Le Mali, riche de son sous-sol mais souvent appauvri par une gestion peu bénéfique de ses ressources naturelles, se trouve une fois de plus au cœur d’un bras de fer avec l’industrie aurifère. L’émission récente de mandats d’arrêt contre Dennis Mark Bristow, PDG de Barrick Gold, et Cheick Abass Coulibaly, directeur général du complexe minier Loulo-Gounkoto, marque un tournant significatif dans la gestion des affaires minières au Mali.
Bamada.net-Depuis 2020, la transition malienne s’est attelée à redéfinir les règles du jeu dans un secteur longtemps dominé par les multinationales étrangères. Le discours souverainiste des autorités, largement axé sur la restauration des droits économiques du peuple malien, commence à prendre forme dans des actes concrets. Cependant, ces mesures, si elles suscitent de l’enthousiasme chez une partie de la population, inquiètent également quant à leurs répercussions économiques et diplomatiques.
Un combat économique ou symbolique ?
Les accusations portées contre Barrick Gold sont graves : blanchiment d’argent, violation des règles de l’UEMOA et atteinte aux biens de l’État. Ces mandats interviennent dans un contexte de révision du code minier, visant à augmenter les revenus de l’État malien. En effet, l’or, qui représente près de 25 % du budget national et 75 % des recettes d’exportation, reste un levier essentiel pour une économie en proie à des défis multiples.
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Mais au-delà des chiffres, ce litige pose une question fondamentale : le Mali peut-il, seul, affronter des mastodontes comme Barrick Gold ? La mise en détention de quatre employés locaux et les accusations contre des responsables de haut rang traduisent une volonté ferme de remettre de l’ordre dans un secteur où les manquements ont longtemps prospéré.
Souveraineté nationale ou risque de fuite des investisseurs ?
La stratégie des autorités maliennes est éclairante. Il ne s’agit pas seulement d’obtenir une part plus juste des ressources minières, mais également de réaffirmer une souveraineté souvent compromise par des contrats jugés déséquilibrés. Cette posture s’inscrit dans une dynamique plus large, où le Mali cherche à redéfinir ses partenariats internationaux, comme en témoigne le rapprochement accru avec des acteurs non occidentaux.
Cependant, ces initiatives pourraient avoir des effets pervers. Les entreprises étrangères, déjà réticentes à investir dans un contexte politique instable, pourraient se montrer encore plus prudentes face à ce qu’elles perçoivent comme une chasse aux sorcières. Les départs prématurés de certains investisseurs pourraient affaiblir un secteur stratégique pour l’économie nationale.
L’opinion publique entre soutien et questionnements
Du côté de la population, la réaction oscille entre satisfaction et scepticisme. Si beaucoup saluent la décision de s’attaquer aux présumés abus des grandes compagnies, d’autres s’interrogent sur les capacités du Mali à mettre en œuvre des solutions viables et durables. Le risque de voir des acteurs peu scrupuleux remplacer les multinationales inquiète également.
En définitive, le bras de fer avec Barrick Gold est à la fois un test pour la stratégie économique du Mali et un signal envoyé aux autres acteurs internationaux. Ce combat symbolise une quête de justice et d’équité, mais il devra éviter les excès qui pourraient compromettre l’avenir économique du pays.
Une opportunité pour réécrire les règles
La crise actuelle est une opportunité unique pour le Mali de repenser ses relations avec les investisseurs étrangers. Plutôt que de s’enfermer dans une logique de confrontation, le pays pourrait explorer des modèles de partenariat plus inclusifs, où les bénéfices sont partagés de manière équitable.
La balle est désormais dans le camp des autorités maliennes. Parviendront-elles à transformer cette lutte en un levier pour le développement durable ? Ou risquent-elles de voir leurs ambitions souverainistes entravées par des réalités économiques complexes ? Une chose est sûre : le Mali ne peut plus se permettre de brader ses richesses.
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Sogolo Mussa
Source: Bamada.net