Quel gâchis ! Après cinquante ans de durs labeurs pour harmoniser nos politiques sectorielles et asseoir la base d’une véritable intégration économique, après cinquante ans d’interpénétration culturelle, de libre circulation des personnes et de leurs biens, après cinquante ans de droit d’établissement, les autorités maliennes de la transition ont pris la maladroite décision de retirer le Mali de la CEDEAO.
Nous voilà à la case départ en mettant le compteur à zéro. Les autorités maliennes, burkinabè et nigériennes en prenant la décision de retirer leurs pays de la CEDEAO ne semblent pas mesurer les conséquences de leur acte sur leurs peuples respectifs. Les trois présidents viennent de mettre à l’eau et en un claquement de doigt ce que leurs prédécesseurs ont construit pendant cinquante ans. Ce qui est aberrant et qui semble inquiéter plus d’un citoyen de l’AES c’est le manque de lisibilité et de visibilité de leur projet alternatif. Hormis les déclarations de bonnes intentions, concrètement les peuples ne voient aucun plan permettant d’attester du bon choix des autorités de la Confédération de l’AES, quant au retrait de leurs pays de la Communauté Economiques des Etats de l’Afrique de l’Ouest, CEDEAO. Beaucoup d’analystes se posent un certain nombre de questions comme entre autres comment un pays comme le Mali qui a mis dans toutes ses constitutions qu’il est prêt à renoncer à toute ou partie de sa souveraineté pour la réalisation de l’Unité Africaine pourrait décider de sortir de la CEDEAO ?
Il est impensable que des pays qui sont des hinterlands et qui vivent des produits d’importation jusqu’à hauteur de 70% puissent se dissocier des Etats côtiers. Comment comprendre que dans un monde où les grands ensembles se forment pour faire face à la concurrence et aux puissances dominatrices, trois pays sahéliens font le choix de vivre en autarcie en quittant un grand ensemble envié par tout le monde. A-t-on besoin de rappeler le passé historique de ce grand empire que fut le Mali ? Ainsi pour rappel l’empire du Mali s’étendait du Sahara à la forêt équatoriale, de l’océan Atlantique à la boucle du Niger soit sur les actuels Mali, Sénégal, Gambie, Guinée Conakry, Guinée Bissau, Burkina Faso, Côte d’Ivoire et la Mauritanie, soit 7 des 15 Etats qui composent la CEDEAO. Pourquoi pour des égos surdimensionnés et d’ambitions démesurées on prive des peuples de leurs droits les plus élémentaires comme celui de la libre circulation des personnes et de leurs biens sur un espace qui n’a de frontières que par la volonté des puissances colonisatrices. La décision du retrait des trois pays sahéliens de la CEDEAO est très lourde des conséquences parmi lesquelles la fin de tous les projets en cours de réalisation, le retrait du personnel, qu’il soit administratif ou militaire, de toutes les instances de la CEDEAO. Que dire des droits communautaires dont jouissent tous les quinze Etats ? Trois de 15 ne pourront plus jouir de ces droits très avantageux pour ces pays. Ils seront obligés de négocier dans le cadre d’accords bilatéraux. Les thuriféraires de l’AES diront qu’il y a le droit à la réciprocité, mais ce qu’ils feignent d’oublier ce qu’il y a plus de ressortissants des Etats de l’AES dans les pays CEDEAO que le contraire.
En somme, le vin est tiré il faut le boire. Les peuples de l’AES attendent maintenant de leurs dirigeants des actions concrètes, car on leur a promis la lune avec la Confédération de l’Alliance des Etats du Sahel, au moins qu’ils offrent l’étoile dans le cas contraire ils seront vus d’un autre œil et pour paraphraser Abraham Lincoln on peut tromper une partie du peuple tout le temps, on peut tromper tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut jamais tromper tout le peuple tout le temps. Un bon sujet de réflexion pour les Présidents de l’AES.
Youssouf Sissoko
Source : L’Alternance