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Comment le téléphone portable a changé la politique en Afrique

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Avec les smartphones, qui allient la technologie du portable à celle d’Internet, les rapports de force ont changé en Afrique. Exemples en Guinée, au Kenya et au Rwanda, où de simples citoyens témoignent désormais en temps réel des violences politiques en prenant des images.Avec de lourdes conséquences pour les responsables politiques incriminés.

Sans le téléphone portable, le massacre du 28-Septembre 2009 dans un stade de Conakry en Guinée n’aurait sans doute pas provoqué la même onde de choc. Ce n’était pas la première fois que des civils désarmés étaient tués par leur propre armée, habituée sous les régimes dictatoriaux de Sékou Touré puis de Lansana Conté à réprimer les manifestations dans le sang. Fait sans précédent, cependant, la tuerie a été immortalisée et retransmise aussitôt sur Internet, par le biais de photos et de scènes filmées par des témoins sur leurs portables.

Le monde entier a vu des images des 156 morts qu’a causé ce massacre, ainsi que des violences faites aux femmes : au moins 109 d’entre elles ont été violées par des militaires dans les jours qui ont suivi. Aussitôt, l’émoi international s’était traduit par une forte pression diplomatique sur la junte au pouvoir. Moussa Dadis Camara, un putschiste qui a succédé au président Lansana Conté après la mort de ce dernier fin 2008. Il avait promis de rendre le pouvoir aux civils au bout d’un an, avant de changer d’avis et de se présenter à la présidentielle tant attendue, mobilisant contre lui un vaste front de la société civile et une foule de manifestants.

Après le massacre du 28-Septembre, les Nations unies ont envoyé une mission d’enquête internationale, puis la Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête préliminaire. Des démarches qui ont provoqué de vives tensions au sein de l’armée, ensuite contrainte de mener une transition express. Autre première en Guinée : la justice a lancé des poursuites contre les responsables du massacre et ouvert des procès suivis de près par la CPI.

Recul de l’impunité au Kenya
Au Kenya, à l’autre bout de l’Afrique, l’impunité a aussi reculé grâce au téléphone portable. Après une présidentielle contestée, fin 2007, des citoyens se sont regroupés pour lancer le site Internet Ushahidi http://www.ushahidi.com/ (« témoin » en swahili). Leur objectif : collecter les témoignages et localiser les incidents sur Google Maps. Ce média social innovant a permis de croiser les informations reçues par SMS, courrier électronique, comptes Twitter et Facebook, sur des violences qui ont fait plus de 1 300 morts.
Le logiciel développé pour cette plateforme, dénommé SwiftRiver, a depuis connu un succès mondial. Il a été utilisé lors de catastrophes naturelles telles que le séisme de 2010 en Haïti, puis la tempête de neige à Washington et les incendies de forêt en Russie. Il n’a cependant pas encore fait d’émules ailleurs en Afrique, lors d’autres crises post-électorales.

L’existence d’Ushahidi n’en a pas moins été lourde de conséquences pour les responsables politiques kényans. Des mandats d’arrêt internationaux ont été lancés contre eux par la CPI, qui juge pour la première fois de son histoire des dirigeants en exercice. Le procès du vice-président William Ruto s’est ouvert en septembre dernier, et celui du président en exercice, Uhuru Kenyatta, prévu pour novembre, est reporté au 5 février 2014.

Paul Kagamé, le président qui twitte

Des contrepouvoirs importants, groupes de presse, syndicats et ONG se sont dotés partout de sites Internet. Dans certains pays, le contrôle de l’information se fait plus strict. Au Rwanda, notamment, la Ligue des droits de la personne dans la région des Grands-Lacs (LDGL http://www.ldgl.org/) a choisi d’héberger son site Internet en Suisse pour éviter interférences et censure sur ses informations en ligne.

Le président rwandais Paul Kagamé https://twitter.com/PaulKagame, de son côté, figure avec son homologue nigérian Goodluck Jonathan parmi les chefs d’Etat les plus connectés d’Afrique. Par le biais de son compte Twitter, suivi par 200 000 personnes, il répond parfois à ses critiques. « Personne dans les médias, les Nations unies et les groupes des droits de l’homme, n’a le droit de me critiquer, selon le despotique et délirant Kagamé », twittait ainsi Ian Birrell http://www.aviewfromthecave.com/2011/05/ian-birrell-vs-paul-kagame-on-twitter.html, ancien rédacteur en chef-adjoint du quotidien britannique « The Independent », le 14 mai 2010. Le même jour, il a reçu une réponse de Paul Kagamé : « Vous non plus… Aucune autorité morale! ». Les nouvelles technologies changent le rapport des citoyens avec leurs responsables politiques, mais aussi celui de ces dirigeants avec le reste du monde.

Par Sabine Cessou

Source: RFI

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