L’allocution du chef de l’État était attendue dans ce contexte d’incertitude et de psychose général. Avec des mots sincères, le président a tenu à rassurer et surtout à lever les doutes sur l’engagement ferme de l’État dans cette lutte contre le COVID-19. Il a annoncé quelques mesures, en apparence rassurantes mais aux portées si insignifiantes qu’on pourrait les qualifier de mesurettes pour “flouer”.
S’agissant d’abord des dispositions imaginées pour éviter la propagation du virus, les décisions contradictoires prises, amoindrissent les chances d’une prévention efficace. En effet, comment pourrait-on concilier les mesures de confinement partiel (couvre-feu, fermeture des lieux publics….) avec le maintien du second tour des élections législatives?
Ensuite, on nous promet des réductions sur nos factures d’électricité mais en réalité, le “flou” qui entoure la détermination des bénéficiaires fait douter de la sincérité de l’annonce faite. Il convient de signaler, au passage, que la plupart des personnes pouvant tirer profit d’une telle générosité n’ont pas accès à l’électricité ni à l’eau du robinet.
Enfin, en ces temps de crise alimentaire récurent, de crise sanitaire en perspective et de crise sécuritaire, les maliens auraient bien besoin d’un pouvoir d’achat nettement amélioré. Le gouvernement aurait-il oublié que la majorité des maliens est plus préoccupée par la possibilité d’offrir une assiette de riz aux enfants que le paiement de la facture d’électricité ou d’eau?
Il y a fort à parier que cette mesure a été prise par mimétisme, le résultat d’une solution copiée et collée sans réflexion préalable ou par méconnaissance des réalités locales. Cela est d’autant plus vrai que la mesure consistant à distribuer des céréales à des personnes “vulnérables”, est une injure au peuple. Avec 60 000 tonnes de céréales, la moitié de la population malienne aurait moins de 10 kilos de vivre par personne. On sait, par ailleurs, que même avant la crise sanitaire plus de 5 millions de personnes étaient en insécurité alimentaire.
L’annonce du déblocage de 500 milliards pour soulager le peuple, donne un espoir surréaliste. Si ces fonds existaient réellement, pourquoi a-t-on sacrifié l’école malienne pour quelques dizaines de milliards au lieu de mettre les enseignants dans leurs droits ? En outre, l’idée d’un fonds de garantie du secteur privé, louable en apparence, est trompeuse. Les acteurs de ce secteur évoluent en très grande majorité dans l’informel. Cela ne garantit nullement leur accès au crédit bancaire, encore moins à des subventions.
Mais au-delà du doute sur la possibilité d’un tel déblocage, le malien pourrait bien questionner la sincérité de l’égal partage des fonds. Va-t-on assister à l’émergence de nouveaux riches, ceux qui, par leurs relations, pourront profiter des marchés juteux en perspective ? Nul n’ignore que l’administration publique est remplie de responsables, “chefs d’entreprises privées”, à l’affut de tous marchés juteux. Il en est de même pour l’assemblée nationale dont la plupart des membres sont des opérateurs économiques privilégiés. Nous, maliens, sommes donc en droit de douter de l’impact des mesures annoncées dans la lutte contre cette pandémie qui pourrait bien affaiblir d’avantage nos populations.
En propos conclusifs, nous ajouterons que nous avons écouté un homme sincère, simple et engagé mais qui n’est, vrai semblablement, pas outillé pour nous sortir de cette crise. Avec un gouvernement qui a toujours embrassé la logique de gestion de crise au lieu d’anticiper. “Boua”, vous avez du pain sur la planche !
Dr Moussa Dougouné
Source : Journal Le Pélican- Mali