Ils étaient des centaines de milliers des maliens à la place de l’indépendance le vendredi 5 juin 2020, pour répondre à l’appel de la CMAS, du FSD, de la PCC, du SADI, du RPDM et de l’EMK. Ce meeting géant avait pour objectif principal de demander au Président de la République de rendre sa démission, à son fils Karim Keita de faire autant à Mme Manassa Dagnoko, présidente de la Cour Constitutionnelle de partir et au gouvernement de se démettre.
C’est dans une place de l’indépendance bondée de monde que les leaders politiques et de la société civile des différentes organisations ont aminé leur meeting. Devant des milliers de maliens acquis à leur cause, l’Imam Mahmoud Dicko et ses co-initiateurs ont d’abord dépeint la situation socio-politique du pays avant de demander à celui qui est à la base de cette situation qu’ils ont qualifié de chaotique de démissionner. Sans détours, ils ont estimé que pendant sept ans le Mali est devenu la risée du monde. L’insécurité va grandissante, la crise scolaire s’est crispée pour devenir endémique, la crise politique s’exacerbe au point de devenir la fabrique de la démocratie malienne. La crise politique a tout simplement fragilisé nos institutions, la crise sociale avec son corolaire d’extrême pauvreté, de misère et de maladie, la corruption et le népotisme sont devenus la règle de gouvernance. Le tableau est loin d’être exhaustif. C’est fort de ce constat à la fois grave et inadmissible que certaines organisations sociopolitiques ont décidé d’agir au nom d’une frange importante du peuple en demandant à l’autorité suprême dans une République démocratique, à savoir le Président de la République de démissionner pour permettre au peuple souverain, le seul détenteur du pouvoir, de prendre son destin en mains. Ils sont allés loin en donnant un ultimatum au Président de la République, qui a certes expiré sans qu’il ne rende sa démission, mais qui a eu l’avantage de prouver aux gouvernants que c’est loin d’être une partie de plaisir.
IBK va-t-il donner satisfaction aux manifestants ? Nul ne saurait donner une réponse exacte à cette question, mais on pourra faire des hypothèses pour non seulement éviter le scénario de 2012, mais aussi et surtout pour sauver la République d’une partition certaine en cas de crise institutionnelle au sud. La première hypothèse serait, à défaut de démissionner lui-même, il pourrait dissoudre l’Assemblée, le Gouvernement et la Cour Constitutionnelle, conformément aux vœux des manifestants. La deuxième hypothèse serait de garder l’Assemblée comme telle, mais en formant un gouvernement d’union nationale avec à sa tête un Premier ministre issu du rang de l’Opposition au régime. La troisième hypothèse serait d’organiser des élections présidentielles anticipées en étant pas lui-même candidat pour transmettre le flambeau sans être humilié. Le Président de la République en balayant d’un revers de main toutes ces hypothèses et en refusant de démissionner comme demandé par les frondeurs qu’est ce qui pourra advenir ? En cas de rejet de toutes les hypothèses, IBK court le risque d’être chassé comme ATT et en ce moment il perdra doublement. Il n’aura ni gloire, ni privilège et encourra des lourdes peines si jamais il est jugé par ses adversaires.
En somme, si tant est qu’il dit n’être pas fou du pouvoir, mais du Mali, il doit écouter la voix du peuple. IBK doit donner une suite favorable aux revendications des manifestants qui ne pourraient pas tous être ses ennemis.
Youssouf Sissoko