À la veille de la traditionnelle célébration de la fête du Travail, la scène syndicale malienne est secouée par un événement d’une gravité rare : l’interdiction officielle de toute activité de l’Union Syndicale des Travailleurs du Mali (USTM) sur l’ensemble du territoire national. Une décision émanant du Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de la Commune VI du District de Bamako, communiquée le 29 avril 2025, et qui suscite une onde de choc dans le monde syndical.
Bamada.net-C’est dans ce contexte de tension que la Confédération Syndicale des Travailleurs du Mali (CSTM), conduite par son Secrétaire général Hammadoun Amion Guindo, a tenu une conférence de presse, ce mardi 30 avril 2025, en son siège au Quartier du Fleuve, pour clarifier sa position et exprimer sa solidarité à l’endroit de l’USTM, sa centrale partenaire au sein de la plateforme syndicale.
Une décision judiciaire aux conséquences immédiates
Dans une correspondance officielle référencée N°722/PR-CVI-BKO, le Procureur de la République, Monsieur Cheick Sala Sangaré, notifie la rétraction de l’acte de conformité délivré à l’USTM en janvier 2025, document qui faisait foi de l’existence légale de cette organisation syndicale. Cette rétraction se fonde, selon le parquet, sur des irrégularités juridiques relevées dans la constitution même de l’USTM, notamment la participation de l’Union Syndicale des Travailleurs des Impôts du Mali (UST-Impôts), elle-même remise en question dans une correspondance en date du 25 avril 2025.
Selon les explications du Procureur, cette situation entache la légitimité juridique de l’USTM et empêche dès lors cette dernière d’exercer ses activités syndicales sur le sol malien, en vertu des dispositions de la Constitution du 22 juillet 2023 et des articles du Code du Travail malien, notamment les articles L-233 à L-257 de la loi n°92-020 du 23 septembre 1999.
La CSTM monte au créneau
Face à ce qu’elle considère comme une décision lourde de conséquences pour la liberté syndicale au Mali, la CSTM n’a pas tardé à réagir publiquement. Dans son communiqué en date du 30 avril 2025, signé par le Secrétaire général Hammadoun Amion Guindo, la Confédération affirme son soutien plein et entier à l’USTM et appelle à une mobilisation de ses militants, militantes et partenaires pour faire face à cette situation inédite.
« La CSTM exprime sa solidarité pleine et entière à l’endroit des camarades de l’USTM et réaffirme sa détermination à les accompagner dans la défense de leurs droits fondamentaux », peut-on lire dans le communiqué, relayé par Bamada.net.
Elle précise également que cette affaire intervient dans un climat déjà tendu, marqué par le refus du Gouvernorat de Bamako d’autoriser le défilé conjoint du 1er mai, organisé par la plateforme composée de la CSTM, de la CMT, de la CDTM et de l’USTM. Le seul motif invoqué : l’opposition à la participation de l’USTM.
La question de la représentativité syndicale au cœur du débat
Cette décision judiciaire soulève des interrogations de fond sur la régulation des organisations syndicales au Mali. La légalité d’une centrale ne se limite pas à sa déclaration administrative ; elle engage également la régularité de la constitution de ses membres. Or, la décision du parquet semble reposer sur un effet de domino juridique, en partant d’une irrégularité supposée de l’UST-Impôts pour invalider l’ensemble de la structure USTM.
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Pour plusieurs observateurs du monde syndical, cette mesure mérite d’être examinée avec attention, tant elle pourrait créer un précédent. La liberté syndicale, bien que soumise à des règles de droit, constitue un droit fondamental inscrit dans les textes nationaux et internationaux. Toute restriction de ce droit doit donc être solidement justifiée, dans un souci de proportionnalité et de respect des procédures.
Un 1er Mai sous tension, mais aussi sous mobilisation
En dépit de cette situation, la CSTM maintient sa mobilisation. Elle a invité l’ensemble de ses militants et sympathisants à participer massivement à la conférence de presse, prévue au siège du syndicat à partir de 08h30, afin de montrer l’unité et la détermination du mouvement syndical.
Le climat qui prévaut actuellement au sein du monde du travail malien traduit une véritable crise de confiance entre les autorités administratives et les centrales syndicales. Si la CSTM appelle à l’apaisement et à la solidarité, elle insiste néanmoins sur la nécessité du dialogue social et du respect des droits syndicaux comme fondement de la paix sociale et de la gouvernance démocratique.
Perspectives et appel au dialogue
En dépit de la fermeté affichée dans le communiqué du parquet, certains acteurs du dialogue social appellent à la concertation pour éviter une escalade. Plusieurs voix dans la société civile, mais aussi dans les milieux syndicaux, plaident pour une issue négociée et conforme à la légalité, afin de préserver la stabilité du climat social dans un contexte national déjà fragile.
La situation de l’USTM pourrait faire jurisprudence, et les prochaines semaines seront déterminantes pour connaître l’évolution de cette affaire. Pour l’heure, la CSTM continue d’appeler à la vigilance et à l’unité syndicale, dans le respect des lois de la République et de l’indépendance de la justice, à laquelle elle dit faire confiance pour garantir les droits fondamentaux des travailleurs.
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Ladji Djiga Sidibé
Source: Bamada.net