Chez les mandingues, ‘’djalaki’’ est à la fois tort et accusation. Ambé IBK djalaki) ! ‘’Ambé dina gnê môgow djalaki.’’ Ambé l’Imam Dicko djalaki si…. ! Ambé Malienw djalaki !
«La nation est comme un intérêt égoïste de tout un peuple, en ce qu’il a de moins humain et de moins spirituel». Rabindranath Tagore.
Il y a deux passions qui ont une puissante influence sur les affaires des hommes. Ce sont l’ambition et l’égoïsme ; l’amour de la puissance et l’amour de l’argent mis devant les yeux de telles personnes, un poste d’honneur qui coïncidera avec une place d’intérêts et ils remueront ciel et terre pour l’obtenir. La multitude de places et de fonctions de ce genre ont rendu le gouvernement instable. Voici la véritable source de tous les actes qui divisent la nation et détruisent les institutions.
Nous prenons encore notre calame pour nous exprimer humblement, mais à hauteur de voix d’adulte, sur ce qui se joue dans ce Mali qui a fini par devenir le calque pâli de la Grèce. Oui, le Mali, c’est comme la Grèce : ils ont en commun un passé glorieux (la Grèce antique et l’Empire du Mali) mais une actualité affadie.
Encore que, dans le cas du Mali, le nom qui fait son histoire pouvait être porté par tout pays de l’Afrique de l’ouest. Bref ! Il me plaît ici de remuer la tombe de l’un des valeureux fils de ce Mali contemporain, Mohamed Lamine Traoré, intellectuel de haut vol qui assénait déjà ceci : «Le Mali doit arrêter de vivre à travers l’illusion de son histoire et de son passé glorieux».
Une crise n’est ni le fait du hasard ni de la fatalité, elle est la somme de la défaillance de prévisions ou de réflexions, elle est l’inertie devant les défis à façonner ou à adapter notre histoire aux réalités actuelles et futures. Une crise est aussi un bouc émissaire en ce sens qu’elle est cette étincelle qui réveille les rancunes et les rancœurs qui somnolent en nous.
Cependant une crise est aussi une aubaine. Elle nous exige de nous remettre en cause, elle enquiquine notre résilience, elle questionne notre intelligence. Finalement, une crise nous offre de nouvelles opportunités à repartir sur de nouvelles bases plus solides tout en nous fourbissant des armes nouvelles et de l’expérience.
Le Mali est-il à la lisière du précipice ?
En physique, la masse critique est la taille limite à laquelle une réaction nucléaire se déclenche. On utilise ce terme dans divers domaines, dont la politique. Lorsque la situation atteint ce seuil, quel que soit le domaine dans lequel nous nous trouvons, les bornes sont franchies. Elles le sont physiquement, émotionnellement et psychologiquement. C’est l’étape périlleuse, c’est l’étape qui annihile la raison et obstrue la faculté de l’intellect, la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Gustave le Bon, dans son étude sur la psychologie du groupe, martèle que la masse a son entité psychologique propre, qui est distincte de la somme de celle de ses éléments pris individuellement. Dès cette entité formée, elle est comme un troupeau lancé à vive allure presque impossible à freiner. Toute force qui s’y essaie, même avec hauteur de vue et raison, se verrait combattue par la «meute» et désignée comme l’ennemi public. Cette paralyse de l’analyse est la porte ouverte à la reddition d’autres situations préjudiciables.
Chez les mandingues, ‘’djalaki’’ est à la fois tort et accusation. La situation du Mali est le fait d’une suite de mauvaises décisions et de mauvais leaderships politiques depuis l’entame de sa prétendue démocratie. Les accusations et les torts peuvent être distribués à tour de bras.
Oui le président Ibrahim Boubacar Keïta a hérité d’un pays en lambeau, un pays qui avait perdu son âme, défiguré et affaibli. Pour objectivement l’accuser, il faut tenir compte de ces réalités. Mais à la fin de la journée, le président IBK ne peut se disculper aux responsabilités qui sont les siennes. Donc nous accusons IBK (Ambé IBK djalaki).
Nous l’accusons d’avoir conduit le pays allègrement vers cette masse critique, vers cette perception de non-Etat. Nous l’accusons de l’absence de cette communion qu’il aurait dû avoir avec son peuple désemparé. Monsieur le président, où sont passé la majorité qui vous a soutenue a près de 80% en 2013 et le capital sympathie qui a auréolé votre seconde élection ? Monsieur IBK, avez-vous un appareil politique véritablement ? Comment expliquez-vous que vous soyez toujours sur la défensive et que votre autorité soit bafouée quotidiennement ?
Devant cette crise suscitée par vos anciens amis d’hier, quelles sont vos propositions pour désamorcer la minuterie qui trottine ? En politicien madré, vous savez que le bilan d’un pouvoir est l’ensemble de faits matériels et immatériels qui se produisent pendant son magistère. Président, beaucoup de faits n’ont pas commencé avec vous certes, mais vos réponses et votre gestion de certains nous ont laissés dubitatif et pantois ! M. IBK, la communication est l’épine dorsale de la politique, votre communication au mieux n’existe pas, au pire elle est l’agent mortifère de votre pouvoir !
Le point de non-retour, ai-je dit, est un moment-charnière. Comment apercevons-nous cette abscisse ? Il se concrétise par un nombre croissant de personnes qui nient tous vos atouts, qui édulcorent vos mérites, qui transforment en passif vos acquis au point où même vos fidèles, vos affidés hésitent à vous défendre. Vos détracteurs s’amplifient en nombre et en voix. Il se réalise contre vous une union sacrée d’honnêtes gens et de bien peu recommandables personnes, une communion de citoyens bien intentionnés et une camarilla avide de pouvoir et d’honneur. C’est le moment où la passion et l’émotion deviennent maîtresses, elles dictent le chemin et le tempo de la révolte. C’est le moment de tous les dangers, de toutes les dérives, de toutes les aventures.
