A trois semaines d’accueillir le pape François, l’Egypte est entrée sous le régime d’état d’urgence après les deux attentats à la bombe revendiqués par le groupe Etat islamique (EI) qui ont visé des églises coptes et fait 44 morts dimanche.
Annoncé pour trois mois par le chef de l’Etat Abdel Fattah al-Sissi dans une déclaration solennelle à la télévision, pour « protéger » et « préserver » le pays, cet état d’urgence devra cependant encore être approuvé par le Parlement. Les premières funérailles ont eu lieu dès dimanche soir, à Alexandrie notamment, l’une des deux villes visées. Les corps des victimes, placées dans des cercueils en bois recouverts d’une croix dorée, ont été enterrés en présence de centaines de leurs coreligionnaires.
L’attentat d’Alexandrie, la grande ville du nord du pays, a été perpétré en début d’après-midi dimanche par un kamikaze « équipé d’une ceinture explosive » et a fait 17 morts — dont quatre policiers — et 48 blessés, selon le ministère de la Santé. Après avoir été arrêté par des policiers, l’assaillant s’est fait exploser à l’entrée de l’église Saint-Marc où se trouvait le pape copte orthodoxe Tawadros II à l’occasion de la fête des Rameaux, selon le ministère de l’Intérieur.
L’autre attaque avait eu lieu dans la matinée, à Tanta, une grande ville située à une centaine de km du Caire, elle aussi dans le delta du Nil, en pleine célébration des Rameaux dans l’église Mar Girgis (Saint-George). Elle a fait 27 morts et 78 blessés, selon le ministère de la Santé.
Le 29 mars, sur sa page Facebook, cette paroisse Mar Girgis avait annoncé avoir dû faire appel aux forces de l’ordre pour faire enlever un objet « suspect » déposé trouvé devant l’église. L’EI, dont la branche égyptienne avait récemment appelé à prendre pour cible la communauté copte, a revendiqué ces attentats commis, selon les jihadistes, par des kamikazes égyptiens.
Ces attentats interviennent 19 jours avant une visite en Egypte du pape catholique François prévue les 28 et 29 avril.
« J’exprime mes profondes condoléances à mon cher frère, sa sainteté le pape Tawadros II, à l’Eglise copte et à toute la chère nation égyptienne », a réagi le pontife argentin. « Que le Seigneur convertisse le coeur de ceux qui sèment la terreur, la violence et la mort, et aussi le coeur de ceux qui leur fournissent leurs armes et commercent avec eux », a ajouté le pape.
Le président des Etats-Unis Donald Trump a condamné l’attentat sur son compte Twitter, se disant « confiant dans la capacité du président (Abdel Fattah al-Sissi) à gérer la situation comme il se doit ». Assurant que le combat contre les jihadistes « sera long et douloureux », M. Sissi a également demandé à l’armée de déployer des forces pour aider la police à protéger les « infrastructures vitales » du pays.
Al-Azhar, prestigieuse institution de l’islam sunnite basée au Caire, a de son côté condamné « un attentat terroriste lâche ».
Les 15 membres du Conseil de sécurité des Nations unies ont qualifié de « lâches », les attentats, affirmant que « le terrorisme sous toutes ses formes constitue l’une des plus sérieuses menaces à la paix et à la sécurité internationales ». Ces attaques contre la minorité copte interviennent quatre mois après un attentat suicide spectaculaire, revendiqué par l’EI, contre l’église Saint-Pierre et Saint-Paul du Caire. Vingt-neuf personnes avaient été tuées. Dans une vidéo, l’EI avait alors menacé la communauté copte d’autres attentats à venir.
Cette attaque du Caire, en décembre, avait relancé les appels à durcir la lutte contre la mouvance jihadiste en Egypte, en particulier dans le Sinaï où elle a mené une série d’attaques sanglantes contre les forces de sécurité.
La branche locale de l’EI avait revendiqué un attentat à la bombe ayant coûté la vie, en octobre 2015, aux 224 occupants d’un avion transportant des touristes russes après son décollage de Charm el-Cheikh, station balnéaire de l’est de l’Egypte.
Les Coptes orthodoxes d’Egypte sont la communauté chrétienne la plus nombreuse du Moyen-Orient et l’une des plus anciennes. Ils représentent 10% des 92 millions d’Egyptiens.
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RDC : Une marche anti-Kabila interdite à Kinshasa
La population de Kinshasa est restée massivement chez elle lundi par crainte de violences pendant une manifestation interdite contre le président Joseph Kabila à laquelle l’opposition congolaise avait appelée sans conviction, et qui n’a pas eu lieu. Jusqu’en fin d’après-midi, la bouillonnante capitale de la République démocratique du Congo est apparue fantomatique : le silence caractéristique des journées de tension politique dans cette mégapole de quelque 10 millions d’habitants l’a emporté sur le vacarme habituel.
Alors que les forces de l’ordre étaient toujours nettement visibles, un semblant de vie a repris en fin de journée dans les gargotes dansantes des quartiers de Matonge et Yolo, symboles de l’ambiance festive de « Kin la Belle ». L’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti de l’opposant historique Étienne Tshisekedi décédé en février, avait appelé la population à manifester lundi dans tout le Congo contre M. Kabila, au pouvoir depuis 2001. Mais la marche annoncée à Kinshasa n’a pas eu lieu, faute de manifestants et d’organisation.
Félix Tshisekedi, fils d’Étienne qui briguait ouvertement le poste de Premier ministre, a accusé dimanche le président, dont le mandat a expiré le 20 décembre 2016, d’être « le principal obstacle au processus démocratique » après que le chef de l’État eut nommé vendredi Bruno Tshibala, un dissident de l’UDPS, à la tête du gouvernement. M. Tshisekedi a quitté le Congo par avion dimanche après-midi avant que la police n’annonce l’interdiction de tout rassemblement politique dans l’ensemble du pays lundi. Le secrétaire général de l’UDPS, Jean-Marc Kabund, est resté injoignable une grande partie de la journée. Rencontré par deux journalistes de l’AFP, il a refusé de répondre à leurs questions.
« Comme il y a des policiers partout, j’ai préféré ne pas sortir », a confié à l’AFP Brel Kabeya, « chailleur » (vendeur à la criée) « acquis au changement ». Sympathisante de l’UDPS, Aurélie Makuntu, vendeuse sur un marché, explique avoir fait le même choix « pour éviter de (se) faire tuer ou blesser ». L’appel de l’opposition « à une déferlante populaire (…) a été un échec », a estimé le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, chef de la Majorité présidentielle.
La RDC traverse une crise politique depuis la réélection de M. Kabila en 2011 lors d’une présidentielle entachée de fraudes massives.
Les tensions ont été exacerbées avec son maintien au pouvoir après le 20 décembre dans un climat de violences ayant fait des dizaines de morts alors que la population congolaise, miséreuse, voit sa situation empirer chaque jour avec la crise économique. M. Kabila a 45 ans et la Constitution lui interdit de se représenter. Sous l’égide de l’Église catholique, opposition et majorité ont signé le 31 décembre un accord prévoyant le maintien au pouvoir du chef de l’État jusqu’à l’entrée en fonctions d’un successeur devant être élu en 2017, en échange de la nomination d’un Premier ministre issu de l’opposition.
Source: essor