Loin derrière les premiers cinq plus gros pays exportateurs du coton au monde notamment la Chine, les États-Unis, l’Inde, le Pakistan et le Brésil, les pays d’Afrique de l’Ouest et Centrale comptent depuis plus de cinq années, près de 15% de l’exportation mondiale. Après le Cacao et le Café, l’or blanc est le troisième produit exporté par les économies africaines. Pour le Mali particulièrement, de nos jours, près de 40% de la population rurale l’équivalent d’un malien sur cinq, soit 3 à 4 millions de maliens vivent de la culture de ce produit.
Mali, la Compagnie Malienne pour le Développement Textile (CMDT) depuis 1974 s’occupent de la gestion de la filière coton. Elle exporte près de 97% du coton fibre, pour l’équivalent d’un profit de 215 milliards de Franc CFA. Le coton depuis plus d’une décennie, représente avec l’or, les bétails et le riz, les premiers produits d’exportation du pays, soit 15% de la croissance économique, 22% des recettes d’exportations et une moyenne de 10% des recettes totales de l’Etat (officiel). A l’évidence, c’est une filière moteur pour la dynamique et le développement économique, puisque mobilisatrice de ressources budgétaire et de facto grande source d’économie pour une partie considérable de la population.
Cependant, bien que le recoupement n’ait pas fini avec l’ensemble des zones de culture sur l’étendue du territoire, les statistiques de la production de cette filière pour la campagne sur le point de se boucler annoncent un cataclysme dans cette filière stratégique pour le pays, et met les autorités actuelles devant un défis gigantesque en termes de perspectives pour la stratégie de relance du secteur. En effet, les prévisions laissent entrevoir une superficie emblavée de 170 000 hectares contre 735 000 la campagne précédente, soit 23% de la production réalisée comparativement (une chute de 77%). C’est très loin de la superficie prévisionnelle de 1,35 millions. Plusieurs facteurs conjoncturels expliquent cette baisse de la production.
Les causes de la baisse de la production :
Pour sa qualité supérieure, la Chine est la première cliente du coton malien dans son processus de fabrication des tissus. Avec le SRAS COV 2, la dynamique économique mondiale est rentrée en récession et la demande mondiale du tissu à l’instar de plusieurs autres produits industriels, a baissé. D’une suite de causalité et de corrélation positive forte, la Chine a diminué sa quantité de production et donc sa demande de matière première. Ce qui a engendré une décision politique mal anticipée par les autorités de l’époque, et qui coute cher aujourd’hui.
En perspective de cette baisse de la demande mondiale de coton, la CMDT, en Mai 2020, décide de revoir à la baisse son « prix bord champ » (prix d’achat auprès des producteurs) de 275 FCFA à 200 FCFA, soit une chute de 72%. L’utilisation des 10 milliards de subvention plutôt que permettre d’acheter des intrants, est réorientée pour combler la perte sur le prix. La CMDT a voulu ensuite augmenter ce prix de 10 FCFA, mais les producteurs avaient déjà pris leur décision. En connaissance de ces informations, les cotonculteurs se sont retournés vers d’autres cultures plus rentables. C’est un principe économique d’arbitrage rationnel : le prix de vente doit recouvrer les charges et faire des économies qui seront réinvesties. Cet enchainement a réduit la superficie emblavée, et ainsi, la production annuelle du coton. Aussi, il ne serait pas inconsistant de retenir l’absence de Bakary TOGOLA, figure emblématique de la filière, et président de l’APCAM (Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture du Mali) en détention provisoire durant la période.
Les conséquences ?
Les conséquences de cette chute se font déjà sentir. Au-delà de l’insécurité et de la crise sanitaire, la croissance économique de 2020 devrait accuser un recul de plus de 80%, avec une chute du taux de pression fiscale, 13,3% contre une prévision de 15,5%, soit un manque à gagner de plus de 230 milliards de FCFA pour l’Etat sur l’exercice 2020, et le coton, acteur de la croissance, y est pour beaucoup. Cette erreur d’appréciation nous a éjectés de la première place, récupérée par le Benin, suivi du Burkina, et de la Cote d’Ivoire. Le Benin, contrairement au Mali, a décidé malgré la morosité de la conjoncture économique internationale, de maintenir leur « prix bord champ » annoncé aux producteurs. Ce signal fort du gouvernement béninois a permis aux cotonculteurs de maintenir leur quantité prévisionnelle de production. Ainsi, à travers cette fonction « d’Etat providence », le Benin est sûr aujourd’hui de faire des surplus commerciaux, puisque les cours du coton sont entrain de repartir à la hausse, ce qui témoin une augmentation de la demande globale mondiale.
Une industrialisation axée sur les filières agricoles nationales comme perspectives
La transformation du coton en Afrique, particulièrement au Mali se limite à l’égrainage, seulement 3% de la production sont transformés, les 97% sont exportés à l’état brut. Une variation soudaine et brutale des cours du coton fibre comme ce fut le cas avec la baisse de la demande mondiale du tissu à cause du COVID 19 engendrerait des conséquences graves pour l’économie malienne. Ces conséquences peuvent aller d’un simple ralentissement des activités économiques, à une dépression. Une stratégie de promotion du secteur industriel, axée sur les filières agricoles comme le coton est aujourd’hui une nécessité. Cette stratégie sera conjuguée avec l’objectif de réduction du niveau de pauvreté et de création d’emploi. En la matière, le Mali peut disposer d’un avantage de « compétitivité prix », puisque qu’il peut mobiliser une grande quantité de cette matière première qui, déjà est appréciée à l’international pour sa qualité précieuse. De surcroit, des statistiques du département américain pour l’agriculture estiment que la mise en place de 10 unités de transformations jusqu’au tissu, engendrera la transformation de la moitié du coton produit au Mali, pour un chiffre d’affaire d’un milliard de dollar, soit l’équivalent de 600 milliards de FCFA.
Pour y parvenir, il est essentiel de surmonter les d’obstacles liés à l’industrialisation qui est inextricablement tributaire du fonctionnement des machines et donc de la disponibilité de l’énergie. Il convient alors de palier la crise énergétique et rendre facile son accès. Il y a aussi la formation du capital humain nécessaire pouvant relever le défi de la crise de qualification dans la chaine de production et de transformation. Ajouter à cela, la problématique de la fertilité des sols, le réchauffement climatique et ses aléas, la fluctuation des taux de change sur le marché international, une agriculture mécanisée, moyen propice pour réduire les couts de production et accroitre les rendements et la compétitivité.
Tout cela doit être compris dans une vision stratégique de développement, portée par une nouvelle culture politique au service du bien-être collectif. Le développement de la culture économique chez l’homme politique malien est plus que jamais une nécessité.
Khalid, Economiste et D. Ballan, Politologue.
Source: Bamakonews