Cela fait 74 jours que l’ex-Président de la République IBK a été chassé du pouvoir par les officiers colonels de l’armée malienne, regroupés au sein du Comité National Pour le Salut du Peuple, CNSP, mais jusque-là le Mali est toujours à la case départ. Ce coup de force, pourtant salué par une grande majorité des maliens, sonne aujourd’hui comme un lourd fardeau tant les espoirs commencent à être déçus et l’inquiétude s’accroit, car les lignes ne sont pas en train de bouger.
Bah N’Daw, le Président de la transition, son vice-président et héros du coup d’Etat du 18 Août, le colonel Assimi Goita et le Premier ministre Moctar Ouane, de par leurs qualités d’hommes intègres ont fait l’unanimité au moment de leur choix. Vont-ils décevoir des milliers de leurs compatriotes qui ont fondé de l’espoir sur eux afin de jeter les bases du Mali Koura tant attendu ?
Cette question mérite d’être posée quand on sait qu’ils sont à la tête du pays depuis plus de deux mois et on ne voit pas les prémices, ni de la rupture, encore moins du renouveau, bien au contraire, ça va dans tous les sens.
Cette attitude pour le moins ubuesque, poussant certains à se poser la question de savoir si l’amateurisme, le saupoudrage et le pilotage à vue ne sont pas les caractéristiques principales du régime transitoire. Le trio à la tête de l’exécutif n’arrive toujours pas à poser les vrais jalons pour une rupture avec le passé et pour des réformes idoines permettant à notre démocratie d’être enfin sur ses quatre pieds. Ce qui est dangereux aujourd’hui c’est le risque d’un embourbement et d’un front social en ébullition, car à force de tâtonner on donne l’occasion aux forces hostiles aux autorités actuelles de s’organiser pour porter le flambeau de l’opposition. Le hic est que trio de tête de l’exécutif semble faire un mauvais départ, celui d’exclure toutes les forces politiques, sous prétexte qu’il a plus besoin de technocrates que d’hommes politiques.
La seconde grosse bévue qu’il a commise est celle de faire du M5 RFP son adversaire à abattre alors même que c’est ce Mouvement, bien qu’hétéroclite, qui a affaibli le régime IBK avant que les militaires ne viennent parachever son travail. Le Mouvement du 5 juin est voué aujourd’hui aux gémonies par les autorités de la transition, car il apparait aux yeux des putschistes comme un mouvement prétentieux qui voudrait bien gérer la transition ce qui ne serait pas du goût de la junte qui a elle aussi ses ambitions.
C’est un mauvais procès que le régime transitoire est en train d’intenter contre le Mouvement du 5 juin Rassemblement des forces patriotiques et même de l’ensemble de la classe politique toutes tendances confondues. Les autorités de la transition doivent comprendre qu’aucune réforme majeure ne pourrait être entreprise sans un minimum de consensus, hors les forces politiques sont à la touche.
Le salut de Bah N’Daw, d’Assimi Goita et de Moctar Ouane ne pourrait venir que de ce mouvement du 5 juin et surtout de toute la classe politique, qui jouissent, quoi qu’on dise, d’une certaine légitimité, donc vouloir les marginaliser est un risque aux conséquences incalculables pour le Mali en général, mais aussi et surtout pour le régime transitoire, en particulier.
Youssouf Sissoko
Source: Infosept