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Déplacés internes de Faladié : La mendicité compromet l’éducation des enfants

Les ONG et les bonnes volontés font beaucoup d’efforts pour l’éducation des enfants dans les camps des déplacés internes. Cependant, la mendicité, favorisée par la faim et la pauvreté des parents, compromet ces efforts.

 Nous sommes vendredi, dernier jour ouvrable de la semaine. Il est 9 h. Les cours n’ont pas encore commencé dans l’une des écoles de fortune du site des déplacés internes de Faladiè. L’encadreur, Francis Tiénou, est assis dans une classe aux trois-quarts vide. A l’aide d’un seau d’eau et d’un chiffon, un jeune garçon essuie les tables-bancs. D’autres s’amusent sur une balançoire de fortune.

L’école, constituée d’une cour, d’un hangar en toit de taule entouré de paille, est située en plein cœur du site. Elle a été construite par des personnes de bonne volonté maliennes et étrangères. Le hangar est divisé en deux cohortes : les niveaux avancés et les débutants.

Quelques minutes plus tard, l’encadreur est contraint de commencer les cours avec cet effectif. Il donne des exercices à chacun des groupes. Alors que ses camarades sont en plein cours, Amadou Diallo, qui rêve de devenir médecin, entre en classe vers 10 h. Il rejoint son groupe de niveau avancé.

Le motif de son retard ? Il était parti à une commission de ses parents, selon ses explications. Il existe une autre explication possible mais qu’il va difficilement admettre. Comme lui, d’autres arrivent plus en retard. D’autres encore ne sont tout simplement pas venus. Il est possible qu’ils soient partis mendier.

“Ma classe se vide les vendredis”, avoue M. Tiénou. Cet encadreur en poste à cette école depuis 2019 se montre indulgent vis-à-vis de l’attitude de ses élèves. “Les vendredis, beaucoup d’enfants du site partent se promener à la Tour d’Afrique ou dans les quartiers environnants pour demander l’aumône. En venant, je vois beaucoup de mes élèves parmi eux. Je ne leur en veux. Je les comprends. Leurs parents sont pauvres et n’ont souvent rien à manger à la maison. Mais quand je demande à ces élèves la raison de leur retard, ils me disent qu’ils étaient partis à une commission de leurs parents. Il y a des enfants qui font deux jours sans venir. Leurs parents les envoient chercher des ferrailles, des plastiques, des sachets plastiques, etc. sur des tas d’ordures qu’ils vendent ensuite pour subvenir à leurs besoins”, souligne l’encadreur.

Et d’expliquer : “La base dans cette école, c’est l’alphabétisation. J’apprends à lire et à écrire aux enfants. On sélectionne ensuite les meilleurs élèves et on les envoie à l’école publique, notamment l’Ecole fondamentale de Faladiè-Séma. Selon leur niveau, on les inscrit en 1re, 2e ou 3e année. L’âge des élèves va de 5 à 14 ans. Il y a parmi eux des enfants déscolarisés dont nous rehaussons le niveau, mais beaucoup commencent à zéro. Ce qui rend difficile leur apprentissage. La solution que j’ai trouvée est de les regrouper par niveau”.

Mendiants par habitude

L’Ecole fondamentale de Faladiè-Séma accueille bon nombre des élèves du site de Faladiè, une fois qu’ils quittent les centres d’alphabétisation. “Nous recevons ces élèves chaque année. Le bureau du développement social et de nombreuses ONG, en passant par le Cap, nous amènent ces élèves. Cette année, nous avons reçu 45 élèves venant du site de Faladiè”, nous confie Mme Koné Sara Guirou, directrice de l’Ecole de Faladiè-Séma A.

Pour la directrice, ces enfants qui viennent des sites sont pour la plupart intelligents. Le premier de la 4e année est un déplacé, étaie-t-elle ses propos. “Faute de moyens dans la famille, ils sont obligés de faire ces choses pour aider leurs parents. C’est très fréquent de les rencontrer en grand nombre dans le quartier. La mendicité est devenue une habitude pour ces enfants. Nous les comprenons et nous les acceptons dans les classes malgré leur retard. Ce sont des enfants fragiles qui ne supportent pas la pression. Quand tu leur mets ne serait-ce qu’une petite pression, ils abandonnent. Chaque fois, nous les encourageons à venir en leur expliquant les avantages des études. Les enfants déplacés sont exemptés de tout paiement hormis la tenue scolaire. Et même là, on ne chasse aucun enfant de déplacé parce qu’il ne porte pas de tenue. Cette année, l’ONG Adecom a acheté 22 tenues pour les enfants des déplacés”, compatit Koné Sara Guirou.

L’aide incomplète des partenaires

Le Mali traverse une crise multidimensionnelle depuis 2012 entrainant un déplacement massif de la population et la fermeture de dizaines de milliers d’écoles. Selon le cluster éducation, 1722 écoles étaient fermées à la fin de l’année scolaire 2022-2023, dont 1545 en raison de l’insécurité, touchant 516 600 enfants.

