Karim Coulibaly, ex-préfet de Macina, Békaye Samaké, ancien maire et député de Macina et Boubacar Sidiki Haïdara, chef de la division de l’urbanisme et de l’habitat de ladite localité étaient accusés d’atteinte aux biens publics, de faux, usage de faux et complicité dans une affaire de morcellement illégal sur des terres, propriété exclusive de l’Etat et qui n’ont pas été affectées à la mairie de Macina. Après cinq heures d’audience le lundi 15 juillet 2024, les trois inculpés ont été acquittés. Ils sont rentrés aussitôt chez eux.
Le 13 juin 2019, un collectif des conseillers municipaux de la Commune urbaine de Macina conduit par Moustapha Camara saisissait le procureur de la République près du Tribunal de grande instance de la Commune III du district de Bamako, en charge du Pôle économique et financier d’une lettre de dénonciation des faits de malversations contre Karim Coulibaly, Békaye Samaké et Boubacar Sidiki Haïdara.
Dans cette dénonciation, les conseillers municipaux exposaient que les susnommés auraient irrégulièrement morcelé un site destiné à servir de réserve foncière et d’espace vert conformément au schéma directeur d’urbanisme de la ville de Macina.
Ils ont soutenu que les deux autorités visées dans leur dénonciation se seraient également partagé les lots issus de cette opération frauduleuse de morcellement avec la complicité de Boubacar Sidiki Haïdara et d’Issa Sidibé, respectivement chef de la division de l’urbanisme et de l’habitat et régisseur des recettes de la mairie de Macina.
Sur la base de ces renseignements, une commission de l’inspection des domaines et des affaires foncières, puis l’enquête préliminaire effectuée par la brigade du Pôle économique et financier permettaient de confirmer ces pratiques spéculatives.
Les enquêtes ont permis d’établir que le préfet du cercle et le maire de la Commune urbaine de Macina ont procédé à un morcellement sur des terres, propriétés exclusives de l’Etat et qui n’ont pas été affectées à la mairie de Macina.
Le 29 janvier 2020, une information judiciaire a été ouverte à l’encontre de Karim Coulibaly, Békaye Samaké et Boubacar Sidiki Haïdara pour des faits d’atteinte aux biens publics, de faux, usage de faux et complicité.
Tant à l’enquête préliminaire que devant le magistrat instructeur, les inculpés ont systématiquement reconnu les faits à eux reprochés.
Comparus le lundi 15 juillet 2024 devant la Cour d’assises spéciale sur les crimes économiques et financiers, les inculpés ont tour à tour nié les faits.
“Je ne reconnais pas les faits. Nous avons morcelé cette parcelle parce qu’il y avait une situation d’urgence à gérer. La direction de la Somagep de Macina, dans une note écrite adressée au maire de la Commune, a expliqué que la population a commencé des constructions sur les turbines et que si nous ne trouvions pas des solutions immédiates, la distribution de l’eau risquerait de connaître de fortes perturbations dans toute la ville. C’est ainsi que le maire et moi-même avons décidé de morceler cette parcelle pour recaser ceux qui ont commencé à construire leurs maisons sur le site de la Somagep. J’ai autorisé ce morcellement pour soulager la population et non pour m’enrichir comme le pensaient certaines personnes”, s’est défendu l’ex-préfet de Macina, tout en reconnaissant ses erreurs administratives dans ce morcellement.
Békaye Samaké et Boubacar Sidiki Haïdara ont axé leurs narratifs dans le même sens que le préfet. Ils affirment clairement ne pas reconnaître les faits et se sont dédouané de toute responsabilité pénale.
“Certes, il y a des manquements dans cette opération. Mais nullement on ne peut pas parler d’atteinte aux biens publics, de faux, usage de faux et complicité parce que ce morcellement a été fait dans l’intérêt supérieur de la population de Macina”, a ajouté Békaye Samaké, le maire principal de Macina au moment des faits.
Le ministère public, représenté par Seydou Cissé dans ses plaidoiries, a émis de sérieux doutes concernant la composition de ce dossier qui a atterri dans cette Cour d’assises spéciale. Il a également précisé que les faits de faux, usage de faux et complicité ne sont pas fondés dans cette affaire.
“Mme la présidente, en autorisant ce morcellement, nous ministère public la question qu’on s’est posé est-ce que le préfet a commis une faute administrative ou pénale ? Comme vous le savez, les débats définitifs à la barre sont clairs. Cette faute ne peut pas être pénale, elle est administrative. Nulle part dans les débats, il n’a pas été prouvé que les accusés ici présents ce sont impunément enrichis au préjudice de l’Etat. Donc un doute sérieux existe dans ce dossier. Vous savez, la maxime juridique exige qu’à chaque fois que vous doutez, vous devez en faire profiter à l’accusé”, a requis le parquet général tout en encourageant la Cour en l’absence de preuves pour étayer les faits d’acquitter purement et simplement les accusés.
“Tout au long des débats, le ministère public n’est pas parvenu à faire ressortir dans ce dossier les faits d’atteinte aux biens publics, faux, usage de faux et complicité. Face à l’absence de preuve nous vous demandons de statuer non coupable et acquitter les accusés”, a conclu le parquet général.
En prenant la parole, la défense des accusés dira que cette affaire est une cabale voire un règlement de compte politique entre le maire et ses adversaires qui ne sont autres que les conseillers municipaux qui ont porté plainte.
La Cour, présidée par la magistrate Fatoumata Lalla Diallo au nom des pouvoirs discrétionnaires que l’article 347 du code procédure pénal lui confère a décidé d’acquitter purement et simplement tous les accusés.
Le représentant du contentieux de l’Etat a demandé le paiement de 10 millions de F CFA à titre de préjudice. Mais face à la décision d’acquittement de la Cour, il s’est résigné.
Ousmane Mahamane