Le départ de la France du territoire malien est encore réclamé par des associations qui organisent, demain 10 janvier 2020, une manifestation dans ce sens. Mais il est important de se poser certaines questions : ne faudrait-il pas aussi s’intéresser aux responsabilités de l’État et du peuple malien dans cette crise ? Et quelle est l’alternative après le départ de la France ?
Demain, 10 janvier 2020, des centaines de Maliens réclameront le départ de la France du Mali. Ces citoyens estiment que ce pays ne joue pas le franc jeu avec le Mali. Ils estiment que sa politique est ambiguë. Il est très difficile de nier ces options. Tous ces reproches peuvent être pertinents et sont compréhensibles vu la souffrance des populations causée par la montée en puissance de l’insécurité. Mais faisons une analyse approfondie de la crise malienne. Doit-on faire porter le chapeau de cette crise à la seule France ? L’affirmatif serait une réponse biaisée. Les plus grandes responsabilités de la situation actuelle du Mali, ce sont les autorités maliennes et le peuple malien.
La responsabilité des autorités maliennes
Le 1er responsable de la situation actuelle du Mali est bien l’Etat, les gouvernants. Pourquoi ? La France dont on dénonce « la politique ambiguë » n’est pas venue d’elle-même. Elle a été invitée par les gouvernants du Mali, qui n’ont pas pu assurer la sécurité des personnes et leurs biens sur toute l’étendue du territoire national. Les troupes françaises sont là parce que l’État du Mali a failli à sa responsabilité. Il a échoué dans sa mission d’assurer la sécurité des personnes et leurs biens. Voilà, cela est un fait et il est connu de tous. En plus de cet aspect, si l’armée malienne manque de moyens, si les militaires n’ont pas d’eau sur le terrain dans certaines localités, si le service de renseignement militaire malien est défaillant… est-ce la faute à la France ? Non, c’est la faute à l’État malien. C’est à la France de punir les détourneurs de l’argent destiné à l’armée malienne ? Non, c’est à l’État malien de le faire. S’il ne le fait pas, c’est sur lui qu’il faut mettre la pression. En plus de ces défaillances, si la politique française est ambigüe au Mali, c’est aux autorités maliennes de demander à celles françaises de « clarifier leurs positions ». Le Mali est un pays souverain comme la France. Nos autorités doivent donc, à notre avis, assumer leurs responsabilités pour défendre l’intérêt de leur peuple. Il est normal que la France défende son agenda. C’est « aux autorités maliennes de défendre l’agenda-Mali » comme a proposé plusieurs fois la présidente de la plateforme ANKO Mali Dron, Mme Sy Kadiatou Sow.
La responsabilité du peuple malien
Le peuple malien a sa part de responsabilité dans cette crise. Lui qui ne se mobilise jamais pour des causes nobles. Pendant les élections, combien sont ces Maliens qui acceptent de voter pour un candidat selon son programme ? Très peu. Et ces Maliens qui ne votent que pour des billets de 2000 ou 5000 f ? Est-ce que la France a empêché le peuple malien d’organiser des manifestations pour réclamer l’équipement de l’armée malienne ? Pourquoi les Maliens n’ont pas manifesté pour la traduction en justice de ceux qui ont détourné l’argent destiné aux équipements militaires ? Pourtant un combat de ce genre serait plus noble que celui pour le départ de l’armée française du territoire malien ? L’année dernière, les élèves ont eu une année scolaire bâclée à cause de la grève des enseignants. Le même scénario recommence cette année, mais silence radio à Bamako. Manifester pour exiger du gouvernement le respect de ses engagements est plus que normal si notre peuple se soucie de l’avenir de cette jeune génération victime de l’insouciance des autorités.
Quelle alternative après le départ de la France ?
Il est facile de demander le départ de la France. Mais y a-t-il une alternative pour combler le vide que peut créer le départ des troupes françaises ? Question. Il est normal de dénoncer la politique française, surtout quand on la trouve confuse, mais il ne faut pas aussi oublier ses apports dans la sécurisation du Mali. Au nord comme au centre, ses troupes sont présentes et font de leur mieux. En décembre, elles ont tué une quarantaine de terroristes. Il est important d’avoir des alternatives avant tout départ des troupes françaises, sinon on créera trop de vides qui vont être fatales pour le Mali.
La plupart de ceux qui demandent le départ de la France proposent son remplacement par la Russie. Ce pays ne défendra-t-il pas, lui aussi, son agenda ? La sortie du Président du Sénégal, il y a quelques mois, est la réponse appropriée à la question.
Donc les responsabilités de la crise du Mali sont partagées et la plus grande revient aux autorités maliennes qui ont échoué.
Boureima Guindo
Source : LE PAYS