La scène politique malienne est de nouveau en ébullition. Ce samedi 3 mai 2025, les partis politiques du Mali comptent organiser un meeting de grande ampleur au Palais de la culture Amadou Hampâté Bâ, en réponse à l’annonce controversée du gouvernement de transition sur la dissolution des partis politiques et l’abrogation de la loi sur le Statut du chef de file de l’opposition. Une décision qui fait craindre un retour en arrière démocratique dans un pays déjà confronté à de nombreuses turbulences.
Une rencontre de crise pour une riposte commune
Bamada.net Tout est parti d’une réunion extraordinaire tenue le 1er mai 2025, au Centre international des conférences de Bamako. Les leaders des principales formations politiques, anciens députés, responsables de mouvements citoyens et figures de la société civile y ont pris part. Cette rencontre, qualifiée de décisive, avait un seul point à l’ordre du jour : définir une riposte face à ce qu’ils considèrent comme « une entreprise méthodique de destruction des acquis démocratiques ».
Selon les confidences recueillies par Bamada.net, l’atmosphère était à la fois grave et déterminée. Plusieurs intervenants ont pointé du doigt ce qu’ils appellent une tentative de concentration autoritaire du pouvoir par le gouvernement de transition. Le projet de loi visant à dissoudre les partis politiques a été unanimement dénoncé comme une « violation flagrante de la Constitution et du principe du pluralisme politique ».
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Au terme de cette réunion, la décision a été prise d’organiser un meeting géant, pour porter la contestation sur la place publique.
Un meeting sous haute tension
Prévu à partir de 14 heures ce samedi au Palais de la culture, le meeting a pour slogan principal : « La défense des acquis démocratiques et le respect de la Constitution ». L’événement est présenté comme un acte de résistance symbolique mais ferme contre ce que les organisateurs qualifient de « dérive autoritaire ». Plusieurs figures connues de l’opposition ont confirmé leur participation, notamment Dr Youssouf Diawara du parti Yelema, Modibo Soumaré, militant de la première heure, ou encore des représentants de formations comme le Parena, l’Adéma et l’URD.
Dans un message largement diffusé sur les réseaux sociaux, Dr Diawara a lancé un appel vibrant :
« Ce combat dépasse les lignes partisanes. Il s’agit de préserver l’essence même de notre République. Le silence serait une complicité. »
Une jeunesse divisée, un climat tendu
Cependant, cette mobilisation politique ne fait pas l’unanimité, en particulier parmi la jeunesse. Dès la soirée du vendredi 2 mai, un groupe de jeunes, majoritairement issus des quartiers de Badalabougou et de la commune V, ont investi les abords du Palais de la culture. Objectif affiché : empêcher la tenue du meeting. Munis de pancartes et scandant des slogans hostiles, ces jeunes accusent les partis politiques d’être responsables des maux du pays depuis l’avènement de la démocratie multipartite en 1991.
« Trente ans d’illusions, trente ans de promesses non tenues. Aujourd’hui, ils veulent nous faire croire qu’ils défendent le peuple ? Nous disons non ! », lance l’un des manifestants au micro de Bamada.net.
Présent sur les lieux, Biton Mamary Coulibaly, membre du Conseil national de Transition (CNT), a pris la parole pour soutenir les jeunes contestataires. Il a fermement défendu la décision du gouvernement, affirmant qu’elle ne vient pas des militaires mais du peuple lui-même, à travers les recommandations issues des Assises nationales de la refondation.
« Ce ne sont pas les militaires qui veulent dissoudre les partis. C’est le peuple malien, à travers ses représentants aux concertations, qui a dit stop à un système qui l’a trahi. Le Mali n’est pas sous dictature, il est en reconstruction », a-t-il déclaré.
Le spectre d’un affrontement
À quelques heures du début du meeting, la tension est palpable à Bamako. Des groupes pro et anti-meeting pourraient bien se croiser dans les rues, malgré les appels au calme lancés par certains leaders religieux et communautaires. Les autorités sécuritaires affirment suivre la situation de près et se disent prêtes à intervenir en cas de troubles.
Mais la crainte est bien réelle : celle d’un dérapage qui ferait basculer une mobilisation politique dans une violence intergénérationnelle.
« À chaque fois, ce sont les jeunes qui meurent. À chaque fois, ce sont nos quartiers qui brûlent pour des causes politiques qui ne nous profitent jamais. Cette fois, nous ne voulons pas d’affrontements. Nous voulons être entendus », martèle un jeune leader du quartier Kalabanbougou.
Un tournant dans l’histoire politique du Mali ?
Ce samedi 3 mai pourrait bien rester dans les mémoires comme un moment charnière. Pour les organisateurs du meeting, il s’agit de dire non à une vision politique centralisatrice qui balaierait trois décennies d’expériences démocratiques. Pour leurs opposants, il s’agit de refuser le retour d’élites politiques qu’ils jugent disqualifiées.
Le gouvernement, lui, reste jusqu’ici silencieux sur les appels à la retenue. Une stratégie de silence qui peut être perçue comme une tactique d’évitement ou comme une démonstration de fermeté.
Dans tous les cas, la situation exige sagesse, mesure et sens de l’État.
Comme l’a écrit Amadou Hampâté Bâ, dont le palais éponyme abritera ce samedi la joute symbolique :
« Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. »
Le Mali, aujourd’hui, doit veiller à ne pas laisser sa bibliothèque démocratique partir en cendres.
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Fatoumata Bintou Y
Source: Bamada.net