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Dr Abdoulbaki Diallo, député élu d’Ansongo : « Le peuple malien attend que nous fassions du Mali notre priorité »

Député élu dans la circonscription électorale d’Ansongo, Dr Abdoulbaki Diallo, ne mâche pas ses mots par rapport à la crise sécuritaire qui secoue notre pays. Inscrit à l’opposition, au sein du groupe parlementaire URD, l’honorable appelle ses camarades à faire du Mali leur unique priorité, tout en promettant de jouer sa partition pour que la paix et la sécurité reviennent au Mali. Interview.

L’Observatoire : Comment s’est passée votre première journée à l’A.N pour les formalités administratives ?

Honorable Abdoulbaki Diallo : C’est une journée ordinaire, nous avons été bien accueillis avec beaucoup de professionnalisme. C’est un début prometteur.

Vous êtes issu d’une base électorale qui a placé sa confiance en vous. Vous êtes désormais un élu du peuple. Qu’est-ce que cette base et le peuple malien peuvent attendre de vous pour l’épanouissement démocratique ?

Le peuple malien attend de nous que nous fassions du Mali notre priorité. La Mali, une priorité veut dire que, qu’on soit de la majorité ou de l’opposition, nous devons nous battre, pas pour notre propre profit, mais pour le Mali et le Mali seul. Quand je dis le Mali, je veux que posions des actions pour que demain et après-demain les Maliens puissent se sentir à l’aise. Nous devons travailler ensemble pour le Mali.

Je le regrette, je constate qu’au Mali, c’est ‘’chacun pour soi Dieu pour tous’’. Malheureusement, si nous devons continuer à nous battre, chacun pour son pain quotidien, le pays va s’effondrer. Et ce pain pour lequel nous nous battons va nous échapper. ‘’Je cherche ma part’’, c’est ce qu’on a l’habitude de dire aux gens. Mais il ne faut pas que cette part mette en péril le bien collectif, l’Etat. Si ‘’ta part’’ joue sur le pays, met en cause l’intérêt général, je pense qu’il faut freiner et changer de fusil d’épaule.

Les perspectives qui se dessinent pour le pays ne sont pas bonnes. Si on est arrivé là aujourd’hui, c’est qu’on a priorisé l’intérêt individuel par rapport à l’intérêt collectif. Cet aspect-là, nous allons le travailler.

Notre base, comme partout ailleurs au Mali, attend une paix, un chemin qui mène au développement, parce que sans paix, sans sécurité, il n’y aura pas de développement.

A Ansongo, les gens souffrent. Tous les projets de développement ne sont pas profitables aux populations parce qu’il n’y a pas de sécurité. On creuse des puits, les gens ne veulent pas aller puiser de l’eau, on fait des champs, les gens ne peuvent pas y aller, les marchés sont infréquentables. Si on crée un cadre idéal qui permet aux gens de mouvoir, d’aller chercher ce qu’ils veulent ferait le développement. On peut amener des sacs de riz,  des bidons d’huile, tant que les gens n’arrivent pas à trouver la sécurité pour l’épanouissement, exercer leurs activités économiques, on n’ira nulle part. C’est de ça qu’Ansongo a besoin, c’est de ça aussi que le Mali entière a besoin. Il faut tracer le chemin du développement. Pour ça, il faut beaucoup travailler sur la sécurité.

Le Mali, c’est aussi la crise sécuritaire, notamment dans le Centre et le Nord. Comment expliquez-vous cette situation ?

Tous ceux qui sont là pour la paix pensent pour le Mali. Qu’ils se donnent la main, se partagent les tâches pour ramener la paix. Si ce qui est fait jusqu’ici n’a pas ramené la paix, qu’on essaie de changer. Si on essaie un plan un an, deux ans, trois ans, qui n’a pas marché, qui ne montre pas d’espoir, il faut le changer. Franchement tout ce qui est fait jusqu’ici ne marche pas, cela ne fait que reculer le pays. N’ayons pas peur de le faire.

Par exemple dans la région de Gao, il était possible en 2012, en 2013  d’aller à Gao par son propre véhicule. En 2015, c’est impossible de le faire, c’étaient seuls les cars qui partaient chaque jour sur l’axe Bamako-Gao, jusqu’en 2016. Depuis 2017, c’est arrêté, même les cars ne peuvent plus aller chaque jour. C’est le système des escortes qui est instauré, qui, au début deux fois par semaine,  puis une seule fois par semaine, finit par disparaître. Aujourd’hui, on n’en parle plus, les cars ne partent plus, on peut faire un mois sans voir un car qui rentre à Gao.

