Le jeudi ,16 mai 2024, beaucoup de maliens ont été très surpris de voir le Premier ministre poser un acte inédit, en présidant la cérémonie officielle de dépôt de fleurs sur la tombe de feu Modibo Keita, premier Président du Mali. C’était à l’occasion de la commémoration du 47ème anniversaire de la mort de ce dernier. Cet acte venant de quelqu’un se réclamant depuis plus de 30 ans de l’héritage du Général Moussa Traoré, le tombeur et responsable de la mort de Modibo Keita, est-il sincère ? Quel est son objectif?
Après l’épisode de son livre controversé “Le Mali….ma vie” qui a suscité beaucoup de réactions contestant plusieurs parties du document, Dr Choguel Kokalla Maïga nous revient en cette deuxième quinzaine du mois de mai avec un autre épisode. Il s’agit de la commémoration du 47ème anniversaire de la disparition du premier Président du Mali indépendant. Habillé dans le style de Modibo Keita, il a déposé une gerbe de fleurs sur la tombe de ce dernier. Un geste de reconnaissance du patriotisme de l’illustre disparu par celui qui se réclame depuis 30 ans de l’héritage du régime civilo-militaire de feu Général Moussa Traoré. En déposant cette gerbe de fleurs, on peut déduire que c’est le représentant du bourreau qui regrette son acte devant l’histoire. Ce geste du Président du MPR abonné aux actes politiques incompréhensibles, mais que l’on peut analyser pour en déduire les vraies raisons.
Faire oublier les passages de son livre contestés par plusieurs personnalités
L’une des raisons de cet acte pourrait être un moyen pour faire oublier au niveau de l’opinion nationale les contre-vérités relatives à beaucoup de parties de son livre. En effet, suite à la publication de son livre qui retrace son parcours professionnel et politique et surtout ses relations avec les différents chefs d’Etat, beaucoup de personnalités ont réagi en traitant de mensonges les passages du livre les concernant. Si l’une des réactions les plus virales a été celle de Dr Soumama Sako, celle de Seydou Cissouma, ancien Directeur de cabinet du Président ATT, publiée courant la deuxième semaine de ce mois de mai, a sérieusement remis en cause les allégations de Dr Choguel quant à ses relations avec feu ATT. Dans le livre, le Premier ministre a affirmé que le Président ATT en le nommant Ministre de l’Industrie et du Commerce a dépouillé le département de plusieurs prérogatives. Et Choguel d’ajouter qu’à ce poste, il a mené et gagné l’épique bataille du coton au sein de l’OMC. Et qu’à la suite de cette victoire, le Mali a reçu un appui financier de 250 milliards de francs CFA dans les négociations commerciales internationales entre 2003 et 2006.
A ces allégations, Cissouma a réagi en ces termes : « Et la vérité est que le Président ATT n’a rien ôté aux prérogatives de son ministre du Commerce et de l’industrie dont la nomination tenait plus du symbole que d’une représentativité politique. De la même manière, la fidélité aux faits incline à dire qu’aucun chef d’Etat africain, encore moins un ministre, n’a autant fait qu’Amadou Toumani Touré pour défendre les cotonculteurs africains et accabler les pays développés pour leurs subventions, facteur de distorsions de concurrence sur le marché mondial ».
Par rapport à son passage au Comité de régulation des télécoms (CRT), l’auteur du livre écrit ceci par rapport à ATT : « Pourtant, réélu, Amadou Toumani Touré m’a relégué dans un garage, le CRT, que j’ai réussi à transformer en une institution qui est enviée par ses homologues de la sous-région, l’AMRTP. J’ai prolongé la réhabilitation du CRT en créant, après l’AMRTP, l’AGEFAU ».
En réaction à cette allégation, l’ancien Directeur de cabinet d’ATT a indiqué que : « Depuis quand un Directeur général décide-t-il la mutation d’un Comité de régulation des télécommunications en Agence de régulation et cela sous le magistère d’un chef de l’Etat qui a décidé de lui mener la vie dure ». La création de l’AMRTP tient trivialement à la mise en œuvre des diligences de la libéralisation du secteur des télécommunications, datant déjà de l’exercice du Président Alpha Oumar Konaré. L’environnement concurrentiel à naître avait besoin d’un arbitre doté de plus de pouvoirs et de capacités. Il n’est pas superflu de rappeler que la propension de l’auteur à s’attribuer un rôle pionnier ou modèle dans la régulation ne résiste pas à l’analyse. L’ARTP au Sénégal a été créée en 2006, l’ARCEP du Burkina Faso en 2008, soit respectivement 5 et 3 ans avant la naissance de l’AMRTP en 2011, notre orgueil dût-il en souffrir”. En somme, Cissouma traite Choguel d’adopter une position victimaire. Ainsi, de telles réactions ajoutées à celles d’une éminente personnalité reconnue pour sa rigueur et son honnêteté ont mis à mal le contenu du livre de Dr Choguel Kokalla Maïga. Du coup, son image se trouve négative au sein de l’opinion nationale. Autrement dit, le livre a plutôt desservi son auteur.
En politicien rusé, le Président du MPR a saisi l’occasion de la commémoration de la mort de Modibo Keita pour se donner une nouvelle image auprès du peuple, celle d’un rassembleur, d’un patriote, d’un réconciliateur. Le peuple va-t-il se laisser prendre dans ce jeu politique trouble du Premier ministre? Le temps pourra nous donner une réponse claire.
A rappeler qu’après son arrestation, le 19 novembre 1968, par le lieutenant Moussa Traoré et ses frères d’armes, Modibo Keita a été transféré dans une petite cellule située dans le Fort de Kidal, dans l’extrême nord du pays. Quelques années plus tard, “l’oiseau blanc” (nom codé attribué à lui par les tenants du pouvoir de l’époque) fut ramené à Bamako dans le camp des parachutistes de Djicoroni-Para d’où il trouva la mort, le 16 mai 1977, dans des conditions troubles.
Cyrille Coulibaly