Civils musulmans, terrifiés, s’entassant dans des camions en route vers le Tchad, chrétiens, réfugiés près des positions militaires et au moins sept morts durant la nuit: la capitale centrafricaine reste une poudrière, toujours proche de l’explosion.
Au PK-12, ce quartier de la sortie nord de la capitale centrafricaine, où au moins sept personnes ont été tuées dans la nuit de mercredi à jeudi, les chrétiens accusent les musulmans, les musulmans accusent les chrétiens et l’armée française.
Difficile de savoir ce qui s’est exactement passé, tant les témoignages divergent, mais ici, la violence est quotidienne. Et la peur et la colère sont palpables.
Des femmes en pleurs, des enfants terrifiés, tentent de grimper sur un camion qui part vers le Tchad pour évacuer les civils musulmans. Scènes poignantes de civils s’entassant, écrasés par d’énormes ballots, pour un voyage éprouvant vers un pays que la plupart ne connaissent pas.
Le camion, qui sera escorté par des militaires tchadiens, démarre alors même que certains sont encore en train d’essayer de grimper à bord.
Des dizaines d’autres, femmes et enfants, attendent sur le bord de la route le prochain convoi.
Parmi eux, Zeinab Moussa et ses deux enfants, Nafissa et Mahmadou, tous trois blessés à coups de machettes lors d’une attaque dse milices chrétiennes anti-balaka (hostiles au régime de l’ex-président Michel Djotodia) à Boali (90 km au nord de Bangui) il y a une semaine.
Ils ont fui vers Bangui et repartent désormais vers le Tchad. La petite, silencieuse, a le visage et les mains lacérés à coup de machette. Son frère cadet porte une bande de gaze blanche enroulée autour de la tête.
A leurs côtés, Sadou Gambo, une veuve mère de six enfants, attend un convoi depuis cinq jours. “On nous massacre, ici. j’ai trop souffert. Je pars”, confie la femme, qui n’a aucune famille au Tchad.
Un peu plus loin, à la mosquée de Bégoua 3, reposent les corps de trois hommes tués lors des incidents de la soirée. En djellabah blanche, un homme s’effondre en pleurs, à la vue du cadavre de son fils, Jamal.
“Les gens sont traumatisés”
Les musulmans du quartier accusent les militaires français de l’opération Sangaris d’avoir tué les trois hommes lors d’une opération de fouille, ce que dément l’armée française.
“Sangaris est venue à Bangui pour nous protéger, pas pour nous tuer”, s’indigne le général Mahamat Tahir Zaroga, un responsable du camp RDOT, où sont casernés des combattants Séléka, les ex-rebelles qui avaient renversé en mars 2013 le président français Bozizé et ont régné en maîtres sur le pays pendant 10 mois.
Du côté des habitants chrétiens, autre version. “Les Séléka nous ont attaqués pendant la nuit, comme ils font toujours, toutes les nuits”, assure Zéphyrin, un jeune homme de 30 ans.
Au moins quatre chrétiens ont été tués, dont trois circulant à bord d’un taxi-brousse, selon la Croix-Rouge centrafricaine qui a ramassé les corps.
Terrifiés, des habitants ont alors quitté leurs maisons et sont allés trouver refuge près des forces françaises et centrafricaines stationnées près de la barrière marquant la sortie nord de Bangui.
“Des dizaines d’habitants sont venues se réfugier ici”, indique un militaire centrafricain, qui avoue “avoir du mal à comprendre ce qui s’est exactement passé”.
“C’étaient essentiellement des femmes et des enfants. Les gens ici sont traumatisés”, ajoute Toussaint Kethy, dont la boutique est installée à côté de la barrière.