Les rappeurs sénégalais Xuman et Keyti répondent aux questions de la salle à la suite de la diffusion de leur vidéo sur les défis de l’emploi des jeunes en Afrique. Crédit : Daniella van Leggelo-Padilla/Banque Mondiale
Comment améliorer les perspectives éducatives, économiques et sociales des jeunes en Afrique ? Cet enjeu était au cœur d’un forum panafricain sur la jeunesse organisé récemment à Dakar par le bureau de la Banque mondiale au Sénégal. Les échanges, menés avec la participation active des principaux concernés, ont réuni trois ministres sénégalais et plus de 150 responsables politiques, professionnels du développement, spécialistes de l’éducation, dirigeants du secteur privé, étudiants et journalistes. Pour tous les acteurs ainsi rassemblés, ce forum a représenté une occasion exceptionnelle de s’inspirer des jeunes et de nouer une collaboration synonyme d’un avenir porteur d’espoir pour les générations de demain.
Amadou Fall Ba n’a rien du directeur sénégalais tel qu’on l’imagine. Vêtu d’un jean et d’un t-shirt et affublé d’une casquette de base-ball qu’il ne retire que pour les événements officiels, il ne correspond pas à l’image du jeune cadre en costume souvent érigé en modèle de la réussite africaine. De fait, le jeune homme de 34 ans incarne une variante locale de cette réussite, qui rayonne en dehors du monde de l’entreprise et qui attire une jeunesse talentueuse et désireuse de prendre son destin professionnel en main.
Le directeur général d’Africulturban a présenté son organisation devant un parterre de plus de 150 responsables politiques, professionnels du développement, spécialistes de l’éducation, dirigeants du secteur privé, étudiants et journalistes réunis à Dakar les 6 et 7 juin derniers, à l’occasion d’un forum panafricain sur la jeunesse organisé par la Banque mondiale. Emploi, leadership, accès à l’emploi et à la formation professionnelle, entrepreneuriat : autant de défis que doit relever la jeunesse africaine et qui appellent des solutions de terrain dont Amadou Fall Ba et les jeunes innovateurs et entrepreneurs présents à la manifestation se sont fait les porte-voix enthousiastes.
« Il ne faut pas considérer les jeunes uniquement comme des chercheurs d’emploi. Les jeunes peuvent aussi créer des emplois. En investissant dans les cultures urbaines et en créant de la demande pour ces pratiques, nous ouvrons la voie à de nouveaux débouchés : vidéastes, techniciens du son, techniciens lumière, photographes, monteurs clip vidéo, etc. »
Africulturban est un centre de hip-hop situé à Pikine, banlieue la plus peuplée et la plus défavorisée de la capitale sénégalaise. Depuis 2006, il développe le potentiel créatif des jeunes chômeurs de ces quartiers afin d’élargir leurs horizons, de les former à la musique et aux médias, de leur inculquer des qualités de leader, de leur permettre de se produire et de les aider à découvrir de nouveaux champs d’activité. Dans un continent où les emplois disponibles ne suffisent pas à absorber des cohortes de jeunes de plus en plus nombreuses, les initiatives comme celles-ci sont pour les jeunes une source d’espérance et d’opportunités qui offrent des solutions viables à l’équation du chômage. Car elles ne se contentent pas d’employer ceux qui les dirigent et d’exploiter le potentiel des industries créatives : elles développent et promeuvent les compétences de leurs pairs.
De fait, la manifestation, intitulée « Forum sur l’emploi, la formation et l’inclusion des jeunes : partage des connaissances en Afrique subsaharienne », a été pensée pour rassembler autour de la table un éventail d’acteurs le plus large possible. L’objectif ? Permettre à ces parties prenantes de discuter des actions prioritaires à mener dans les pays participants* afin d’améliorer la situation des jeunes africains sur le plan éducatif, économique et social. « Le chômage des jeunes est un problème universel », a rappelé au cours du forum le ministre sénégalais de la Jeunesse, de l’Emploi et de la Construction citoyenne Mame Mbaye Niang, en soulignant qu’« en Afrique subsaharienne, il nécessite une approche stratégique pertinente consistant à appliquer des mesures inclusives et adaptées qui ciblent les facteurs de croissance et d’emploi afin d’assurer une meilleure insertion des jeunes dans le tissu économique de leur pays respectif ».
