Dans la stratégie des groupes armés terroristes, il apparaît désormais que les attaques sporadiques contre les positions des forces armées maliennes ne visent qu’un effet psychologique retentissant dans l’opinion.
En se rapprochant de plus en plus de Bamako, comme l’attaque du vendredi 22 juillet 2022 dans la ville Garnison de Kati à 15 kilomètres de Bamako, les ennemis de la nation cherchaient, sans nul doute, à faire peur.
Rien moins !
Le message passe quand même et le commentaire des nouveaux éditorialistes qui étalent le beurre sur la tartine faute d’en avoir suffisamment – je veux parler de
l’inculture ambiante et navrante de ces chroniqueurs deux point zéro- renforce la prégnance de ces idées
et actes barbares qui semblent sortir de livres apocalyptiques.
Attaques du camp de la FORSAT à Kolokani à 125 kilomètres de Bamako, du poste de contrôle de Zantiguila à 50 kilomètres, de la ville garnison de Kati à 15 kilomètres, une grande région militaire qui abrite la résidence du président de la Transition, celle du ministre de la Défense et des Anciens combattants et de nombreuses autres personnalités du pays.
Autant dire que ces djihadistes ne sont pas des fous de Dieu mais des illuminés sous l’effet de drogues dures qui vont se donner la mort pour on se sait quelle cause.
On l’aura vu dans une courte vidéo de l’un des huit terroristes interpellés après l’attaque de Kati. Hagard, les
yeux perdus dans le vide, la langue pâteuse, le jeune homme interrogé par les militaires qui l’ont appréhendé, était sous l’effet de stimulant et ânonnait des phrases incompréhensibles.
Le captagon, connu comme « la drogue du djihad », cette amphétamine, qui supprime la sensation de peur et de
fatigue, a été largement utilisée par les combattants de Daesh lors des combats en Irak et en Syrie, où ils ont conquis des régions entières en 2014 et n’ont été vaincus qu’en 2017 dans le premier pays et en 2019 dans le second.
Cette drogue a été introduite au Sahel par les rescapés de la Syrie et de l’Irak avec la bénédiction des inventeurs du djihadisme.
On se souvient de Seifeddine Rezgui, ce jeune Tunisien qui, le 28 juin 2017, a ouvert le feu sur la plage d’un hôtel touristique de Sousse.
Il a fait 38 morts et une trentaine de blessés, avant d’être abattu par un policier. L’autopsie a prouvé qu’il était alors sous l’emprise de drogue, « identique à celle que l’Etat islamique (EI) donne aux personnes faisant des attaques terroristes».
Le groupe terroriste produit et utilise en effet le captagon pour rendre les combattants plus opérationnels au
moment des combats. Faire disparaître la crainte et la fatigue, tels sont les deux effets principaux du captagon.
Voilà pourquoi des groupuscules, dopés au captagon, attaquent des camps militaires, ne craignant, ou plutôt ne sachant même pas ce qu’ils font et encore moins ce qui va advenir.
D’après le bilan détaillé fourni par la Direction de l’information et des relations publiques de l’armée, l’attaque de vendredi sur le camp de Kati a fait, côté ennemi, 7 neutralisés et 8 assaillants interpellés. Ce qui fait au total 15 personnes.
Comment 15 personnes, ou tout au plus 20, quelle que soit leur détermination, peuvent oser attaquer une garnison militaire d’une si grande importance comme le Camp Soundiata de Kati, où dorment le président de la Transition, son ministre de la Défense et d’autres hauts gradés de l’armée, si ce n’est juste rechercher cet effet psychologique retentissant recherché pour faire peur.
Mais ce qui fait peur, c’est de savoir maintenant que l’ennemi est à nos portes et qu’il est parmi nous. Il ne se cacherait même plus désormais et cela doit faire peur. Cette menace globale n’est pas le fait des terroristes seulement.
C’est une stratégie de déstabilisation savamment élaborée par de grands stratèges tapis souvent hors de nos frontières et mise en œuvre par d’inconscients agents à qui ils offrent du captagon.
Les interrogatoires des 8 personnes interpellées devront édifier sur les ennemis qui manipulent dans l’ombre pour déstabiliser notre pays, faire échec à la transition parce que tout simplement le Mali a décidé de se soustraire du joug de la domination néocolonialiste, en affirmant sa souveraineté et son indépendance.
L’histoire enseigne que c’est suite à l’échec des négociations, que la France a entamé des interventions militaires au Vietnam, et en Algérie, avant de capituler devant la détermination de ces nations.
«Notre lutte contre le colonialisme ne tire pas sa source dans la rancune, elle procède de la volonté de mettre un terme à l’humiliation, à l’esclavage moderne, elle a pour finalité la libération de l’homme», a déclaré Modibo Keita contre qui le Gouverneur français d’alors Edmond Louveau, furieux, planifia une stratégie pour mettre fin à sa lutte d’émancipation, en le mutant de Sikasso à Kabara.
Et, l’emprisonnant, car, selon lui, Modibo Keita emploie son ascendant «à combattre par tous les moyens l’autorité de l’administration française… Continuellement, il provoque ou exploite des incidents pour diminuer l’autorité de notre administration.»
Cette vieille stratégie est encore à l’œuvre aujourd’hui parce que le Mali veut s’émanciper du néocolonialisme français. Les faits sont têtus.
Le Mali de Modibo Keita s’est engagé aux côtés des mouvements de libération nationale et d’émancipation des peuples, «décidé à tout, fervent et brutal, cohérent et singulièrement acéré, étendait la tête de pont et ouvrait de précieuses perspectives», avait noté Franz Fanon qui en intellectuel éclairé a fait savoir que «le grand succès des ennemis
de l’Afrique, c’est d’avoir corrompu les Africains euxmêmes.»
La France a jusqu’ici utilisé la stratégie de la boucle «OODA», c’est-à-dire observer, orienter, décider et agir en allongeant au maximum la boucle de ses adversaires par la perturbation de leur système à travers l’utilisation de médias à sa solde et la création de frictions au sein des parties d’en face.
Cette stratégie passe aujourd’hui par la manipulation de groupes armés locaux qui sont souvent armés et entraînés par des militaires français comme on l’a assez vu dans la situation malienne.
En face, la stratégie développée est basée sur l’éveil de la conscience de la jeunesse, l’utilisation de syndicats d’étudiants et d’artistes engagés, une stratégie inscrite dans le temps avec la ferme conviction que «l’eau qui tombe goutte à goutte finit par percer la pierre la plus dure.»
Le Mali doit mettre en place une surveillance continue pour relayer tous les faits et gestes de la France.
Et tous les discours français sur l’Afrique doivent être systématiquement décryptés, expliqués et contrariés en
cas de besoin. Alors, ne soyons pas distraits, gardons le cap !
Abdoulaye Diabaté dit Séga
Source : Sud-Hebdo