« On va organiser la plus belle Coupe de l’histoire. » Ce 13 octobre 2021, à Zurich (Suisse), Gianni Infantino plastronne en évoquant, devant les juges d’instruction français Marc Sommerer et Virginie Tilmont, la Coupe du monde 2022 de football au Qatar.

Pour le président italo-suisse de la Fédération internationale de football (FIFA), auditionné ce jour-là comme témoin par les magistrats chargés de l’information judiciaire ouverte en 2019 par le Parquet national financier (PNF), pour « corruption », sur l’attribution controversée du tournoi à l’émirat, ce premier Mondial organisé en automne sera l’occasion de voir des « joueurs au top de leur forme physique et pas épuisés après une longue saison ».

Dans son procès-verbal, dont Le Monde a pris connaissance, M. Infantino admet, devant les juges français, qu’il ne s’attendait « pas du tout » à ce que l’émirat remporte le scrutin d’attribution du Mondial organisé par la FIFA, le 2 décembre 2010. « J’avais été impressionné, le matin du vote, de la présentation du Qatar (…). Mais de là à gagner le droit d’organisation de la Coupe du monde, il y a un grand chemin à faire », concède celui qui était alors le bras droit, en tant que secrétaire général, de Michel Platini, le président de l’Union des associations européennes de football (UEFA) – ce dernier a été pointé du doigt par Sepp Blatter, l’ex-président de la FIFA, qui avait assuré, dans un entretien au Monde en novembre 2021, que, « sans l’intervention au dernier moment de Sarkozy sur Platini, le Qatar n’aurait jamais eu la Coupe du monde ».

« Pour moi, c’était évident qu’on ne pouvait pas jouer la Coupe du monde au Qatar en juin-juillet », reconnaît le dirigeant, tout en ajoutant que M. Platini, qui a révélé avoir voté, en tant que membre du comité exécutif de la FIFA, en faveur de l’émirat, « disait toujours qu’elle devait avoir lieu en hiver ». Et ce même si cette éventualité ne figurait pas dans le cahier des charges de la FIFA lors du scrutin d’attribution.

En début d’audition, M. Infantino jure ne pas avoir eu connaissance de faits de corruption ou d’actes déloyaux en lien avec l’attribution du Mondial 2022 au Qatar. C’est sur le rôle présumé de son ancien patron à l’UEFA qu’Infantino a été principalement interrogé par les juges. Que savait-il des intentions de vote de l’ex-capitaine des Bleus et du déjeuner à l’Elysée, organisé le 23 novembre 2010, en présence de M. Platini, de l’émir du Qatar et de son premier ministre, et qui constitue, pour le PNF, un « tournant décisif » dans la campagne d’attribution du Mondial ? « Pas grand-chose », à en croire M. Infantino, adepte des réponses très courtes devant les juges – il était pourtant aux commandes de l’administration de l’UEFA pendant sept ans.