L’Institut Universitaire de Gestion (IUG) s’achemine très probablement vers une nouvelle grève, « très musclée », à en croire des sources proches des bureaux syndicaux (SNESUP-SNEC). Une mauvaise publicité pour l’école, mais aussi de sérieux soucis pour de nombreux bacheliers qui voudraient y poursuivre leur formation. « N’eût été le préavis de grève du Comité Exécutif du Syndicat national de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (CE-SNESUP), un préavis de débrayage serait déjà sur la table du ministre de la Fonction Publique », apprend-on auprès des deux comités locaux : SNESUP et SNEC, avant de préciser que « ce n’est que partie remise et dans très peu de temps ». Ce qui signifie que les hostilités devraient très probablement être lancées dès le mois d’octobre, période officielle de la rentrée universitaire.
De quoi s’agit-il ?
Le 18 mars 2019 les comités SNESUP et SNEC de l’IUG avaient déposé un préavis de grève portant sur les points de revendication suivants :
-La conduite d’un audit comptable et financier du compte bancaire parallèle Orabank ouvert par le Directeur Général, BadraMacalou ; des tests d’entrée 2017-2018 et 2018-2019 ; du DUT (diplôme universitaire de technologie)-Licence 2017-2018 et 2018-2019 ; des passerelles DUT-Licence 2017-2018 et 2018-2019 ;
-Le départ du D.G. de l’IUG.
Après l’observation de 48 heures de grève (1er et 2 avril), la commission de conciliation présidée par l’ancien ministre, le Pr YounoussHamèyeDicko, était parvenue à des points d’accord qui ont permis d’éviter la grève illimitée.
Concernant le premier point, à savoir la conduite d’un audit comptable et financier, le procès-verbal en date du 1er avril 2019 indique que « la partie gouvernementale ne s’oppose pas au principe. Elle est d’accord que l’audit de Orabank soit fait. La Direction de l’IUG s’est engagée à faire le compte-rendu des tests d’entrée, du DUT et des passerelles avec les Chefs de département et les syndicats à partir de l’année académique 2017-2018. Cette pratique sera perpétuée à l’avenir » (Point d’accord).
Sur le second point (le départ du D.G.), la commission indiquait que « cette question dépasse ses compétences ».
Aussi, même s’il n’y a pas eu d’accord sur ce dernier point, les comités syndicaux avaient mis de l’eau dans leur vin, espérant que le D.G. Macalou s’exécuterait sur le premier point qui n’est qu’une exigence de transparence et de bonne gouvernance, conformément, du reste, à ce que les autorités elles-mêmes chantent à longueur de journée.
Mais « fidèle à sa tactique d’être toujours d’accord avec tout et devant tous, sans toutefois rien changer à ses pratiques », le D.G. Macalou a complètement ignoré les résolutions de la commission de conciliation, comme si ce n’était qu’une banale causerie de « grin ». C’est cela qui ressort dans la correspondance en date du 03 septembre dernier adressée au Recteur de l’Université des Sciences Sociales et de Gestion de Bamako (USSGB) et signée du Secrétaire Général du comité SNESUP/IUG, Moussa Keïta. En voici un extrait : « Le SNESUP/IUG a l’honneur de vous informer que les cours des semestres 2 et 4 de l’année universitaire 2018-2019 de l’Unité de Formation et de Production (UFP –NDA : Cours du soir) ont débuté hier lundi 02 septembre 2019. C’est l’occasion pour nous de vous rappeler que les frais de cette formation étaient toujours versés dans le compte officiel de l’UFP, logé à la BDM.SA. Mais avec l’arrivée du Dr Macalou à la direction de l’IUG en 2016, il décida ipso facto et de façon solitaire, après avoir été démarché par certains agents de Orabank, de verser les frais de ladite formation au niveau de cette dernière banque. Ce contrat conclu avec Orabank est en flagrante violation des textes en vigueur du Ministère de l’Economie et des Finances, relatifs à l’ouverture, la clôture et la gestion des comptes bancaires publics, par le Directeur de l’Institut Universitaire de Gestion (IUG)…Il nous plaît de vous rappeler que le problème du compte Orabank était inscrit parmi les points d’un préavis de grève. Lors de la médiation, il a été convenu de faire un audit de ce compte. Le rectorat s’était engagé de mener ledit audit. Par ailleurs, le Directeur de l’IUG lui-même s’était engagé à fermer ce compte. Mais le SNESUP/IUG constate avec surprise qu’aucune de ces conclusions n’a été appliquée. C’est pourquoi nous venons auprès de vous pour vous demander d’intercéder auprès du Directeur de l’IUG pour fermer le compte Orabank, et que les frais de formation soient versés dans le compte BDM de l’UFP… ».
