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Chronique. Kaboré entre l’ombre de Compaoré et le spectre de Sankara

Le dossier de l’assassinat de l’ex-président burkinabè Thomas Sankara vient d’être renvoyé devant un tribunal militaire. Une avancée judiciaire qui intervient à seulement un mois de la présidentielle…

 

Le fantôme de Thomas Sankara doit avoir les oreilles qui sifflent, même si ses héritiers de l’Union pour la renaissance / Parti sankariste (UNIR/PS) ont décidé de passer leur tour électoral, en cette pré-campagne présidentielle de 2020. Le nom de « Thom Sank » est fréquemment prononcé, en ce mois d’octobre, du fait d’un triple calendrier.
Primo, le 15 de ce mois, plus ou moins consolés par l’érection d’une statue géante du héros national, les sympathisants du « Che africain » commémoraient le trente-troisième anniversaire de son décès violent.

Appel du pied

Secundo, Blaise Compaoré étant l’autre face de la pièce révolutionnaire voltaïque, des propos du président actuel ont été lus entre les lignes. Candidat sortant confronté à un adversaire du parti compaoriste –Eddie Komboïgo, recalé par le Conseil constitutionnel en 2015 –, Roch Marc Christian Kaboré a fait un appel du pied aux électeurs nostalgiques de la Rectification de 1987. Ce même 15 octobre, dans une interview accordée à RFI et France 24, le chef de l’État déclarait qu’il travaillerait, en cas de réélection, au retour de Côte d’Ivoire de son ex-mentor trahi en 2014.
Si les actualités commémoratives et électorales se sont télescopées médiatiquement, le calendrier judiciaire n’est pas en reste. C’est encore le 15 octobre dernier que les avocats de la famille Sankara annonçaient le renvoi du dossier de l’assassinat de Thomas Sankara devant la chambre de contrôle du tribunal militaire de Ouagadougou. Pour Me Bénéwendé Sankara et pour le Réseau international Justice pour Sankara, justice pour l’Afrique, ce pas judiciaire augure la tenue prochaine d’un procès.

Suffrages potentiels

Ménageant la chèvre compaoriste et le chou sankariste, le candidat-président Kaboré a salué « les avancées judiciaires sur le dossier Sankara ». A-t-il oublié que cette procédure comporte un mandat d’arrêt contre le même Compaoré qu’il souhaite voir revenir au pays natal dans un cadre de réconciliation nationale ? Au total, dans ce dossier, 25 personnes sont poursuivies pour « attentat à la sûreté de l’État », « assassinat », « faux en écriture publique » et « recel de cadavres ».
Peut-être l’actuel chef de l’Etat, simple arithméticien de suffrages potentiels, ne voit-il pas plus loin que son éventuelle réélection, tant le procès Sankara est comme l’horizon : plus en on s’en approche, plus il s’éloigne…
Trente-trois ans après les faits et six après la levée du verrou Compaoré, la lenteur judiciaire ne serait pas seulement du fait de la justice burkinabè, si l’on en croit les avocats de la famille Sankara. Alors qu’Emmanuel Macron avait promis, en 2017 à Ouagadougou, la déclassification de « tous les documents produits par des administrations françaises pendant le régime de Sankara et après son assassinat », un troisième lot d’archives serait toujours attendu.
Si la présidence de Roch Kaboré – ancien Premier ministre, président de l’Assemblée nationale et chef du parti majoritaire sous Compaoré – est apparue comme une autre transition après la transition, la tenue des procès Thomas Sankara et Norbert Zongo serait un pas plus que symbolique vers le Burkina nouveau invoqué par les tenants de l’insurrection populaire de 2014.

Jeune Afrique

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