intéresser qu’à cette problématique. Ceci permettra une « catégorisation » indispensable pour l’efficacité des actions.

La globalisation de la question de l’emploi d’une catégorie comme la jeunesse, par exemple, est un frein à une analyse en profondeur des spécificités liées à ce groupe. En effet, les jeunes peuvent être diplômés, déscolarisés ou non scolarisés et ne répondent donc pas aux mêmes critères d’employabilité.

L’absence d’évaluation objective est aussi l’une des faiblesses de ces programmes, qui peuvent par ailleurs être bien conçus mais pécher dans l’exécution. Il est donc essentiel de corriger les insuffisances et d’opter pour de nouvelles stratégies pour obtenir des résultats.

Pour faire baisser le taux de chômage en ce qui concerne le Mali, il faut mettre un accent particulier sur l’adéquation entre les formations et l’emploi, compte tenu du fait que ce phénomène concerne principalement ceux qui ont un certain niveau.

La faible capacité de création d’emplois est aussi l’une des causes de la difficulté à faire diminuer le chômage. «  En principe, avec l’insuffisance des postes offerts par la fonction publique », c’est le privé qui devrait assurer la relève, explique le chercheur Mariko. Malheureusement, ce secteur « estime que l’accompagnement des pouvoirs publics n’est pas à hauteur de souhait ».

Mais, plus que le chômage, c’est le taux de sous emploi qui explique le mieux la problématique de l’emploi au Mali. Il se caractérise par le temps de travail. C’est le cas de plusieurs « petits métiers », qui ne s’exercent par exemple que quelques heures dans la journée, ou, de façon générale, des emplois ruraux, dont la plupart des acteurs sont occupés pendant l’hivernage et au chômage le reste de l’année.

Booster l’emploi

Pour favoriser la création d’emplois au Mali, il faut nécessairement passer par une politique d’industrialisation. Une « petite industrie » qui permettra également, outre les postes à pourvoir, de soutenir les chaînes de valeur, notamment dans le domaine agricole. Mais nous avons « une politique qui vise le secteur privé plus que l’industrialisation », déplore le Dr Mariko.  Booster la création d’emplois suppose aussi de résoudre à long terme le problème de l’inadéquation entre formation et emploi. Pour ce faire, il faut encourager « une politique de formation initiale et continue ».

Ce système permettra aux universitaires qui ont « des insuffisances pour répondre aux besoins du marché du travail », d’intégrer des « centres de recyclage » pour adapter leurs compétences.

Le développement de entrepreneuriat, surtout des jeunes, qui constituent une proportion importante des chômeurs, est aussi un aspect essentiel de la problématique. Il faut aussi bien orienter cet entrepreneuriat vers un secteur porteur, par exemple l’agriculture, ce qui aboutira à deux résultats impactants : la petite industrialisation, qui, grâce à la transformation des produits locaux, occupera plus de main d’œuvre et la promotion de l’auto-emploi.

Réflexions à long terme

Pour encourager entrepreneuriat, il a été mis en place, dans le cadre du système Licence Master Doctorat (LMD), au niveau de la FSEG, une formation dédiée. À terme, il s’agit d’aider les étudiants de cette filière à mobiliser des financements pour  des projets, « surtout dans le domaine agricole et la transformation, pour plus d’impact sur la création d’emplois », explique le Dr Mariko.

Inspiré par un modèle expérimenté à l’université de Grenoble, en France, le chercheur travaille actuellement à la mise en place d’un Observatoire des formations et de l’insertion professionnelle des diplômés de l’université. Sans « concurrence avec l’ONEF », il va s’intéresser à la question de l’employabilité des jeunes diplômés.   Son objectif est de « supprimer le fossé qui sépare l’université du monde du travail ».

En relation avec le monde du travail et les structures de collecte et de traitement des statistiques, l’observatoire, qui est actuellement en phase de rédaction de ses textes, s’attèlera à la production de données et notamment à des enquêtes longitudinales ou générationnelles. C’est-à-dire à établir une base de données sur un groupe d’étudiants dont la cohorte sera suivi à sa sortie, 3 mois, 6 mois et une année plus tard. Le même travail sera effectué avec d’autres étudiants, sortis avant et après ce groupe, pour savoir où ils se sont insérés. À partir de ces données, on pourra réadapter les programmes de formation.

L’observatoire s’intéresse à un deuxième volet, relatif aux études, pour mieux connaître le marché du travail, les métiers recherchés et d’avenir et intégrer ces formations  dans les programmes.

Le dernier aspect  consistera à mettre l’accent sur entrepreneuriat afin « de faire passer le message de sensibilisation » au niveau des universités et d’inculquer une culture de entrepreneuriat. Il s’agira ensuite de repérer les étudiants motivés et de les accompagner dans leur insertion.

Déplorant le peu de recours aux universitaires en la matière, le Dr Mariko suggère que les observatoires s’intéressent davantage à la demande (comment les entreprises peuvent créer de l’emploi), car cette question mérite d’être traitée avec sérieux.

Journal du mali

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