Qui protège Macalou ?
Macalou foule au pied tous les textes sans qu’aucune autorité supérieure ne daigne prendre ses responsabilités.
En effet, dans une lettre en date du 15 novembre 2017 (lettre N°0491/USSGB-R-SF), le recteur de l’époque, Pr Samba Diallo « accuse réception de la lettre confidentielle, non datée, me demandant la reconstitution des différentes lignes de crédits suivant le compte ORABANK n°05613500201-70.[…] Il me semble important de vous rappeler que la procédure exige que les recettes recouvrées sur quittance doivent être versées dans le compte principal de l’Université sans transiter par un autre compte.[…] Il est aussi important de vous rappeler que l’UFP disposait dans un passé récent de plusieurs comptes bancaires. Cette multiplicité de comptes bancaires au nom de l’UFP, en dehors du compte principal de l’IUG qui l’abrite, était aussi à la base des dysfonctionnements que l’Université a vécus un moment dans sa gestion. La recherche de solutions aux problèmes évoqués a conduit à la prise de textes règlementaires.[…] Le souci de recentrer toutes les opérations de l’UFP dans un seul compte, avant de basculer dans le compte unique de l’IUG, a conduit à la fermeture de tous les autres sauf celui domicilié à la BDM.SA… ».
Le 29 novembre 2019, le Secrétaire Général du Rectorat, Idrissa Senou (le Recteur P.O.) transmettait au D.G. Macalou, « pour dispositions à prendre », la Lettre n°05024/MEF –SG du 22 novembre 2017 relative à l’arrêté N°2018-2082 / MEF –SG du 15 juin 2016 fixant les règles d’ouverture, de clôture et de gestion des comptes bancaires publics.
Le Rectorat avait reçu ledit document de sa hiérarchie, en l’occurrence le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique « pour attribution » aux différentes structures concernées.
Le ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique traduisait donc en acte la lettre de son collègue de l’Economie et des Finances, Dr Boubou Cissé, portant sur l’arrêté N°2016-2082 sus-indiqué et demandant à tous de prendre les dispositions nécessaires pour assurer le strict respect de cet arrêté. Entre autres, indiquait Boubou Cissé, « Il m’a été donné de constater qu’au Mali, il existe une multitude de comptes ouverts dans les banques commerciales au nom des organismes publics. Une proportion importante de ces comptes a été ouverte sans respect des dispositions réglementaires en la matière…Aussi, cette multiplicité des comptes bancaires publics est-elle en contradiction avec les dispositions de l’Arrêté n°2016-2082/MEF-SG du 15 juin 2016 fixant les Règles d’ouverture, de clôture et de gestion des comptes bancaires publics. Aux termes de l’Article 3 dudit arrêté, sont déposés dans un Compte Unique du Trésor Public ouvert dans les livres de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). De plus, selon le même Arrêté, « Conformément aux dispositions du règlement général sur la Comptabilité Publique, le ministre chargé des Finances est seul habilité à autoriser l’ouverture d’un compte bancaire public, après avis du Directeur National du Trésor et de la Comptabilité Publique» (Article 8 de l’Arrêté n° 2018-2082).
