L ‘école malienne est dans la tourmente. Les enseignants sont en grève. Les apprenants rongent leurs freins. Le spectre d’une année blanche plane. Mais l’orage passera. Les blessures se cicatriseront. Le beau temps reviendra. C’est aujourd’hui que nous devons porter le rêve d’une école véritablement nouvelle, tant en son esprit qu’en sa réalité physique et matérielle. Sur le chantier de cette école-là, le droit de grève est suspendu.
Pourquoi excellons-nous à copier la France ? Bottons en touche et répondons avec Pascal que « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas ». Il n’est pas interdit d’avoir un modèle. Mais l’on doit se garder de le copier au point de n’en être plus que la triste caricature.
Nous affirmons que l’Université, l’Ecole normale supérieure, l’école nationale d’administration et de magistrature etc., ne sont au Mali que la pâle et plate copie de leurs modèles français. Pourquoi cette différence entre là-bas et ici ? Pourquoi ce fossé entre l’original et sa copie ?
Ici n’est pas là-bas. Nous avons affaire à deux environnements distincts. Ils ne répondent pas aux mêmes réalités humaines. Il reste que si nos institutions de formation voulaient être plus proches de leurs modèles extérieurs, elles devraient s’imposer de livrer et gagner trois grandes batailles.
D’abord, l’humanisation de l’environnement physique. Est visible et palpable l’effet du travail de l’homme sur le cadre physique des institutions de là-bas. Ici, sur nos campus et cités, la nature règne en maître. Elle impose sa loi. Le patrimoine bâti est livré à l’action corrosive du temps. Entretien : zéro ! Tout se détériore. Tout pourri. Entre un campus universitaire européen et un campus universitaire malien, c’est le jour et la nuit.
Un simple besoin de toilette à l’université de Bamako prend des proportions à la taille du Kilimandjaro, le plus haut sommet d’Afrique. Ensuite, la qualité des produits. Les fruits sont pour l’arbre ce que les femmes et les hommes formés sont pour une institution de formation. On juge un arbre à ses fruits. De même, on juge une institution à la qualité de ses produits. L’excellence ne tombe pas du ciel.
C’est un champ qui n’attend que d’être cultivé : environnement favorable, infrastructures appropriées, curricula en adéquation opérationnelle avec des objectifs précis de développement, maîtres motivés et en nombre pour former des apprenants de qualité. Qui sort de HEC en France, d’Harvard aux Etats-Unis, d’Oxford en Angleterre a des raisons de lever la tête et de bomber le torse. Que fait-il celui qui sort de l’une de nos universités ou grandes écoles ?
Enfin, la notoriété de l’institution. Il faut gagner la bataille de l’image, celle qui fait associer automatiquement une institution de formation à l’idée d’excellence. Il faut créer et entretenir un sentiment fort d’appartenance chez les générations successives d’apprenants. A travers des réseaux d’anciens élèves ou étudiants articulés en une longue chaîne de solidarité. A travers l’esprit d’école pour maintenir vivace la flamme de l’excellence à travers le temps.
Il faut se résoudre à soumettre nos institutions à la norme ISO afin de garantir la qualité des services offerts. Il faut investir massivement dans l’école. C’est un engagement pour aujourd’hui et pour demain. Par-delà la question de l’augmentation des salaires des maîtres ou de la rétrocession des sommes défalquées sur les salaires pour fait de grève. L’école est à situer et à placer au-dessus des conjonctures et des conjectures.
Investir dans l’école, c’est investir dans l’homme. Il est bien entendu, selon la formule bien connue qu’« il n’y a de développement que d’homme ». C’est l’école qui fournit les contingents entiers d’hommes et femmes dont le pays a besoin pour son développement. Un enfant qu’on enseigne, dit-on, c’est une lampe qu’on allume. Et Victor Hugo de renchérir : « Celui qui ouvre une école, ferme une prison ».
Investir dans l’homme, c’est investir dans l’avenir. L’avenir n’est pas un destin aveugle. Il est en notre pouvoir. Nous avons capacité à prendre notre tête pour réfléchir. Nous avons capacité à anticiper, à actionner les manettes invisibles de notre imagination, créer, innover.
Investir dans l’avenir, c’est assurer son propre développement. Un développement durable, défiant le temps, s’accordant à son environnement. Un développement indépendant, adossé à une profonde et réelle autonomie de penser et d’agir. Rien de plus. Rien de moins.
Assi de DIAPE
Source: Le Point du Mali