Face aux coupures intempestives d’électricité et à la grogne consécutive de la population victime, le ministre des Mines, de l’Energie et de l’Eau, Lamine Seydou Traoré, a animé un point de presse, le jeudi 15 avril 2021, afin de tenter d’expliquer la situation en cours.
Déjà, le ministre de l’Energie se dédit, car il avait bien assuré à son arrivée que l’année 2021 serait l’année de zéro délestage. Même s’il prend aujourd’hui ses distances avec cette assurance péremptoire, la réalité de l’obsolescence des équipements et sa propension à s’immiscer dans la gestion financière au détriment de l’orthodoxie, ont vite fait de rattraper un ministre visiblement trop empressé.
Certes, le ministre note avec raison que la situation d’EDM-SA est due au problème de combustibles et à la vétusté des équipements. Mieux, il reconnaît que la capacité de production de l’entreprise est nettement en deçà des besoins en constante augmentation. Et d’indispensables investissements (les chiffres sont contradictoires et discutables, au demeurant) sont la condition pour apporter une réponse adéquate et durable à la situation de déficit énergétique.
Irresponsabilité et déloyauté
Pourtant, le ministre Lamine Seydou Traoré se défausse, non seulement, sur ses prédécesseurs, oubliant que l’Etat est une continuité, mais aussi sur le fournisseur ivoirien de la Compagnie ivoirienne d’électricité, CIE, qu’il accuse d’avoir réduit sans avertissement la quantité d’électricité fournie habituellement au Mali. Ce qui est en contradiction avec la réalité de l’incapacité d’EDM-SA à enlever les quantités d’électricité fournies du fait de la vétusté des lignes de haute tension.
À son arrivée à la tête du département, les premières mesures de Lamine Seydou ont consisté à une chasse aux sorcières, en s’acharnant sur les anciens Directeurs généraux de EDM-SA, la Somagep et de l’Agence des Energies Renouvelables du Mali (AER-Mali). Dans ce dernier cas, le ministre de l’Energie, avec certainement des complicités en lieu indiqué, finira par jeter le Directeur général nommé après appel à candidature, pour faire place nette à son ami et protégé, Amadou Kaya, avec qui il partage le fait d’avoir été chassés comme des malpropres d’Orange Mali pour conduite incompatible avec l’éthique.
La hâte suspecte avec laquelle le ministre Traoré s’est débarrassé des anciens responsables de ces structures ne tardera pas de se faire jour. Et pour cause, dans le cas d’EDM-SA, comme nous l’avions souligné, le ministre s’est empressé d’exercer des pressions financières sur l’entreprise afin de solder les comptes de certains fournisseurs particuliers, sur le choix desquels par le ministre Traoré, on peut légitimement s’interroger puisque c’était à l’exclusion d’autres plus stratégiques.
Non seulement ces dépenses exigées par le MMEE n’étaient pas prioritaires, mais elles ne s’effectuaient ni dans l’orthodoxie des dépenses, encore moins conformément aux conventions de remboursement dont celle conclue entre les deux Etats de Côte d’Ivoire et du Mali, pour laquelle un compte spécialement dédié a été créé pour loger les remboursements de consommation de l’Etat et des institutions publiques du Mali, devant servir à garantir les remboursements de la dette ivoirienne toujours croissante.
Mieux, le ministre souligne dans sa conférence de presse du jeudi 15 avril dernier que les installations d’EDM-SA n’ont fait l’objet d’aucune révision en vue de la pointe en cours. Mais en exigeant que EDM-SA transfère, à un fournisseur particulier, ses six milliards de remboursement de la gratuité de l’électricité, des mesures présidentielles de 2020 contre l’impact du Covid19, Lamine Seydou Traoré a du coup privé le fournisseur national d’importantes ressources dont une partie aurait pu servir aux opérations de révision et aux achats de pièces de rechange indispensables.
Cette attitude du ministre de l’Energie, à davantage s’immiscer dans les relations particulières entre partenaires pour peser sur le paiement d’un fournisseur particulier au détriment souvent de fournisseurs plus importants et plus stratégiques, se fait au mépris de toutes les conventions.
Mais, davantage, elle met à mal les assurances du même ministre Traoré qui, déjà au cours de sa conférence de presse du mardi 9 février dernier, avait expliqué les décisions de changements à la tête des trois structures EDM, SOMAGEP et AER, par son souci de parvenir à une saine gestion des ressources financières de ces entreprises.
Par ailleurs, les accusations du ministre, contre le partenaire ivoirien, constituent une certaine déloyauté à l’égard de la CIE, car depuis les accords de fourniture conclus entre les deux pays, c’est EDM-SA qui peine à acheminer les 100 MW contractuels que la Côte d’Ivoire consent à délivrer au Mali. Le ministre accuse ni plus ni moins la partie ivoirienne d’avoir réduit, sans en aviser le Mali, de 70 à 30 MW, l’électricité fournie à EDM-SA.
Infrastructures vétustes
Ce qui laisse dubitatif, car depuis la conclusion de la convention de fourniture, c’est plutôt le Mali qui n’a jamais réussi à enlever la quantité contractuelle, tout en accumulant une dette colossale de près de 60 milliards Fcfa, faisant de la CIE le premier créancier parmi tous les fournisseurs d’EDM-SA.
De fait, les infrastructures de transport du courant électrique sont vétustes et déjà, le Mali ne parvient même pas à consommer entièrement sa part d’électricité produite par le barrage de Manantali, encore moins à disposer des parts du Sénégal et de la Mauritanie auxquelles ces deux pays ont renoncé en les concédant au Mali, du fait qu’ils ont réussi à développer d’importants parcs de production d’énergie solaire à même de compenser une bonne part de la production hydraulique de Manantali.
Le déficit, par défaut de capacités propres de production, se double d’une réelle carence en infrastructures de transport suffisamment étoffées pour acheminer l’électricité fournie depuis ces différents sites de production, Côte d’Ivoire, Manantali et même pour ce qui concerne Albatros Energy, mise en cause un moment avant rétropédalage, par le ministre Lamine Seydou Traoré.
L’intervention du ministre des Mines, de l’Energie et de l’Eau soulève donc bien plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. La crise financière à laquelle l’entreprise est confrontée tout autant que la vétusté de ses infrastructures sont déjà bien connues. Leur résolution, sur des années, ne pourrait résoudre la situation actuelle. Mais l’immixtion dans la gestion financière et les quasi extorsions de fonds sont bien une nouveauté qui date du ministre… Lamine Seydou Traoré. Et la CIE n’en est pas responsable !
Mohamed Ag Aliou
Source: Nouvelle Libération