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Crise socio-politique : Quand la magistrature en rajoute à l’insurrection

Après le traitement laborieux de la longue désertion des tribunaux par les syndicats de juges, le torchon brûle à nouveau entre le président de la République, président du Conseil supérieur de la magistrature, et le monde des magistrats. En cause, la récente adresse à la Nation du chef de l’Etat dans laquelle ses collègues sont malencontreusement tancés pour la responsabilité qu’IBK leur impute dans la mauvaise distribution de la justice. «Nous savons que ce pays crie depuis longtemps sa soif de justice.

Nous savons que la paix est précaire et volatile sans la justice. Nous savons aussi que l’engouement des populations pour la justice expéditive des pseudo-jihadistes s’explique par le rejet de la justice de l’Etat avec les tares qui lui sont connues dont la corruption et la durée des procédures. Cela devrait donc recevoir les réponses appropriées». Survenus tel un cheveu dans la soupe, ces propos ne sont guère tombés dans l’oreille de sourd car leur teneur n’a point laissé indifférentes les corporations de magistrats, qui se sont dressés comme un seul homme pour s’insurger contre la sortie du premier magistrat au risque d’en rajouter à l’insurrection populaire qu’il affronte. Le Syndicat Autonome de la Magistrature (SAM) et le Syndicat Libre de la Magistrature (SYLIMA), qui ont peu de raisons de demeurer des entités distinctes tant leurs positions s’harmonisent, ont été comme à chaque occasion solidaire d’une réaction où ils mettent l’accent à leur tour sur la carence de volonté politique dans l’accomplissement des missions régaliennes de la justice. Le Mali est l’un des rares pays où moins d’1% du budget est consacré au secteur relève leur communiqué conjoint, à coups de menaces tacites de raviver la tension sociale pour non-respect des promesses consécutives à la précédente grève des 100 jours des magistrats. Et de déplorer par la même occasion que l’institution judiciaire n’ait jamais bénéficié de l’attention requise des autorités, pas plus que de celle dont la sortie est qualifiée «d’anathème» par les magistrats et perçue par eux comme une indifférence de proximité voire un mépris de la part d’un garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire. «La justice a besoin de moyen et non de mépris», martèlent les deux syndicats en accusant l’autorité politique de vouloir désigner leur secteur «comme seule responsable des difficultés d’un pays». Même sentiment d’indignation du côté du Conseil supérieur de la magistrature, qui a également donné de la voix à l’issue d’une réunion d’urgence consécutive à la même dresse du président du Conseil supérieur de la magistrature. Il a résulté de leur conclave la prise en défaut du président de la République sur son devoir de consulter le Conseil qu’il préside sur les domaines de sa vocation. Or cela n’a point été le cas pour ce qui est par exemple de la «dissolution de fait» de la Cour constitutionnelle, relève les membres du Conseil supérieur en prenant à témoin l’opinion sur le traitement infligé par leur président inattentif au rôle de cet organe dans le fonctionnement de la justice.

Mais pour malencontreuse et incongrue que paraisse la sortie du président de la République, elle ne saurait servir d’échappatoire au point d’occulter la teneur d’une question au cœur de la gouvernance tant décriée par le M5-RFP. Il ne s’agit évidemment pas des délinquances financières sur lesquelles les rapports du vérificateur épargnent les magistrats, mais plutôt du cas du cas des nombreux juges dont les comportements éclaboussent la corporation par cette distribution sélective et affairiste de la justice – une réalité qui ne saurait ni se dissoudre dans les seules dérives verbales ou manquement au devoir de celui qui est censé y veiller, ni se résumer au seul manque de moyens tant décrié par les syndicats de la magistrature.

Quoi qu’il en soit, le président de la République, déjà en proie aux pressions contestataires, pourraient payer cher l’indélicatesse d’inviter le gênant sujet de la justice dans le débat si leur insurrection contre les propos d’IBK devait se manifester par une adhésion à la désobéissance civile de ses adversaires. En tout cas leur menace de réitérer les revendications en souffrance préfigure ni plus ni moins une reprise d’hostilités.

A KEITA 

Le Témoin

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