Le président français Emmanuel Macron a appelé mardi Abdelmadjid Tebboune, chef d’Etat fraîchement élu en Algérie mais déjà rejeté par un puissant mouvement de contestation en cours depuis 10 mois, ont indiqué les deux présidences, divergeant sur les termes de la conversation.
Elu selon les résultats officiels au 1er tour avec 58,13% des voix lors d’un scrutin largement boudé par les électeurs et rejeté par la rue, M. Tebboune, 74 ans, a été conspué mardi à Alger, à 48 heures de sa prestation de serment jeudi et de son entrée en fonction, par une importante manifestation des étudiants du “Hirak”, le mouvement de contestation populaire né le 22 février.
Dans un communiqué cité par l’agence de presse officielle algérienne APS, la présidence algérienne a indiqué que M. Macron avait adressé ses “chaleureuses félicitations” à M. Tebboune pour “la confiance que lui a accordée le peuple algérien lors de l‘échéance électorale du 12 décembre”.
La présidence française de son côté ne fait état que de “voeux sincères de succès” adressés à M. Tebboune lors de cette conversation téléphonique.
“La France se tient aux côtés de l’Algérie dans ce moment important de son histoire” et “les deux chefs d’Etat sont convenus de travailler ensemble au développement des relations d’amitié, de respect et de confiance entre la France et l’Algérie et à la coopération sur les crises régionales”, a ajouté l’Elysée.
Dans une première réaction à l’annonce vendredi des résultats préliminaires par l’Autorité électorale, M. Macron avait simplement “pris note” de “l’annonce officielle” de la victoire de M. Tebboune.
Interrogé au sujet de cette réaction pour le moins tiède, M. Tebboune avait indiqué: “Je ne lui répondrai pas (…) moi j’ai été élu par le peuple algérien et je ne reconnais que le peuple algérien”.
Face à la crise politique inédite en Algérie, la France, liée par une relation étroite et tumultueuse avec son ancienne colonie, est restée jusqu’ici très prudente.
M. Tebboune est un ex-fidèle du président déchu Abdelaziz Bouteflika, contraint en avril par le Hirak à la démission après 20 ans à la tête de l’Etat. Il fut son ministre et, durant trois mois en 2017, son Premier ministre.
Le Hirak est né en réaction à la volonté du président Bouteflika – appuyée par l’ensemble de son camp – de briguer un 5e mandat présidentiel malgré les graves séquelles d’un AVC qui l’a laissé largement paralysé et aphasique.
“La marche va se poursuivre”
La contestation réclame, après la démission de M. Bouteflika, le démantèlement de l’ensemble du “système” au pouvoir depuis l’indépendance du pays en 1962 et son remplacement par des institutions de transition. Elle refusait qu’il organise le moindre scrutin, vu comme un moyen pour lui de se régénérer.
Aux cris de “les élections sont truquées, il n’y a pas de légitimité, la marche va se poursuivre”, des manifestants ont défilé par milliers mardi dans le centre d’Alger, affimant “Tebboune, nous allons t‘écarter d’El Mouradia”, le Palais présidentiel.
De nombreuses pancartes affichaient leur rejet de son offre d’un “dialogue” pour “une Algérie nouvelle”. M. Tebboune a notamment promis d’“amender la Constitution” et de soumettre le nouveau texte à référendum.
“La révision de la Constitution doit avoir lieu avec un président légitime”, pouvait-on lire mardi sur une des pancartes dans la manifestation.
Moins de 40% des électeurs (39,88%) se sont rendus aux urnes, la participation la plus faible de toutes les élections présidentielles pluralistes en Algérie, et le “Hirak” —comme plusieurs analystes— assure en outre que le chiffre est gonflé.
Des associations ont également dénoncé mardi l’usage par la police, la veille et le jour du scrutin, de balles en caoutchouc contre des manifestants pacifiques, indiquant avoir recensé une dizaine de personnes blessés à l’oeil, certaines grièvement.
AFP