Quand j’essaie de faire l’évaluation d’année en année, on ne fait que reculer. Maintenant, un autre système est mis en place, les cars s’arrêtent à Hombori, les  gens empruntent les petits véhicules pour arriver à Gao. Ça aussi va s’arrêter bientôt, quand l’insécurité va se déplacer à Hombori, les gens vont s’arrêter à Douentza, voire à Sévaré l’année prochaine. C’est complètement absurde. On ne peut plus continuer comme ça. Essayons de voir, sur chaque pan de l’économie, de la vie sociale ; l’analyse montre que chaque semaine précédente est mieux que la suivante, c’est dramatique.

En tant que représentant du peuple, quelle piste solution préconisez-vous ?

Certes, je ne suis pas un expert en sécurité. Mais, nous allons nous battre pour que cela change, avec toutes les bonnes volontés. Notre armée est en train d’adopter une posture que ne gagne pas, une posture un peu statique. Quand elle essaie de bouger, on obtient des résultats, mais cela ne dure pas, une ou deux semaines  de mouvement puis on arrête. Je ne sais pas ce qui explique cela.   Une armée doit avoir une posture offensive, il faut aller chercher l’ennemi au lieu de se faire attaquer. Jusqu’ici, on attend qu’ils viennent, ça ne nous apporte rien.

En tout cas, un soldat au front est là pour la vie ou la mort. C’est comme les médecins. Moi je suis médecin, le covid-19 est là, on ne peut dire qu’on attende que le covid-19 arrive dans nos familles avant d’aller le combattre. Non ! On est obligé d’aller dans les hôpitaux, faire des  investigations pour limiter la propagation. C’est ce que j’attends de l’armée, qu’elle sorte et qu’elle déstabilise l’ennemi, à qui des espaces extraordinaires sont laissés, qui ne profitent pas, qui donnent à l’ennemi le temps de s’organiser, d’organiser les attaques en toute tranquillité. L’ennemi est dans une zone où il sait que dans une semaine, un mois, personne ne viendra l’inquiéter.

Au début, j’ai l’impression que c’est limité, mais j’ai constaté que tous les vagabonds de l’Afrique de l’Ouest se réunissent au Mali parce qu’il y a tout, il y a du business : business de vol, de braquages. Tout cela marche au Mali plus que dans tout autre pays de l’Afrique de l’Ouest. C’est un pays où ils peuvent gagner beaucoup avec le banditisme, en plus du fait qu’il ait des djihadistes, des terroristes, des problèmes d’indépendance.

Vraiment, cette posture doit changer, l’armée doit aller investiguer, déloger l’ennemi.  Récemment, quand il y a eu l’attaque d’une unité de l’armée tchadienne, l’armée est sortie pour débusquer les bandits et sécuriser le pays. C’est comme ça qu’on doit faire, parce que s’elle n’attaque pas, l’ennemi va le faire.

Aussi, entre Maliens, il faut se parler. Il y a une crise de confiance entre les ethnies, qui n’est fondée sur rien. C’est juste une incompréhension, il n’y a aucune base justificative qui explique la méfiance entre les communautés. C’est à nous de parler aux gens. C’est un processus qui va prendre du temps, mais si on y travaille il peut prendre fin en moins d’un an ou deux, pour que les communautés, qu’elles soient du Nord, du Sud ou du Centre, puissent avoir confiance les unes aux autres.

Mais il faut, je le rappelle, travailler le côté sécuritaire pour isoler le banditisme qui fait plus de mal que le terrorisme. Dans les zones du Nord, ce ne sont pas les Maliens qui sont les plus bandits.

Un des vôtres, l’honorable Soumaïla Cissé, est toujours détenu par ses ravisseurs. Comment vivez-vous cette situation ?

C’est un drame. Un drame parce que le collègue Soumaïla Cissé est un espoir pour le Mali. C’est le chef de file de l’opposition, c’est un homme respectable. C’est dommage qu’il se retrouve dans cette situation. Ce que nous pouvons est de prier pour qu’il revienne sain et sauf. Il y a  beaucoup d’actions qui sont engagées de la part des autorités et d’autres acteurs, nous pensons qu’il sera parmi nous très prochainement. Ce n’est pas acceptable pour une démocratie. C’est le symbole de tout ce désordre que nous sommes en train de vivre.

J’ai fait la campagne à Ansongo bien qu’étant d’Ansongo, mais je n’ai pas pu me mobiliser dans un rayon de plus de 25 km.  Je suis cloitré presqu’en ville. Je connais la situation que vit la famille de Soumaïla. Mon père était détenu pendant plus de 10 jours. Je sais ce que l’attente peut faire dans cette situation. Le stress, je le sais, je suis solidaire de sa famille.

Votre mot de la fin

Je souhaite que les Maliens se retrouvent ensemble pour relever le pays, parce que ce qui se fait est déprimant. Il n’y aucune lueur d’espoir pour quelques années. Ce n’est pas facile pour quelqu’un qui a de l’amour pour le pays de vivre en Malien. Que Dieu nous montre la voie qui mène vers la sécurité, la paix et le développement.

Interview réalisée par Cyril ADOHOUN

Source: L’Observatoire

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