Monsieur le président, prenez dare-dare la direction du navire, naviguez en sens opposé du point de non-retour, afin de nous ramener à bon port. Monsieur le président, vous êtes le seul qui, légalement et légitimement, peut et doit nous sortir de cette crise.
La manipulation consciente et intelligente de l’opinion des masses est un des éléments les plus importants de la société démocratique. Ceux qui savent s’en servir sont la véritable force dirigeante de ce monde. Pour y parvenir, que n’utiliseraient pas certains ?
Dans le monde politique, ce que l’on laisse voir et ce que l’on laisse entendre s’apparentent à de la chimère, à l’histoire de l’iceberg. Ceux qui s’agitent dans la dénonciation de la mal gouvernance au Mali sont-ils tous animés d’intentions nobles et de sentiments patriotiques ?
Le départ du président par tous les moyens, y compris par coup de force (coup d’Etat) que réclament, sans ambages et ouvertement, certaines têtes couronnées entre voit-il des lendemains calmes pour ce pays ? C’est ici que l’apport des doués d’intelligence, des intellectuels et des sages devient absolument pertinent. Que ceux-ci se souviennent qu’ils sont toujours compromis qu’ils se taisent ou qu’ils prennent position !
Les coups d’Etat dans ce pays n’ont jamais rien résolu. Au contraire, ils ont perpétué pire que ce qu’ils ont prétendu bouleverser, ça c’est l’histoire du Mali. Or, quelle que soit la méthode du départ de ce président, dès qu’elle ne respecte pas les normes constitutionnelles, c’est un coup d’Etat, ce que nous condamnons vigoureusement !
Le discrédit dont «jouit» la classe politique malienne nous conforte dans cette position. Cette inimitié de ces prestidigitateurs a fait naître chez nos religieux, d’abord la nécessité de jouer les remparts et, aujourd’hui, de s’inviter sur le champ politique. Comme l’instinct de survie, les espoirs déçus par la classe politique traditionnelle a fini par pousser crescendo le citoyen dans les mains ouvertes des imams !
Faut-il rappeler que la laïcité a une histoire fondée avec l’Eglise et non avec la Mosquée à ceux qui brandissent cette doctrine comme un frein à l’immixtion de ces derniers dans l’arène politique ? Cependant, il est primordial de noter que les mêmes causes produisent les mêmes effets. C’est la politisation «des hommes de Dieu», en Europe, qui a suscité un sentiment de rejet des religieux et de l’Eglise.
‘’Ambé dina gnê môgow djalaki.’’
Ensuite, et c’est fondamental, le Prophète Mohamed (SAW) fut un homme d’Etat, un chef religieux, un chef militaire qui était sous la dictée directe de Allah (Soubhana Wa Tallah) et qui n’avait cure que des délices de l’au-delà. Nul ne peut affirmer que chez nous, nos «hommes de Dieu» ne sont pas de connivence avec des hommes politiques pour se servir les uns des autres sur le dos et la naïveté du peuple pour les délices de ce bas monde ‘’Ambé dina gnê môgow djalaki.’’
Nous accusons nos religieux du rôle trouble qu’ils ont joué depuis bien longtemps dans la sphère du pouvoir temporel, ils ont souvent fait et protégé les artisans de la corruption, de la mauvaise gouvernance, des trafics de tout genre quand ils n’ont pas été les véritables acteurs. Nous les accusons de mettre notre pays sous la coupe rangée des influences étrangères selon la ‘’tariqa’’ ou les branches qu’ils défendent, nous les dénonçons pour le climat délétère qu’ils ont aidé à installer et qui nuit visiblement à la santé économique, physique et morale de la société malienne. Voyez ! La ‘’djellaba’’ de ces derniers est maculée de taches visibles !
Ambé l’Imam Dicko djalaki si…. !
En 2002, lorsque l’ancien président A.T.T. sondait l’opinion avant de se déclarer candidat à la présidence, nous étions parmi ceux-là qui avaient soutenu que c’était une grave erreur car la prééminence qu’il avait obtenue dans le cliché populaire des Maliens pour son présumé rôle dans les évènements de 1991 ne pouvait qu’être ternie par une présidence, fût-elle de la République. Quand on a parlé à Dieu, que dire à Ses anges ? Hélas !
Aujourd’hui, l’Imam Dicko qui s’est installé dans la conscience collective du peuple comme celui qui parle vrai au pouvoir, est tenté faire le saut vers le pouvoir. Nous pensons que son aura peut servir mieux le Mali en étant celui qui veille au grain, celui qui reste la conscience du peuple et le ‘’whistle –blower’’ pour le pouvoir. En deçà de cela ou au-delà de cela, nous l’accuserons (Amba djalaki).
Ambé Malienw djalaki !
Et je finirai par accuser ce peuple (Ambé Malienw djalaki) par la déclaration de James Madison faite le 6 Juin de l’an 1787 : «Toutes les sociétés civilisées seraient divisées en sièges, en factions, et en groupes d’intérêts entre riches et pauvres, entre débiteurs et créditeurs…… entre les habitants de ce district et ceux de l’autre, entre les suiveurs d’un tel leader politique et ceux d’un autre, entre les disciples de ce leader religieux ou secte et les disciples de cet autre leader religieux ou secte, en tout cas, partout où une majorité est unie par un intérêt commun ou une passion commune, les droits de la minorité sont en danger».
Haidara Chérif.