« Garantir à tous les jeunes la possibilité de s’insérer dans la société, quels que soit leur sexe, leur lieu d’origine et leur situation socioéconomique, est une priorité que partagent tous les pays participants. À cet égard, le forum a permis d’explorer différentes pistes, notamment le rôle des formes d’apprentissage informelles pour le développement des qualifications, le potentiel des médias sociaux et des nouvelles technologies comme passerelle entre les jeunes et les emplois, et l’importance des activités sportives et culturelles comme vecteur d’inclusion des jeunes marginalisés », a souligné Raja Bentaouet Kattan, chef de programme à l’antenne de la Banque mondiale au Sénégal.
Selon les participants, il sera crucial à l’avenir de résoudre le problème de l’inadéquation entre les qualifications des demandeurs d’emplois et celles recherchées, de lever les obstacles à la libre entreprise, d’élargir l’accès au crédit et au foncier pour les jeunes entrepreneurs et d’améliorer les infrastructures pour favoriser une plus grande productivité.
L’accent a aussi été mis sur le cas des jeunes qui n’ont pas pu terminer leur scolarité et qui peinent à trouver un emploi rémunéré, et sur la nécessité de mieux les intégrer et renforcer leur autonomie. « Le travail est un point d’ancrage. S’ils ne travaillent pas, ces jeunes pourraient être tentés d’émigrer ou de rejoindre des mouvements extrémistes », a expliqué Louise Cord, directrice des opérations de la Banque mondiale pour le Sénégal, la Mauritanie, Cabo Verde, la Guinée-Bissau et la Gambie.
À ce sujet, Emanuela Di Gropello et Aline Coudouel, respectivement chef de programme et économiste principale à la Banque mondiale, ont insisté dans leur présentation sur l’importance de la lutte contre le décrochage scolaire et les cours de rattrapage. « Dans l’ensemble du continent, la Banque mondiale apporte son soutien à des initiatives de développement des compétences destinées à des jeunes déscolarisés et vulnérables ainsi qu’à des stratégies qui facilitent leur insertion sur le marché du travail, en particulier par la voie de l’entrepreneuriat », a indiqué Emanuela Di Gropello.
Des priorités qui sont au cœur de l’action d’Africulturban : l’organisation d’Amadou Fall Ba a même mis en place un programme pour les jeunes qui sortent de prison, avec formation dans le domaine du multimédia, cours de français et d’anglais, mentorat et développement des capacités personnelles. L’objectif est de faciliter leur réinsertion sociale. « Il ne faut pas considérer les jeunes uniquement comme des chercheurs d’emploi », a insisté Amadou Fall Ba. « Les jeunes peuvent aussi créer des emplois. En investissant dans les cultures urbaines et en créant de la demande pour ces pratiques, nous ouvrons la voie à de nouveaux débouchés : vidéastes, techniciens du son, techniciens lumière, photographes, monteurs clip vidéo, etc. ».
De l’état des lieux dressé en image par les célèbres rappeurs sénégalais Xuman et Keyti, à l’ouverture du forum, à la représentation théâtrale donnée en clôture par la troupe Espoir de la Banlieue, ces deux journées d’échanges auront été bien plus qu’un partage des connaissances conventionnel. Pour les responsables politiques, les partenaires de développement et les spécialistes de l’éducation réunis à Dakar, ce forum a représenté une occasion exceptionnelle de sentir battre le pouls d’une jeunesse pleine d’énergie. Une jeunesse africaine qui n’aspire pas à l’assistanat mais qui a besoin au contraire de nouer des partenariats solides, clé d’un avenir porteur d’espoir pour les générations de demain.
* Les participants au forum étaient originaires des pays suivants : Bénin, Togo, Côte d’Ivoire, Mauritanie, Sénégal, Cameroun et République du Congo.
Source: La Banque Mondiale