Ils bravent l’interdiction pour pouvoir payer les salaires de leurs employés et faire face à certaines charges
La décision de fermeture des bars, restaurants, boîtes de nuit et autres espaces de loisirs prise, en mars dernier, pour circonscrire une éventuelle propagation du coronavirus avait du mal à passer auprès des promoteurs de ces établissements. La mesure a suscité des grincements de dents chez les promoteurs d’établissements de loisir ou de restauration. Ceux-ci expliquent à qui voulait l’entendre leur amertume à gérer une telle situation qu’ils jugaient catastrophique. Ils déplorent l’absence de mesures d’accompagnement à l’intention de ce secteur d’activités de la part de l’État.
Ces récriminations sont tombées dans l’oreille d’un sourd puisque l’état, jusque là n’a pris aucune mesure les concernant. Certains promoteurs n’hésitent pas à braver l’interdiction sous prétexte qu’ils doivent assumer des charges, notamment le paiement des salaires de leurs employés.
Des établissements de loisir ou de restauration ont réduit leurs effectifs, d’autres ont mis les leurs au chômage technique parce que se trouvant dans l’incapacité de faire face aux dépenses. Ils ont patienté un peu plus de trois mois, espérant un retour à la normale ou un clin d’œil de l’état. En d’autres termes, ils tablent sur une perfusion des pouvoirs publics pour booster leurs affaires qui commencent à péricliter.
Aujourd’hui, les tenanciers d’établissements de loisir ou de restauration ont globalement repris les activités. Ils sont prêts à faire avec la Covid-19, notamment en mettant en place les mesures de prévention et en contraignant les clients au respect des mesures barrières.
Les promoteurs de ces lieux pointent du doigt l’attitude des autorités qui n’auraient pas accompli le moindre petit geste d’accompagnement. Ils estiment que les mesures salutaires annoncées dans la lutte contre la pandémie ont eu simplement un effet d’annonce à bien des égards. Mais ils estiment que pour le cas spécifique de l’électricité, nos compatriotes ont pu apprécier les largesses faites à la population. Celle-ci a aussi bénéficié d’une distribution gratuite de vivres pour les personnes vulnérables. Ces deux actions ont été perçues comme un véritable bol d’air pour les cibles concernées.
Une certaine clientèle juge la décision de fermer les bars restaurants et autres espaces culturels pour atténuer la propagation de la Covid-19 comme une privation du droit de jouissance.
Les promoteurs déplorent le manque à gagner. Sans recettes, on ne peut plus honorer les engagements vis-à-vis des salariés et cela peut avoir des répercussions sur les familles. On n’a pas besoin d’être un saint pour comprendre que les travailleurs sont, le plus souvent, des soutiens de familles.
Alassane Coulibaly plaide pour la réouverture des bars. Mais il reste très à cheval sur les mesures barrières, notamment le lavage des mains au savon, le respect de la distanciation d’au moins un mètre dans ces lieux. Une vendeuse de brochettes que nous désignons sous les initiales de M.C réclame l’assouplissement de la mesure. Elle se serait retrouvée par un concours de circonstance à travailler dans un bar. « Je suis divorcée. J’étais en chômage technique mais heureusement que le promoteur du bar vient de me rappeler en service. On veut bien respecter la décision du gouvernement, mais il faut bien qu’on vive aussi », explique-t-elle. Daniel Théra, propriétaire d’un bar dans un quartier en Commune V, étale tout de suite son amertume. « C’est très grave de nous priver de nos activités génératrices de revenu sans nous apporter secours. Depuis la décision officielle de fermeture, les clients ne se bousculent plus aux portillons», se lamente-t-il.
Indiscipline- La précarité oblige certains promoteurs ou gérants de bars, restaurants, night-clubs et autres lieux de loisir les à rouvrir leurs établissements sans autorisation préalable. Selon lui, cette indiscipline se justifie par la nécessité de trouver la pitance. Mais si les promoteurs des espaces de loisir ou des restaurants font grise mine, les gérants des alimentations dans les stations d’essence se frottent les mains parce qu’ils se retrouvent avec une partie de la clientèle des bars et restaurants. « Pour moi, c’est une injustice flagrante qui peut expliquer notre attitude à contrevenir à la décision de fermeture », commente un interlocuteur visiblement ulcéré par la situation.
« En cette période de vaches maigres, nous n’avons rien bénéficié de la part de notre gouvernement en contre-partie de l’arrêt de nos activités. Or, nous sommes des chefs de familles », soutient le gérant d’une boîte de nuit à Bacodjicoroni qui a souhaité garder l’anonymat.
Il rappelle que d’autres secteurs n’ont pas été autant touchés et cite volontiers l’exemple des commerçants qui, selon lui, continuent aisément de mener leurs activités, tout comme les transports publics. Plusieurs établissements espaces culturels ont ouvert leurs portes même si l’affluence n’est pas au rendez-vous. C’est le cas des espaces culturels ou bars comme « Kakoro », « Nakana », « Massassi », « No Limit », « Hogon ». Certains d’entre eux respirent un peu avec l’organisation des mariages.
Nous sommes ce dimanche à l’espace Hogon. Le constat est préoccupant. Une centaine de personnes se retrouvent sur les lieux pour célébrer un mariage sans respecter les gestes barrières. Boubacar Tangara était un des rares à porter un masque, ce jour de noces. Il justifie sa présence par la pesanteur sociale. « Dans notre pays, le social prime sur tout et quelle que soit la gravité d’une maladie, on ne peut pas refuser de participer au bonheur de la famille ou des voisins au risque d’être indexé par la société», commente le jeune homme.
Les bars, restaurants et autres espaces de loisir vivent des jours difficiles. Un promoteur d’espace culturel en Commune VI soutient que ses recettes oscillaient entre 200.000 à 350.000 Fcfa les jours ouvrables voire 500.000 Fcfa pendant les week-ends. Mais depuis la fermeture ses affaires ne prospérent plus. Il aussi décidé de braver la décision des autorités. Mais il peut faire une semaine sans vendre pour 50.000 Fcfa.
Selon Ibrahim Souleymane Tounkara, propriétaire du bar-restaurant «Bafing», avec la fermeture officielle des bars et autres, les clients potentiels ne viennent plus. Ils se méfient.
Il en appelle de ses vœux la réouverture et un accompagnement de l’état pour permettre à ceux qui évoluent dans le secteur de redémarrer leurs affaires. Il est utile de souligner que les propriétaires d’espaces de détente sont aussi conscients des risques liés au coronavirus. Notre équipe de reportage a pu s’en apercevoir partout où elle est passée, le dispositif de prévention était en place. Il faut rappeler que l’état s’est engagé à investir plus de 500 milliards de Fcfa dans la riposte contre la Covid-19, notamment dans les mesures d’accompagnement de la population, des entreprises, des malades et du personnel soignant, entre autres.
Amadou SOW
Source : L’ESSOR