ORABANK viole la loi des années durant
L’article 10 du même arrêté stipule qu’ « il est formellement interdit à toute banque de procéder à l’ouverture de compte au nom d’une entité publique ou assimilée, sans autorisation préalable du ministre en charge des finances. Tout compte irrégulièrement ouvert ne peut faire l’objet de régularisation par le ministre chargé des finances, ni d’approvisionnement par les comptables du Trésor. Toute banque qui procéderait à l’ouverture de compte au nom d’une entité publique en l’absence de l’autorisation prévue à l’article ci-dessus [art.11] sera tenue de procéder concomitamment à la clôture du compte irrégulièrement et au virement de son solde au compte courant du Trésor à la BCEAO ».
Beaucoup de culot, et donc forcément beaucoup de dessous et de sous ?
La question que l’on ne cesse de se poser à l’IUG est la suivante : « Comment, malgré les textes et toute cette panoplie de correspondances d’information et de rappel, le D.G. Macalou ne s’exécute pas ? ». Pour les uns, il y a anguille sous roche ; pour les autres, il ne faudrait pas chercher midi à quatorze heures, Macalou ne saurait agir ainsi sans de nombreuses complicités placées à différents niveaux de l’échelle administrative. Qui sont ces personnes ? L’audit exigé par les syndicats SNESUP et SNEC devraient lever le voile sur de nombreux visages ; d’où le manque d’empressement à ordonner cet audit, et ce, malgré la succession de ministres à l’Enseignement supérieur et l’arrivée d’un nouveau recteur. La longue vie du D.G., qui ne peut plus compter sur l’ancien comité local SNESUP balayé et qui était à ses bottes, ne devrait donc finalement s’expliquer que par son respect de cette règle des Mafieux qui veut que, « pour vivre vieux dans le monde du crime organisé, il faut savoir partager ». Comme à la Bakary Togola – actualité oblige – : « A yédjôni di u ma » (‘’Donnez un peu [à manger] aux opposants’’, sous-entendu pour qu’ils se taisent !).
A l’IUG, on est amer. Non seulement l’Etat a exproprié les enseignants de leur création (l’UFP), mais aussi, ceux-ci sont en train de trimer au profit de fonctionnaires véreux tapis dans l’ombre, qui font semblant de rappeler le D.G. à l’ordre, sans réellement vouloir qu’il change les choses, le gâteau profitant à tous. Sauf à l’école productrice (qui manque de tout, même du plus élémentaire, à savoir les salles de classe) et à ceux qui font marcher la « vache laitière ». Il se murmure que même le cabinet de Me MountagaTall a l’habitude de recevoir quelque 80 millions, quand celui-ci était ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique. Allez savoir !
Perspectives
« Puisqu’aucune autorité ne veut s’assumer, nous, nous prendrons nos responsabilités à deux mains. Nous ne demandons que le respect des textes et des engagements. C’est curieux voire révoltant de voir que ce sont les autorités elles-mêmes qui marquent le pas quand il s’agit de faire respecter la loi », s’indigne –t-on dans le milieu syndical. Dans tous les cas, ajoute –t -on ; « Nous entreprendrons tout pour atteindre nos objectifs, que cela passe par des manifestations, des sit-in, une grève illimitée, la poursuite en justice de Macalou et de Orabank… »
On n’oublie pas les tablettes
Par ailleurs, indique – t –on, une lettre de dénonciation devrait être très prochainement adressée par les syndicats au Premier ministre au sujet d’un deuxième cas de vol des fameuses « tablettes IBK ». Le chef du gouvernement avait déjà reçu une première lettre après le premier vol. Comme si cela ne suffisait pas, un deuxième vol est intervenu, pour lequel deux pauvres vigiles, visiblement des victimes expiatoires, font les frais à la prison centrale. Preuve que le D.G. Macalou n’a aucune considération même pour le président de la République, s’il peut se permettre de perdre à deux reprises des cadeaux présidentiels destinés aux étudiants. La bonne gouvernance, dites-vous ?
A.N’djim
LE POINT DU MALI