La matrice de suivi des déplacements (DTM) de mai 2024, publiée par l’OIM et le ministère de la Santé et du Développement social, rapporte que 330 713 personnes sont déplacées à l’intérieur du Mali, soit 87 623 ménages. D’après l’Unicef, plus de la moitié de ces déplacés sont des enfants.

Face à ces chiffres alarmants, les partenaires de l’Etat et de bonnes volontés se sont massivement mobilisés pour la scolarisation des enfants déplacés. Ces efforts sont visibles sur le site à travers de nombreuses écoles, qu’elle soit sous la coupe du développement social ou non. Ces efforts sont également visibles à travers l’accompagnement des élèves au niveau du cursus normal.

“Aucun des enfants que nous avons reçus, depuis le début à maintenant, n’avaient une copie d’extrait d’acte de naissance, déclare la directrice de l’école fondamentale de Faladiè Sema. Les inscriptions se faisaient avec le nom et l’âge de l’élève fournis par le développement social”.

Mais, notre interlocutrice affirme que l’année dernière, l’ONG APDS a établi un acte de naissance pour chacun des enfants venus des sites. La Croix-Rouge et l’ONG Adecom ont donné des kits scolaires aux enfants des déplacés. En début d’année scolaire, l’ONG Terre des Hommes Mali a inauguré des salles de classes aux camps de Faladiè et Sénou.

Toutefois, force est de constater que tous ces efforts sont concentrés sur la scolarisation des enfants. Très peu d’actions sont menées pour leur maintien à l’école. En conséquence, beaucoup d’élèves abandonnent l’école pour aider leurs parents en mendiant pour les petits garçons ou en faisant des petits boulots très risqués comme la fouille des ordures.

“Cette année, une liste de 74 élèves a été fournie à l’école pour l’inscription. Seulement, 45 se sont présentés. Dans les années précédentes, l’école recevait plus de 100 élèves. Malheureusement, ces élèves commencent les cours mais disparaissent quelques mois plus tard. Nous avons constaté aussi que ces élèves font d’abord le tour du quartier pour fouiller les poubelles ou demander de l’aumône dans les familles ou dans les mosquées avant de venir à l’école vers 9 h. Les premiers élèves reçus sont en classe de 4e année. Mais, il n’en reste encore que 4 élèves en quatrième sur une centaine au début. Tous les autres sont partis”, déplore Mme Koné Sara Guirou.

“La situation des parents n’est pas facile, c’est vrai. Mais s’ils pouvaient faire des efforts et éviter que ces enfants n’aillent pas mendier avant d’aller à l’école, ce serait mieux. Car, cela perturbe l’éducation de l’enfant qui se voit partager entre les études et l’argent”, ajoute la directrice.

A leur corps défendant

Amadou Diallo est parent d’élève. Il est l’un des chefs de quartier du site de Faladiè. Il explique pourquoi les parents envoient leurs enfants mendier. “Nous sommes des paysans qui vivaient de l’élevage et de l’agriculture. A Bamako, ces possibilités n’existent pas. Sur le site de Faladiè, les déplacés vivent des ordures et de petites activités. A l’ouverture de l’école, on a inscrit beaucoup d’enfants à l’école. Plus de cent. Mais, à cause des difficultés, beaucoup ont abandonné. Un enfant quand il va à école et ne trouve rien à manger à la maison de retour de l’école, le lendemain, il ne partira pas. C’est vrai que la mendicité des enfants n’est pas bonne. Quelqu’un qui a faim ne pense pas à tout cela. Ce n’est pas de gaieté de cœur que les parents envoient leurs enfants quémander. Mais, les 250, 500 ou 1000 F CFA que les enfants gagnent en quémandant contribuent beaucoup à prendre en charge la famille. Personnellement, j’ai cinq enfants à l’école. Ma situation est différente de celle de beaucoup d’autres personnes. Beaucoup d’enfants voudraient continuer les études, mais la pauvreté de leurs parents les oblige à abandonner les bancs”, tente de justifier Amadou Diallo.

Si les partenaires ont aidé à scolariser les enfants, l’Etat devrait faire en sorte que ceux-ci soient maintenus. Quelles aides le développement social apporte-t-il aux parents d’élèves pour qu’ils maintiennent les enfants à l’école ? Nous avons voulu poser la question au bureau du développement social. Nos sollicitations à la direction nationale du développement social, dont l’antenne se trouve sur les sites de Faladiè et Sénou, sont restées malheureusement lettre morte.

Yacouba Traoré

Une enquête réalisée dans le cadre du projet “Renforcer l’espace civique et promouvoir les droits Humains au Mali (ECDH)”, avec l’appui financier de l’UE

Source : Mali Tribune

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