Le vendredi 20 décembre 2024, la région de Bandiagara, déjà durement éprouvée par les violences terroristes, a connu un tournant dans sa lutte contre les groupes armés terroristes (GAT). Ce jour-là, les Forces Armées Maliennes (FAMa) ont infligé un coup dur aux assaillants grâce à une frappe aérienne qui a permis de neutraliser une douzaine de terroristes, tout en détruisant leur matériel logistique. Ce succès militaire, salué par tous, montre bien la capacité de réaction des forces maliennes face à l’ennemi. Pourtant, derrière cette victoire tactique se cache une réalité bien plus complexe et inquiétante : la guerre contre le terrorisme, dans sa globalité, est loin d’être remportée.
Bamada.net-Il faut dire que l’aviation malienne n’a pas agi au hasard. Les terroristes visés avaient commis des exactions contre des populations civiles dans les villages de Banguel Toupé et Iriguli, dans le cercle de Bandiagara, avant de tenter une fuite, prise en chasse par l’armée. En plus de ces pertes infligées aux groupes terroristes, un autre aspect de l’opération est à souligner : la destruction de six motos qui étaient probablement utilisées pour des déplacements rapides et des attaques éclairs. C’est un signe que, malgré les moyens limités de ces groupes, la guerre qu’ils mènent est toujours soutenue par un appareil logistique qui permet d’étendre leur emprise sur les régions vulnérables.
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Cependant, ce vendredi restera surtout gravé dans les mémoires à cause de la tragédie humaine qu’il a engendrée. En dépit de la frappe réussie des FAMa, 26 civils ont perdu la vie dans des attaques terroristes simultanées, visiblement coordonnées, contre plusieurs villages. Bourari, Madina, Gaza, Banguel et d’autres localités de la région ont été prises pour cibles, et les habitants ont payé le prix fort. Des incendies ont ravagé les maisons, des champs ont été détruits, et des centaines de familles ont été contraintes de fuir sous les coups de feu. Ce vendredi noir rappelle amèrement que les frappes aériennes, bien qu’essentielles pour neutraliser l’ennemi, ne peuvent pas à elles seules garantir la sécurité des civils.
Bocari Guindo, le président de la Jeunesse Ginna Dogon, a rapporté les chiffres : 26 morts, dont 15 à Bourari, 5 à Gaza, 4 à Madina et 2 à Banguel. Ce bilan tragique est l’illustration de l’impuissance d’un État à sécuriser ses territoires quand la menace est insidieuse et omniprésente. Les terroristes, dans leur fuite, ont montré leur capacité à se cacher dans la nature, à se fondre dans les populations et à frapper à tout moment. Ce phénomène de “guerre asymétrique” est l’un des plus grands défis que le Mali et ses voisins doivent affronter.
Les forces maliennes, bien qu’efficaces dans certaines zones, sont souvent confrontées à une autre réalité : l’impossibilité de couvrir toutes les régions à risque. Ce n’est pas faute de volonté ni de courage, mais plutôt la conséquence d’un manque de ressources, d’infrastructures et de présence étatique dans certaines régions du pays. La situation à Bandiagara en est la preuve : après des frappes réussies, plusieurs villages, comme Massaségué et Sonfounou, ont été incendiés, et certains habitants ont dû fuir avant même que les terroristes n’arrivent. Ces populations, désemparées et vulnérables, se retrouvent prises entre deux feux : celui des terroristes d’un côté et celui de l’État, qui peine à imposer sa présence.
Dans cette lutte, il est essentiel de rappeler que l’efficacité militaire ne se suffit pas à elle-même. Les frappes et les saisies, comme celle des tricycles chargés de carburant destinés aux GAT, sont certes un pas vers la victoire. Mais la véritable clé pour éradiquer le terrorisme réside dans une approche holistique, qui inclut également la reconstruction des zones dévastées, la réconciliation nationale, et surtout le renforcement de l’État de droit. En d’autres termes, il faut combiner la force militaire avec des actions sur le terrain : construire des écoles, des routes, des hôpitaux, et restaurer la confiance entre les autorités et les citoyens.
Cela nécessite un investissement humain et financier de la part de la communauté internationale. Le Mali ne peut pas se battre seul contre des ennemis aussi déstabilisants et bien implantés. Une coopération régionale renforcée, notamment dans le cadre du G5 Sahel, est indispensable pour étouffer la capacité d’action des groupes terroristes, dont les ramifications dépassent les frontières du pays. Les soutiens humanitaires et les aides au développement, combinés à une aide technique et sécuritaire, sont des atouts majeurs pour consolider la paix et restaurer la stabilité dans les régions sous contrôle des terroristes.
Mais au-delà des actions militaires et humanitaires, il est fondamental que le Mali développe une véritable stratégie de gouvernance, de développement et de réconciliation. L’objectif est de garantir une paix durable en offrant aux populations des perspectives d’avenir et en réduisant les inégalités qui nourrissent la révolte et l’extrémisme.
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En conclusion, bien que la frappe aérienne du 20 décembre ait porté un coup significatif aux terroristes, le défi reste colossal. Il est impossible de gagner cette guerre uniquement par la force. L’État malien doit continuer à renforcer ses capacités militaires, tout en investissant dans la reconstruction et la réconciliation. Seul un Mali uni, solidaire et stable pourra un jour dire qu’il a remporté cette guerre.
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Fatoumata Bintou Y
Source: Bamada.net