La 21ème Session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UEMOA, qui s’est tenue le 12 juillet, à Abidjan, a discuté, une fois de plus, de la question de la monnaie unique de la CEDEAO. Lors de cette rencontre, le président ivoirien, Alassane Ouattara, hôte du sommet et président en exercice de l’UEMOA, a mis en cause le principe de la flexibilité de la nouvelle monnaie, adoptélors du sommet de la CEDEAO de juin dernier, à Abuja. Cette prise de position, qui défend le maintien du système du franc CFA, met en évidence la difficulté à trouver un accord sur les principes fondamentaux de la mise en route de cette monnaie unique, pourtant attendue par les populations ouest-africaines.
la lecture du communiqué final de la 55è session de la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO, la rencontre avait reconnu et adressé ses félicitations au Comité ministériel chargé de la monnaie unique pour les importants progrès enregistrés dans la mise en œuvre de la feuille de route révisée, notamment en ce qui concerne le régime de change, la politique monétaire, le modèle de Banque Centrale Communautaire et le choix du nom de la monnaie unique.
Le même communiqué soulignait que, tous les pays ne remplissant pas encore les critères de convergences économiques, l’objectif de la mise en route de la monnaie unique, en 2020, devrait se faire de façon graduelle, c’est-à-dire, qu’elle commencera avec les pays déjà prêts.
Des annonces qui avaient suscité beaucoup d’espoir pour les ressortissants des 15 pays membres de la CEDEAO, principalement ceux des 8 pays membres de l’UEMOA, qui voient en cette monnaie une sorte d’indépendance monétaire avec la fin du franc CFA, aperçu comme une monnaie coloniale, parce qu’étant fabriquée en France et garantie par le Trésor français.
Cependant, au lendemain de ce sommet d’Abuja, le président en exercice de l’UEMOA, lors d’une visite à Paris, avait souligné que la Côte d’Ivoire et beaucoup de pays de la zone UEMOA étaient prêts pour 2020. Mais voilà qu’à Abidjan, ce weekend, il tient un discours plus ou moins controversé, mettant, de manière voilée, en cause les conclusions du sommet d’Abuja.
Alassane Ouattara de déclarer que » dès l’an prochain, le franc CFA pourrait être rebaptisé » Eco » « , soit le même nom que celui de la future monnaie commune. Le président ivoirien a, par ailleurs, plaidé pour « un maintien d’un taux de change fixe avec l’euro« , à l’image toujours du CFA.
Alassane Ouattara est convaincu que » le taux de change fixe entre l’Euro et le CFA a fait ses preuves, en protégeant, au fil du temps, la zone UEMOA et, par conséquent, les consommateurs de l’inflation. Il faut que cela soit maintenu« .
Ce point de vue met en évidence une certaine division des Chefs d’Etat de la CEDEAO autour de cette politique monétaire, dont le processus dure depuis plus de 30 ans maintenant.
Avec une zone CEDEAO constituée de 15 Etats aux différentes caractéristiques (des francophones, dont 8 pays, utilisent le CFA, d’autres leur propre monnaie, comme la Guinée, des anglophones utilisant chacun leur monnaie, à l’image du Nigeria, du Ghana, de la Sierra Leone, du Liberia), il est fort difficile que le système CFA puisse prospérer, d’autant plus que les pays économiquement solides dans la zone CEDEAO ne sont pas forcement ceux utilisant du franc CFA.
En réplique aux propos du président ivoirien, Mamadou Koulibaly, président de Liberté et Démocratie pour la République (LIDER) et Professeur d’Économie, a ‘‘démonté » l’Eco. Pour lui, » la future monnaie unique n’est pas différente du CFA « . Avant d’ajouter que « les autorités françaises ont toujours fait savoir aux Africains que ce n’était pas à elles de prendre la décision mais plutôt aux Africains. Qu’à la limite un changement de nom, si c’est ce qu’on veut, pourquoi pas? Et nous avions pensé qu’avec la CEDEAO, à travers l’intégration monétaire sous-régionale, on pourrait se débarrasser du CFA et instaurer une monnaie commune, facteur d’intégration monétaire, d’intégration politique et commerciale de ces 15 pays d’Afrique de l’ouest. Et puis, il y a eu un sommet qui devait nous rassurer sur la question, mais le sommet s’est terminé sans qu’on ne nous dise clairement quelles étaient les dernières décisions. Il a été dit simplement que c’est en 2020 que le calendrier sera tenu» .
En réalité, pour Mamadou Koulibaly, le président Ouattara a rassuré les populations qu’en 2020 il n’y aura pas de monnaie commune CEDEAO.
« Les pays CFA vont rester CFA et les autres pays vont rester tels qu’ils sont. Parce que je ne vois pas comment les pays qui sont hors CFA aujourd’hui, en 2020, vont accepter de sortir de la liberté monétaire pour venir s’enfoncer dans la servitude monétaire. Je ne vois pas comment le Nigeria, le Ghana, la Guinée et les autres pourraient accepter cela« , prévient-il.
De son côté, le président français, Emmanuel Macron se dit partant pour des discussions avec les pays africains sur l’avenir du CFA. Il a assuré, jeudi dernier, que le sujet de l’avenir du franc CFA pouvait être discuté « de manière apaisée » et « sans tabou« .
C’était lors de la rencontre avec 400 représentants des diasporas africaines de France, organisée à l’occasion de la visite du président du Ghana, Nana Akufo-Addo, dans la capitale française, pour donner une autre image des relations entre la France et l’Afrique.
A propos du Franc CFA, M. Macron a notamment déclaré : « C’est un sujet qu’on doit pouvoir ouvrir et qu’on a décidé d’ouvrir ensemble avec nos partenaires africains, de manière apaisée, sans culte du symbole, sans tabou ni totem« .
Pour le président français, le franc CFA « a une utilité« . Fort de cela, soutient-il, « On doit garder la part de stabilité que ça apporte mais on doit permettre à toute la région de s’intégrer pleinement dans un espace monétaire intégré « .
Pour sa part, le président ghanéen, M. Akufo-Addo, de renchérir : « Il y a des défis dans ce projet mais je pense que c’est un modèle. Le développement de l’Europe a eu un impact énorme sur le niveau de vie des Européens et l’un des piliers essentiels de ce projet a été la monnaie unique « .
En tout cas, au vu de ces prises de positions, force est de s’inquiéter pour le respect de la feuille de route révisée fixant l’objectif à 2020.
YC
Source: l’Indépendant