Un bras de fer entre le gouvernement et le groupe Da Na Ambassagou ? Tout porte à le croire. Après la décision de dissolution de ce groupe lors du dernier conseil des ministres, la décision de son chef ne s’est fait pas attendre…
Le monde s’est indigné dans toute la journée du 23 mars avec la nouvelle annonçant, sur les réseaux sociaux, une barbarie aux odeurs nazies dans un petit village, Ogossago, du cercle de Bandiagara (région de Mopti). Un drame immonde qui a suscité une indignation nationale et internationale.
Sur les images publiées par les internautes, on pouvait voir des femmes enceintes égorgées, des enfants de moins de cinq ans avec le dos percé, des corps calcinés entassés les uns sur les autres dans des petites cases.Ces images atroces laissent réfléchir chacun sur la cruauté des auteurs de ces actes. Comme l’on peut l’imaginer, ce fut un choc national et même international face à ce drame qui ne dit pas son nom. Société civile, partis politiques, représentations diplomatiques, organisations internationales, des condamnations de toutes sortes, accompagnées par de multiples messages de condoléances, ont été adressées aux autorités et surtout à la communauté peulhe qui fut majoritairement touchée par cette barbarie.
Déception au sein de l’opinion
Au-delà des indignations, condamnations et messages de soutien, la population n’avait les yeux braqués que sur les autorités dans l’attente de mesures draconiennes afin de retrouver, identifier et punir les coupables. Selon une bonne partie de l’opinion nationale, l’éléphant annoncé est arrivé avec un pied cassé. Le conseil des ministres spécial, tenu le lendemain du drame, n’a pas été à la hauteur des attentes en termes de mesures aux yeux de la population. Contre toute attente, ce conseil des ministres, au chapitre des mesures individuelles et au titre du ministère de la Défense et des anciens combattants,a procédé à des nominations de nouveaux officiers supérieurs dont sept généraux et deux autres colonels au grade demajor. Il a, aussi, procédé au limogeage du chef d’état-major général des armées remplacé par legénéral de Division Abdoulaye COULIBALY, du CEMG de l’armée de terre à son tour par le général de Brigade Keba Sangaré.
L’armée de l’air a eu désormais comme chef d’état-major le général de brigade Daouda Dembélé. Ces graduations et nominations n’ont pas été des mesuressalutaires par la classe politique et même par la société civile qui les ont jugés trop infimes face à la gravité de la situation.
L’offensive du gouvernement…
Depuis les attaques du village Ogossagou, l’opinion nationale tente, tant bien que mal, à ne ciblée aucune communauté comme auteur de cette barbarie afin d’éviter toute tension inter-ethnique qui ne fera que basculer le Mali dans des violences dans des violences. La principale communauté qui occupe cette zone et surtout le village touché, à savoir les dogons, ont multipliés les réactions de condamnation afin que des mauvaises langues ne leur font un faux procès.
Cependant, contre toute attente, le gouvernement a procédéau conseil des ministres extraordinaires, à la dissolution de la milice Dan Na Amassagou au« chapitre des mesures législatives et réglementaires, le gouvernement a procédé à la dissolution de la dite miliceavec comme commentaire ». Il a stipulé, pour justifier sa décision, dans le dit chapitre que: « Depuis un certain temps, l’Association DAN NA AMBASSAGOU s’est écartée de ses objectifs initiaux, en dépit des mises en garde répétées des autorités administratives locales. En application des dispositions de la Loi n°04-038 du 05 aout 2004 relative aux associations, le Conseil des Ministres a prononcé sa dissolution.» Ainsi, il a envoyé un message clair à ce groupe armé qui n’arrive pas à se démarquer de toute responsabilité dans le drame d’Ogossago.»
Refus catégorique
C’est dans un message audio circulant sur les réseaux sociaux que le chef d’état-major de la milice des dogonsa clairement exprimé la position de son groupe face à leur dissolution prononcée par l’Etat, à savoir un refus catégorique. On peut entendre, dans cet audio un homme très surpris, stupéfait par la décision de l’Etat mais très sûr de lui et surtout prêt à engager un bras de fer avec les autorités. Selon Youssouf Toloba, le gouvernement les taxe d’être responsable en dissolvant sans que mêmes les enquêtesprimaires n’aboutissent. Aussi, selon lui, le pays dogon est à sa deuxième année consécutive sans saison agricole or l’agriculture est la principale source de revenu et moyen de survie de leurs populations. Et rien ne semble prouver qu’ils pourront le faire cette année aussi vu la dégradation de la situation sécuritaire. Les désarmer dans cet imbroglio sans la présence des forces armées et de sécurité revenait à les livrer aux bandits et terroristes…
Les conditions de désarmement posées
Avec un tonferme, le chef de la milice annonce que les dogons n’ont jamais eu à se servir d’arme dans toute notre histoire politique. Ce sont des réalités sociopolitiques et surtout sécuritaires qui sont à l’origine de leur volonté d’auto-défense. Et sans langue de bois,M. Tolobaa posé certaines conditions pour leur dissolution comme, entre autres, l’ouvertement d’une enquête indépendante pour faire la lumière sur le drame d’Ogossagou ; l’ouverture d’un dialogue inclusif entre tous les acteurs concernés par la crise sécuritaire au centre pour trouver une solution consensuelle durable au problème ; la dissolution et désarmement de toutes les autres milices sans exceptions et le redéploiement des forces de sécurité et défense malienne pour sécuriser intégralement la zone.
Mise en garde…
Toloba a été aussi clair que limpide dans son message, les dogons, sans les conditions citées ci-dessus, se réservent le devoir de résister face à toute forme de tentative de leur désarmement… Selon lui, si l’Etat compte réellement les interdire de défendre, par les armes, leur communauté, sans pourtant venir le faire lui-même comme son rôle l’exige, cela signifierait clairement que le Mali veut laisser tomber « le pays dogon ». Il continue en disant: « Nous irons chercher notre espoir ailleurs si jamais le gouvernement nous laisse tomber».
Réaction de la communauté peuhle
La plus grande association de défense des droits de la communauté peuhle du Mali ‘’Tapital Pulaku’’ a tenu une conférence de presse à la maison de la presse. Le président de ladite association a catégoriquement démenti un message qui lui était attribué sur les réseaux et dans laquelle il aurait accusé la milice Dan Na Amassagou comme étant responsable des tueries d’Ogossagou tout en appelant, contre elle, à des représailles sanglant de la communauté. En condamnant vigoureusement toutes ces attaques barbares dont sont victimes sa communauté, le président a appelé au calme, au sens élevé du discernement afin d’éviter toute amalgame dont les conséquences ne feront qu’aggraver la situation.
Maintenant, les questions qui sont posées au sein de l’opinion sont nombreuses:Comment le gouvernement va désarmer Dana Amassagou après son refus ?Va-t-il accepter sa condition de désarmer toutes les autres milices ?Va-t-il procéder par la force et ouvrir une énième front de résistance armée au Centre ?
Ousmane Dembélé
Source: L’ Aube