Moins d’un mois après le coup d’État et à l’issue de plusieurs jours de débats houleux, une charte de la transition a été adoptée le samedi 12 septembre à Bamako. “Les participants à ces conciliabules ont fixé la durée de la transition à dix-huit mois, relate Le Républicain, et un comité, mis en place par les militaires du CNSP [Comité national pour le salut du peuple, qui dirige le pays depuis le putsch militaire], fera le choix du président de la transition, qui pourra être une personnalité civile ou militaire âgée de 35 à 70 ans.”
Quelques heures plus tard, relève L’Essor, autre quotidien malien, “le mouvement de contestation M5–RFP [qui est à l’origine de plusieurs mois de manifestations populaires avant le renversement par l’armée du président malien, mi-août] rejetait formellement les conclusions de la concertation nationale”. Il dénonçait par la même occasion la volonté de confiscation du pouvoir au profit du CNSP.
En effet, selon le M5–RFP “le document final lu lors de la cérémonie de clôture n’est pas conforme aux délibérations issues des travaux des différents groupes sur plusieurs points. […] En conséquence, le M5–RFP condamne les intimidations et dénonce ‘la volonté d’accaparement et de confiscation du pouvoir au profit du CNSP’.”
Une “mascarade” ?
Cela aurait dû être la grand-messe du renouveau après la chute d’IBK [le président Ibrahim Boubacar Keïta]. Au lieu de quoi, les millions de Maliens ont eu droit à des débats de rues où personne ne semblait écouter personne, où le temps de parole limité à deux petites minutes ne permettait pas aux participants de développer leur argumentaire en allant au fond de leurs pensées. Tout s’est passé comme si [cela] n’était qu’une mascarade, une grande palabre destinée à donner l’illusion de débats, la décision finale étant scellée ailleurs. […] Les masques que portaient les militaires du CNSP sont donc tombés. Le CNSP veut le pouvoir, tout le pouvoir.”
“Tout ça pour ça !”
“C’est un constat d’échec”, renchérit L’Indépendant en première page. “La démarcation du M5–RFP altère le cachet démocratique que la junte voulait imprimer à cette concertation nationale pour convaincre la communauté internationale […] que celle-ci n’était pas un coup d’État. Il en résultera que c’est une junte privée de cet argument qui se présentera demain mardi devant la CEDEAO [la communauté des États d’Afrique de l’Ouest, médiatrice dans la crise malienne] à Accra pour plaider une transition de dix-huit mois dirigée par un civil ou un militaire. Et cela pourrait expliquer que le général Mahamane Touré, ancien chef d’état-major des armées, qui a servi six longues années (entre 2006 et 2012) en qualité de commissaire chargé des Affaires politiques, de la Paix et de la Sécurité à la CEDEAO, soit pressenti pour occuper cette charge.”
Dans la presse de la sous-région, nombre de journaux expriment leur désillusion, à l’instar du Pays au Burkina Faso : “La vérité est qu’il n’y a pas de bon coup d’État. Et le M5–RFP vient de l’apprendre à ses dépens. En tout cas, ce mouvement a été bien naïf de croire qu’il pouvait traiter d’égal à égal avec les putschistes. Les résultats sortis des trois jours de concertations nationales ont été franchement du gâchis et l’on peut, à juste titre, s’exclamer : ‘Tout ça pour ça !’”
Frédéric Couteau